Eglises d'Asie

“LA CASTE EST LA PLUS STUPIDE ET LA PLUS INHUMAINE DES FORMES DE RACISME”

Publié le 18/03/2010




Pourquoi étiez-vous juste un observateur à la Conférence de Durban ? Pourquoi la Conférence épiscopale ne vous y a-t-elle pas envoyé comme délégué ?

C’est la même question que j’ai posée à la réunion du Bureau permanent du 11 au 13 septembre à Bangalore. Je leur ai demandé pourquoi, alors que le Vatican a délégué un évêque à la Conférence de Durban, il n’y en a eu aucun de la Conférence épiscopale.

Le représentant du Vatican, un évêque, n’était-il pas le représentant du Saint-Siège ?

C’est la vérité. En fait, de nombreuses ONG avaient été invitées. Elles étaient environ 8 000 venant de 150 pays. Pour l’Inde seulement, il y avait environ 2 200 délégués officiels du gouvernement, auxquels il faut ajouter une centaine d’autres…

La question des “dalits et de l’esprit de caste” n’était pas prévue dans le programme des travaux de la Conférence. Quel était l’objectif des ONG indiennes en venant aussi nombreuses ?

Le racisme est l’enfant de l’esprit de caste. Celui-ci est la plus venimeuse, la plus stupide et la plus inhumaine des formes du racisme. Les ONG présentes n’ont peut-être pas eu droit au chapitre sur la question des castes en conférence principale, parce que cette question n’était pas inscrite au programme. Mais elle ont permis aux médias et autres délégués présents de prendre conscience du sérieux de la question. Les discussions ont porté sur les castes et la discrimination fondée sur la profession et la généalogie. Il est malheureux que les médias de l’Inde aient couvert si chichement ce problème.

Aucun des délégués indiens présents ne s’est présenté pour parler de ce problème des castes en conférence principale : pourquoi ?

Si les ONG indiennes avaient pu parler contre les castes dans ce forum international, cela aurait projeté sur le gouvernement indien une fâcheuse lumière. Le gouvernement a refusé de soutenir une quelconque initiative contre les castes pour deux raisons. En premier lieu, parce que l’esprit de caste est une partie, un élément de l’hindouisme. Ils redoutent que cela ne provoque l’écroulement de l’hindouisme, du brahmanisme, du BJP (Bharatiya Janata Party – Parti du peuple indien). De plus, si, après la Conférence, une remarque à ce sujet avait été inscrite dans la charte de l’ONU, les représentants de celle-ci auraient commencé à demander à l’Inde de se corriger de ses défauts à ce sujet, des sanctions auraient été prises contre elle. Tous les délégués officiels de l’Inde se sont efforcés de refléter les idées du gouvernement sur ce sujet. Ils n’ont aucune compréhension à l’égard du problème des castes et des dalits. Ils n’ont absolument aucune idée de la souffrance et de la situation critique des dalits.

Est-il vrai que l’esprit de caste sévit à l’intérieur de la communauté chrétienne et même au niveau du clergé ?

C’est un fait que l’on ne peut nier. L’esprit de caste est une partie du système social indien. Les sentiments de castes sont dans le sang du peuple. Il n’est pas aisé de s’attaquer à ce problème.

Le sentiment de caste se retrouve chez les prêtres, spécialement au Tamil Nadu. Pourquoi la Conférence épiscopale ne prend-elle pas des mesures pour sanctionner les prêtres qui font appel aux sentiments de caste ?

Il n’y a personne dans l’Eglise qui ne mène une action légale en ce domaine. Il n’existe aucune loi dans le droit canon. On peut seulement faire des réprimandes. Mais peut-être peut-on suivre une politique à cet égard qui change la situation. Nous pouvons y travailler. Au lieu d’élaborer une série de règles que personne ne suivra, nous pourrions mettre en œuvre une politique.

Les catholiques dans votre diocèse sont dalits à 84 %. Y a-t-il la paix dans votre diocèse ?

Je pense que oui. Prêtres et laïcs ont des relations cordiales. Peut-être reste-t-il encore des traces des sentiments de caste. Il faut très longtemps pour qu’ils disparaissent. Mon objectif est de construire une communauté fraternelle des prêtres et du peuple, une communauté où règne l’amitié et la compréhension mutuelle. Là où l’on trouve l’esprit de caste, il n’y a pas de christianisme, pas de Dieu, pas de communauté. Les autres évêques font de leur mieux pour éradiquer les sentiments de caste dans leurs diocèses respectifs.

Avez-vous le projet d’organiser une Conférence nationale sur le problème des dalits ?

Oui. Nous nous préparons à convoquer prochainement une brève conférence de l’Inde du Sud à Vellore ; peut-être aurons-nous des délégués des autres parties de l’Inde.

Pourquoi n’y a-t-il pas de Commission des dalits dans l’archidiocèse de Bangalore ?

La plupart des catholiques du Karnataka sont des Tamouls, plus de 80 % d’entre eux. Une majorité sont des dalits. Je ne sais pas ce qu’ils pensent. Peut-être le problème de la langue à Bangalore est-il le principal obstacle.

Quel est la prochaine réalisation inscrite dans votre programme ?

Notre idée principale n’est pas simplement humanitaire ou économique. Nous devons aller le plus loin possible et chercher les moyens d’éliminer le système des castes du sol indien. Je ne cesse d’affronter ce problème. Tous mes sermons, tous mes entretiens et toutes mes interventions portent sur ce sujet.

C’est votre cri, votre cri dans le désert ?

Je ne pense pas. Ma voix touche, elle heurte et blesse. Elle porte des fruits petit à petit. Un climat d’amitié, d’amour et de compréhension mutuelle doit être créée progressivement entre prêtres et religieux.