Eglises d'Asie

Un dirigeant du mouvement de jeunesse bouddhiste s’immole par le feu en protestation contre la politique religieuse du gouvernement

Publié le 18/03/2010




Dans la nuit du 1er au 2 septembre, à 4h 30, à l’aube de la fête nationale et de la fête bouddhiste de Vu Lan, un responsable local du mouvement de jeunesse bouddhiste Gia Dinh Phât Tu ( Famille bouddhiste’), Hô Tân Anh, s’est immolé par le feu dans un parc de Da Nang pour protester contre la répression exercée par le Parti communiste vietnamien contre l’Eglise bouddhiste unifiée au cours des 26 dernières années et pour l’appeler au respect des droits de l’homme, de la démocratie et de la liberté. Dans une lettre datée du jour de sa mort et adressée à ses compatriotes vietnamiens, il a précisé que son sacrifice était spécialement destiné à flétrir les attaques du Parti communistes menées contre cette Eglise durant les deux premières semaines de juin dernier (1). Le frère de Hô Tân Anh qui a appris son sacrifice le lendemain en écoutant les informations sur une radio étrangère a pu identifier le corps de son parent à l’hôpital de Thanh Khe où les restes avaient été transportés. Cependant, lorsqu’il a demandé que les restes de la victime soient transportés dans sa demeure pour y procéder aux funérailles, la police s’y est opposée, prétextant que les papiers présentés par lui ne fournissaient pas la preuve de ses liens de famille. Le même jour, le corps a été hâtivement enterré par des agents de la Sécurité à Go Ca, district de Hoa Cam, dans la banlieue ouest de Da Nang. Dans une déclaration officielle, le gouvernement a reconnu avoir découvert le corps carbonisé.

Né le 1er décembre 1940, Hô Tân Anh était un paysan pauvre de la région vivant du travail dans les rizières. Bien que célibataire, il élevait cinq enfants que lui avaient confiés des parents plus pauvres que lui. Il avait confié son intention de s’immoler à sa famille sans pourtant préciser ni la date ni le lieu. Le jour de son immolation, il avait dit à ses proches qu’il s’en allait prier à la pagode. Dans une lettre adressée au Bureau international d’information bouddhiste, Hô Tân Anh a annoncé que treize autres responsables locaux du Mouvement de jeunesse bouddhiste auquel il appartient étaient prêts à le suivre dans son sacrifice.

De nombreuses lettres signées de la victime ont été adressées à divers dignitaires bouddhistes du pays et à des personnalités de la communauté internationale. Dans l’une d’entre elles, destinée aux deux plus hauts responsables du bouddhisme, les vénérables Thich Huyên Quang et Thich Quang Dô, Hô Tân Anh, après s’être excusé de son geste auprès de ses supérieurs, a donné les raisons qui l’ont poussé à la solution la plus tragique. C’est en premier lieu la répression systématique du gouvernement vietnamien à l’encontre du bouddhisme unifié depuis le changement de régime en 1975. Il la décrit en détail dans sa correspondance. Pourtant sa décision finale est due à la dramatique escalade dans la persécution qui a eu lieu entre le 4 et 10 juin, lorsque le gouvernement a mobilisé tous ses moyens pour contrer l’initiative de Thich Quand Dô et de ses collaborateurs visant à ramener le patriarche du bouddhisme unifié du Quang Nam où il est détenu à Hô Chi Minh Ville, pour lui assurer les soins dont il a besoin (2). Lui-même, le 6 juin, a été convoqué par le Front de la Patrie dans son village pour un interrogatoire qui a duré toute la journée. Il lui a été dit que le bouddhisme unifié était “l’ennemi du peuple”. Il a compris alors, dit-il, que le Parti communiste et l’Etat étaient déterminés à détruire son Eglise. “J’ai donc décidé que le seul moyen pour moi de protester était de livrer mon corps aux flammes afin de dénoncer la répression contre l’Eglise bouddhiste unifiée et contre toutes les autres religions au Vietnam”.

A la suite de l’immolation par le feu du 2 septembre, la police a déclenché une vaste opération de police dans la région de Da Nang contre les dirigeants locaux du mouvement de jeunesse bouddhiste auquel ce dernier appartenait, opération qui, semble-t-il, a pour objectif de connaître l’identité des 13 dirigeants qui, selon les lettres de Hô Tân Anh, se sont engagés à suivre son exemple. L’un d’entre eux, Vo Tan Sau, a été arrêté le 5 septembre à Saigon où il suivait un traitement médical et ramené dans le Quang Nam où il a été incarcéré en un lieu inconnu, tandis que sa famille était assignée à résidence et soumise aux interrogatoires policiers. Beaucoup d’autres dirigeants bouddhistes de la province du Quang Nam ont été eux aussi convoqués à des “séances de travail”.

Déjà en 1997, deux cent dirigeants du mouvement de jeunesse Gia Dinh Phât Tu avaient menacé de s’immoler par le feu si le gouvernement ne revenait pas sur la mesure de dissolution prise à l’encontre de leur association (3). Le mouvement qui a vu le jour, il y a une cinquantaine d’années, compte dans ses rangs environ 300 000 membres de 6 à 18 ans. Les statistiques du gouvernement précisent même que 60 % d’entre eux ont de 15 à 16 ans. Le mouvement avait été en butte à l’ostracisme des autorités gouvernementales dès le changement de régime au Sud-Vietnam. Cependant, durant la période qui vient de s’écouler, le mouvement a réussi à reprendre une nouvelle vigueur. Ce renouveau était loin d’être ignoré des autorités vietnamiennes qui l’ont observé avec beaucoup de sérieux et notaient dans la Revue communiste, en 1993 : “Parmi eux (les fidèles), les jeunes ne sont pas les moins nombreux. Dans les provinces du centre et du sud, les activités de la famille bouddhiste’ ont été restaurées et rassemblent des milliers de jeunes gens” (4).