Eglises d'Asie

Les attentats terroristes aux Etats-Unis n’ont pas affecté outre mesure les relations entre hindous et musulmans en Inde

Publié le 18/03/2010




Narayanan Madhavan de l’agence Reuters a ainsi résumé les réaction des Indiens aux attentats terroristes de New York et Washington du 11 septembre dernier, en fonction de leur religion : “Les hindous se font entendre. Les musulmans se taisent. Très peu désirent la guerre. La plupart ont le même avis que le gouvernement indien, à savoir qu’il faut attendre et voir venir.”

Malgré le nationalisme hindou ambiant et un passé récent de troubles religieux, il n’y a guère eu de signes de tension civile à l’intérieur de la population indienne et plus particulièrement chez les 120 millions de musulmans. Même si les réactions individuelles sont influencées par la religion pratiquée, il semble bien qu’elles soient davantage explicables par le sens des intérêts nationaux.

La coalition au pouvoir menée par le parti nationaliste hindou, le Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP), a déclaré son soutien aux Etats-Unis, mais elle reste divisée sur l’engagement que l’Inde pourrait consentir à ce pays dans une éventuelle guerre. Pour certains, le soutien aux Etats-Unis a un rapport avec la guerre menée contre les séparatistes du Cachemire, seule province à majorité musulmane de la Fédération indienne. Un dirigeant du groupe extrémiste Vishwa Parishad (Conseil mondial hindou, VHP), association proche du BJP, a fait remarquer que l’Inde elle-même est victime des activités terroristes et qu’une tentative d’élimination totale de cette menace serait bien accueillie par elle. L’armée indienne, en effet, se bat sans répit contre les guérilleros islamiques dans l’Etat contesté de Jammu et Cachemire et elle accuse l’Etat du Pakistan d’être le chef d’orchestre invisible de cette rébellion, ce que démentent les autorités pakistanaises. Cependant la guerre, sainte ou autre, n’est pas aujourd’hui un thème favori des conversations.

Quant aux musulmans, lorsqu’on leur demande ce qu’ils pensent de leurs frères dans le monde islamique, ils mesurent leurs mots et répondent. “Nous vivons et subsistons ici. C’est de ce pays que nous nous soucions.” Cependant Syed Ahmed Bukhari, recteur de la plus grande mosquée de Delhi, Jama Masjid, a fait savoir qu’il allait demander aux musulmans indiens de protester pacifiquement si Washington attaquait l’Afghanistan sans qu’il soit prouvé que ce pays ait été impliqué dans les attaques terroristes du 11 septembre. “Ce qui est arrivé aux Etats-Unis le 11 septembre est odieux et n’a rien à voir avec l’islam, a-t-il déclaré. Mais les Américains doivent considérer leurs actions sur la scène internationale pour comprendre ces événements.”

L’Inde, un Etat qui se veut séculier, malgré les actuelles dérives, accorde depuis des décennies son soutien aux mouvement palestiniens et à des pays arabes tels que l’Iraq et la Libye. Cependant elle est en même temps obligée de tenir compte de ses problèmes intérieurs avec les extrémistes musulmans. Le clergé musulman, les écoles islamiques, les madrasas font partie des sources de troubles potentiels, pour les officiels, qui accusent le Pakistan de chercher à provoquer des dissensions interreligieuses en Inde. Les heurts entre les deux religions restent un souci pour les services de sécurité indiens. Cependant, depuis les émeutes qui ont fait 3 000 morts après la démolition de la mosquée d’Ayodhya en 1992, les heurts entre hindous et musulmans ont été plutôt rares.

Une enquête menée auprès des automobilistes, toutes religions confondues, par un journaliste du The Economic Times (1), lors d’un arrêt de la circulation décrété dans toutes les grandes villes du pays pour exprimer la sympathie indienne aux familles des victimes du 11 septembre en Amérique, a confirmé la prudence et l’attentisme des Indiens. Beaucoup d’entre eux, accoutumés chez eux à des attaques terroristes ininterrompues depuis deux décennies, n’ont pas tellement apprécié cette manifestation et ont fait remarquer que les victimes indiennes du terrorisme au Cachemire et ailleurs n’avaient jamais eu droit à une telle marque de solidarité.