Eglises d'Asie – Inde
Des religieux bouddhistes n’acceptent pas de voir le sanctuaire le plus sacré du bouddhisme contrôlé par des hindous
Publié le 18/03/2010
Dans le passé, les hindous ont longtemps gardé le contrôle du sanctuaire. En 1949, le gouvernement de l’Etat du Bihar a établi un comité de gestion du temple composé de cinq hindous et de quatre bouddhistes. Le poste de président du Comité était réservé à un hindou, mais il était spécifié que celui de secrétaire serait dévolu à un bouddhiste. Cependant ce sont les hindous qui ont accaparé les deux postes jusqu’en 1995. A cette date, la partie bouddhiste a réussi à obtenir un contrôle partiel de la gestion des lieux saints et c’est un religieux bouddhiste, le vénérable Prajnasheel Thero, qui en est devenu secrétaire gestionnaire. Or au milieu du mois d’août dernier, le gouvernement l’a remplacé par Kalicharan Yadav, un hindou appartenant à la même caste que le ministre-président de l’Etat du Bihar, une nomination que les bouddhistes n’ont pas manqué d’interpréter comme une marque de solidarité de caste.
Le vénérable Prajnasheel dont le mandat devait durer encore deux ou trois ans a déclaré qu’il ne s’attendait pas à ce coup de poignard dans le dos de la part d’hommes politiques qui s’étaient engagés à soutenir le principe de la laïcité dans la région ainsi que les intérêts des minorités et des pauvres. En effet, le Rashtriya Janata Dal (Front nationaliste populaire, RJD) qui gouverne l’Etat est soutenu principalement par les minorités religieuses et les pauvres pour lesquels il a semblé avoir des attentions.
Pour le vénérable Anand Thero, un religieux bouddhiste qui a pris la tête du mouvement luttant pour reprendre le contrôle de ce sanctuaire, vieux de 1 300 ans, la nomination d’un hindou au poste de gestionnaire est significatif des visées hégémoniques actuelles des hindous de la région. Les bouddhistes, a-t-il expliqué, ont toléré la domination hindoue sur leur temple jusqu’en 1992, date à laquelle des fanatiques hindous ont démoli la mosquée de Ayodhya dans le nord de l’Inde. Ils ont perdu alors la confiance qu’il pouvaient accorder aux hindous pour ce qui concerne la sauvegarde des intérêts des minorités. “Très bientôt, a-t-il averti, va commencer notre guerre contre la tricherie et le terrorisme hindous Il a annoncé une lutte prolongée qui obligerait l’hindouisme à se débarrasser des mauvais éléments qui se cachent en son sein.
Le remplaçant hindou du religieux bouddhiste au poste de secrétaire, Kalicharan Yadav, se défend en disant qu’il a été nommé à ce poste sous la pression de religieux bouddhistes qui ont forcé le gouvernement à le nommer. Se décrivant lui-même comme un humble disciple engagé pour servir la minorité bouddhiste, il affirme que sa seule qualification est d’avoir toujours travaillé à la gloire de Bodh Gaya.
La presse et certains observateurs ont avancé quelques explications susceptibles de dépassionner ce conflit. Certains laissent entendre que ce qui heurte le plus les bouddhistes en cette affaire c’est le sentiment de n’être pas maîtres chez soi, en dépit du fait que les hindous en poste au sanctuaire se conduisent avec beaucoup de respect aussi bien pour les lieux que pour les religieux bouddhistes. D’autres voient dans ce mouvement pour la récupération des lieux saints du bouddhisme, la marque des néo-bouddhistes, les disciples de B. R. Ambedkar (1), célèbre personnalité originaire d’une basse caste, qui fut président du comité de rédaction de la Constitution indienne et se fit bouddhiste pour protester contre l’oppression exercée sur les dalits par le système hindou des castes.