Eglises d'Asie

“IL FAUT ABOLIR LA CONSTITUTION DE 1992”

Publié le 18/03/2010




L’Assemblée nationale lors de sa 9ème session (10ème exercice) a voté une résolution instituant un Comité chargé d’élaborer un projet visant à modifier et à compléter certains articles de la Constitution de 1992. Ce Comité d’élaboration a décidé d’organiser des consultations de la population en vue de soumettre le projet de modification à l’examen de l’Assemblée lors de la prochaine session. Il est prévu d’organiser deux séries de consultations, l’une à Hanoi de la mi-août au 30 septembre 2001, l’autre à Saigon du 4 au 20 septembre. Suivant les directives du Parti communiste vietnamien (PCV), les consultations portent essentiellement sur un certain nombre d’articles relatifs à l’organisation de l’Etat, à l’économie, à la culture, à l’éducation, à la science et à l’industrie. Consigne secrète a été donnée de ne pas toucher à l’article 4 qui, comme chacun le sait, impose à l’ensemble du peuple vietnamien la doctrine marxiste-léniniste et la pensée de Ho Chi Minh – une doctrine que partagent seulement les quelque millions de membres du Parti communiste.

Ces dernières années, plusieurs personnalités aussi bien non-communistes que communistes ont déjà demandé l’abolition de l’article 4 de la Constitution :

Le 5 septembre 1999, quatre personnalités religieuses comprenant le vénérable Thich Quang Do (Bouddhisme unifié du Vietnam), M. Lê Quang Liêm (Bouddhisme Hoa Hao), M. Tran Quang Châu (Cao Dai) et moi-même (prêtre reflétant les aspirations des catholiques), avaient lancé un Appel en faveur de la liberté religieuse, appel dans lequel nous demandions l’abolition de l’article 4 de la Constitution qui impose le marxisme-léninisme comme doctrine préconisant l’athéisme, source d’atteintes de toutes sortes à la liberté religieuse.

Le 21 février 2001, le vénérable Thich Quang Do a réitéré cette exigence dans son Appel en faveur de la démocratie au Vietnam.

Le 7 mai 2001, deux vétérans du PCV, M. Tran Khuê et Mme Nguyen Thi Thanh Xuân, dans une lettre adressée au Secrétaire général du PCV, M. Nông Duc Manh, ont demandé l’organisation de consultations populaires sur des sujets majeurs, en particulier sur l’abolition de l’article 4 de l’actuelle Constitution. Selon ces deux personnalités : “Cet article ne présente rien de nouveau ni une création de notre Parti. Ce n’est qu’une copie de l’article 6 de la Constitution soviétique datant de 1980, soit 11 ans après la disparition de l’Oncle Hô.”

Aujourd’hui la grande majorité des Vietnamiens vivant dans le pays comme à l’étranger demandent non seulement l’abolition de l’article 4, mais encore celle de la Constitution de 1992 elle-même afin d’élaborer une Constitution entièrement nouvelle qui traduit les aspirations de la nation toute entière.

Il faut abolir la Constitution de 1992 parce qu’elle est sans valeur, ne reflétant pas la volonté de l’ensemble du peuple. Elle n’est que le résultat d’un produit concocté par un Parti dictatorial et approuvé par des députés agissant sur les ordres de ce Parti.

Le projet de modification de la Constitution que l’Assemblée nationale soumet à la consultation populaire à la demande du Parti communiste n’est qu’une parodie de démocratie comme tant d’autres consultations purement formelles organisées auparavant.

Il faut élire une Assemblée constituante qui soit composée de députés librement élus par le peuple, et non issue d’un simulacre d’élection où seuls sont élus les membres du Parti communiste ou des gens désignés par celui-ci comme cela se passe jusqu’à présent.

La nouvelle Constitution doit affirmer clairement le caractère indépendant des trois pouvoirs fondamentaux : à l’Assemblée nationale est dévolu le pouvoir législatif, à l’Etat le pouvoir exécutif et à la Cour suprême le pouvoir judiciaire.

Il faut instituer le pluralisme des partis afin que tout citoyen puisse choisir librement le régime politique qu’il souhaite et exprimer ainsi ses aspirations profondes.

Les droits fondamentaux de l’homme tels que : liberté d’expression, liberté de presse, liberté de mouvement, liberté de résidence, et spécialement liberté de religion, doivent être stipulés avec clarté par la nouvelle Constitution, de même que l’interdiction à l’Etat de les restreindre ou de les abolir comme cela est arrivé avec la Constitution de 1992.

En outre, il faut abolir immédiatement le décret 31/CP du 14 avril 1997, le décret 26/ND-CP du 19 avril 1999 sur la religion et le projet d’ordonnance sur la religion en cours de préparation depuis de nombreuses années (1).

Telles sont les exigences fondamentales que les Vietnamiens veulent à tout prix voir stipuler par la nouvelle Constitution.

P. Chân Tin, prêtre

Saigon, 9 septembre 2001

(1) Note du traducteur : Le décret 31/CP (14.4.1997) permet aux autorités d’arrêter sans jugement quiconque sur simple présomption au motif qu’il présente un danger pour la sécurité de l’Etat ; dès sa promulgation il fut fustigé par l’ensemble de l’intelligentsia vietnamienne, y compris de nombreux membres du PCV, comme “antidémocratique, voire réactionnaire et anti-culturel, une honte pour le pays…, car il s’oppose précisément à la Constitution et à la législation que l’Etat de la République socialiste du Vietnam a lui-même promulguées”. C’est sous couvert de ce décret que fut arrêté il y a quelques années puis assigné à résidence l’intellectuel contestataire bien connu Ha Si Phu, parmi d’autres…

Le décret 26/ND-CP (19.4.1999) tout en affirmant théoriquement “la liberté de croire” et celle de “ne pas croire”, vise à soumettre les activités religieuses à un contrôle étroit et à des formalités tatillonnes afin de conserver, face aux changements inévitables, la mainmise du Parti communiste sur tous les aspects de la vie du croyant.

Le projet d’ordonnance sur la religion est la dernière tentative en date du pouvoir communiste pour régenter la religion de façon globale. A la différence d’une multitude d’autres textes législatifs portant sur la religion depuis 1954, qui se présentaient comme des “décrets” (quyet dinh) du Premier ministre, il s’agit aujourd’hui d’une “ordonnance” (phap lenh) qui sera promulguée par l’Assemblée nationale. Ce projet d’ordonnance a suscité un grand nombre de réactions négatives de la part des intéressés. A noter celle en particulier de ce prêtre qui semble résumer avec humour l’opinion générale : l’ordonnance est beaucoup trop longue (huit pages) ; une ligne aurait suffi pour affirmer que, pour garantir la liberté religieuse, le Parti communiste renonce à son monopole et rétablit des partis d’opposition ayant la charge de… contrôler la politique de liberté religieuse de l’Etat ! (voir traduction et commentaire du P. J. Maïs dans Eglises d’Asie n° 323, 16/01/2001).