Eglises d'Asie

De lourdes condamnations ont été prononcées contre les meneurs du mouvement de protestation de février 2001 sur les Hauts Plateaux

Publié le 18/03/2010




Au mois d’avril dernier, deux mois après les manifestations montagnardes sur les Hauts Plateaux, une déclaration de Y Luyên Niec Dam, secrétaire de la section provinciale du Parti communiste à Dak Lak, rapportée par le journal Tin Tuc, avait mentionné que onze personnes, accusées d’avoir fomenté les manifestations récentes, allaient être traduites devant le tribunal régional (1). Plus tard, au mois de juin, la presse officielle avait indiqué qu’une quarantaine de personnes allaient être prochainement traduites en justice au tribunal populaire de Gia Lai. Ces annonces ont été suivies d’un grand silence et il a fallu attendre la fin du mois de septembre pour apprendre que les procès projetés avaient effectivement eu lieu et que de nombreuses condamnations avaient été prononcées. Il est d’ailleurs probable que ces informations ne dévoilent qu’une partie de la réalité de la répression exercée aujourd’hui sur la population des Hauts Plateaux.

Le 27 septembre, on apprenait, sans plus ample information, qu’un procès qui n’avait pas été annoncé à l’avance s’était tenu la veille à Buôn Ma Thuôt. A son issue, des condamnations allant de six à onze ans d’emprisonnement avaient été portées contre sept membres de la minorité ethnique Edé. Toutes avaient pour motif le sabotage de la sécurité nationale. Aucun journaliste étranger n’avait été témoin du procès. Selon la presse officielle, l’un des condamnés aurait, de plus, été trouvé en possession d’armes. Les deux plus lourdes condamnations, onze et dix ans de prison, ont frappé deux militants du nom de Y Nuên Bya et à Y Rin Kpa. Selon le porte-parole du tribunal, ce procès de Buôn Ma Thuôt devait être le premier d’une série d’autres qui devaient se tenir à Dak Lak et dans les provinces voisines de Gia Lai et de Kontum. Pourtant, l’agence Reuters cite une source selon laquelle d’autres procès analogues auraient déjà eu lieu au cours des mois de février et mars dans les autres provinces des Hauts Plateaux.

Le lendemain 28 septembre, une autre annonce officielle a fait état d’une autre série de sept condamnés à l’issue d’un procès de deux jours qui s’est achevé le jeudi 27 septembre à Pleiku dans la province de Gia Lai. Les militants montagnards condamnés appartiennent aux ethnies Edé et Banar. Le dirigeant du groupe, que les rapports officiels appellent d’un unique nom “Bom”, a été condamné à douze ans de prison. Les autres ont écopé de peines allant de six à onze ans de prison. Il a été précisé qu’au terme de leur emprisonnement, les accusés devront encore purger de trois à cinq ans de résidence surveillée.

La presse officielle qui s’est largement fait l’écho des thèses soutenues par l’accusation dans ces deux procès a donné à ses lecteurs une bonne idée de l’interprétation officielle des troubles des Hauts Plateaux du mois de février dernier. On peut remarquer que, semble-t-il, il n’a pas été question du rôle joué par la religion au cours des troubles, en particulier des protestants, alors que jusqu’au mois d’avril dernier, ils avaient été largement mentionnés comme principaux fauteurs de troubles (2). Désormais, la version officielle des manifestations des Hauts Plateaux est plus politique que sociale ou religieuse. Rendant compte du procès, le Nhân Dân, organe officiel du Parti communiste vietnamien, affirmait que les troubles de février avaient été menés par “des forces hostiles à la Révolution vietnamienne Le groupe hostile ayant déclenché les manifestations était soutenu par des membres du FULRO (Front uni pour la libération des races opprimées), ayant autrefois lutté aux côtés des Etats-Unis et, aujourd’hui, réfugiés dans ce pays. Leur association, la Montagnard Foundation, dont le siège est en Caroline du Sud, a été citée nommément dans les comptes-rendus de presse et peut-être aux procès.

Ces lourdes condamnations ne sont qu’une part de la reprise en main par le gouvernement vietnamien des minorités ethniques des Hauts Plateaux du centre du pays, depuis les troubles de février. Nông Duc Manh, le secrétaire général du Parti communiste vietnamien, lui-même issu de l’ethnie minoritaire Tay, s’est porté en tête de cette campagne de reconquête. Au début du mois de septembre, il a rencontré les représentants de 53 ethnies différentes. Il leur a affirmé que l’égalité sociale entre les divers groupes ethniques du Vietnam devait être renforcée. A la mi-septembre, il accomplissait une tournée de quatre jours sur les Hauts Plateaux. A Kontum, il s’est arrêté longuement à la commune de Poco dans le district de Dac To, où les habitants d’ethnie Ro Ngao, sont en quasi-totalité catholiques, a fait remarquer vietnamienne d’information. Dans la province de Gia Lai, il a appelé les autorités à corriger les erreurs commises dans le passé.

Cependant, ni la répression, ni la persuasion n’ont jusqu’ici réussi à freiner l’exode des montagnards qui, depuis le Vietnam, passent la frontière pour aller chercher refuge au Cambodge. Au mois de septembre, ils ont été encore 67 à traverser illégalement la frontière dans l’espoir d’obtenir l’asile politique dans la province de Mondolkiri. Au total depuis le début de l’exode jusqu’au mois d’octobre, ce sont quelque 503 personnes, dont 176 enfants qui sont parvenus au Cambodge, fuyant la répression sévissant sur les Hauts Plateaux. Le Vietnam qui, au début de l’exode, s’était irrité de voir le Cambodge accorder le statut de réfugié à beaucoup de ces migrants et permettre l’accueil aux Etats-Unis d’un premier groupe, cherche à imperméabiliser sa frontière avec le Cambodge. Jusqu’à présent, les négociations entre les deux pays n’ont abouti à aucun résultat. Selon une source cambodgienne, une délégation cambodgienne se serait rendu à Hanoi dans la semaine du 7 au 13 octobre pour discuter de cet épineux problème.