Eglises d'Asie

PAPOUASIE OCCIDENTALE : LES RESPONSABLES RELIGIEUX LANCENT UN APPEL A LA PAIX ET AU DIALOGUE

Publié le 18/03/2010




A tous les responsables politiques en Papouasie,

A tous les responsables de l’armée et de la police en Papouasie,

A tous les responsables de l’opposition en Papouasie,

A tout le peuple,

La paix soit sur vous !

Nous, responsables religieux de Papouasie, commençons par implorer la miséricorde de Dieu, Source de la Vie, et par demander pardon à toutes les victimes, car nous avons failli à notre vocation qui est de promouvoir la dignité de l’homme et les valeurs de la vie humaine. Nous n’avons pas empêché que la violence continue d’être utilisée par certains pour défendre leur cause et pour tenter de résoudre les problèmes. Cependant, à la mesure de nos moyens, nous continuerons à défendre la cause des populations victimes de ces violences. L’emploi de la violence se banalise de plus en plus chez nous. Cette situation ébranle notre conscience et, plus que jamais, nous fait craindre que ces violences continuent.

Voici un certain nombre de faits que nous avons notés :

1.) 13 juin 2001 : à Wondoboi, canton de Wasior, arrondissement de Manokwari, attaque où cinq membres des Brigades mobiles et un civil ont trouvé la mort, de même qu’un vol d’armes au siège de l’entreprise CV Vatika Papuana Perkasa. Selon la police, les auteurs en seraient un groupe d’indépendantistes. Suite à cette attaque, la police a lancé une opération à grande échelle : arrestations arbitraires et mauvais traitements à l’encontre d’au moins seize salariés de cette entreprise ; brutalités sur les habitants faisant au moins six victimes ; trois villages (Isui, Kabou et Kubiari) délaissés par leurs habitants ; cinquante et une maisons détruites et incendiées dans les villages de Wasior, Wondama, Wondiboi, Senderawoi, Sanoba, Wombu et Isey ; sept personnes dont on est sans nouvelles ; village de Wondama isolé jusqu’à maintenant.

2.) 25 juin 2001 : à Nengke, canton de Pantai Timur, arrondissement de Jayapura, enlèvement de Hubertus Wresman par un groupe d’hommes masqués et armés, qui seraient, selon les gens du pays, des membres des troupes spéciales (Kopassus). L’affaire a été portée devant la XVIIe région militaire (Trikora). Une enquête a été menée conjointement avec des membres du Conseil des Eglises (GKI), le commandant militaire et la police. Les témoins ont été dans l’incapacité de reconnaître les auteurs présumés ; en conséquence, les membres du GKI et le directeur de la commission pour les droits de l’homme ont été entendus par la police pour diffamation envers les Kopassus. Mais on est toujours sans nouvelles du disparu, et on ne sait toujours pas ce qui s’est passé exactement.

3.) 28 août 2001 : à Serui, arrondissement de Yapen-Waropen, incidents et échanges de coups de feu entre le Bataillon d’infanterie 611 de l’armée et les Brigades mobiles de la police, entraînant la mort de deux militaires et faisant de nombreux blessés.

4.) 12 septembre 2001 : découverte de deux corps flottant sur la rivière Maro, arrondissement de Merauke : Willem Onde et Yohanes Tumin, chefs indépendantistes à Merauke. Cette découverte n’a fait que renforcer les soupçons et les craintes de la population, puisque aucune explication satisfaisante n’a pu être fournie par les forces de l’ordre.

5.) 17 septembre 2001 : à Ansudu, canton de Pantai Timur Betaf, arrondissement de Jayapura, six employés de PT Salaki, en train d’effectuer une enquête, sont attaqués par un groupe indépendantiste : un mort et cinq blessés.

6.) 23 septembre 2001 : à Bonggo, arrondissement de Jayapura, un groupe indépendantiste attaque un poste militaire sur le secteur de transmigration SP-7 de Bonggo, situé à une centaine de kilomètres à l’ouest de Jayapura. A la suite de cette attaque, on déplore deux morts et quatre blessés graves parmi les militaires ainsi qu’un mort parmi les indépendantistes ; quelques transmigrants ont été retenus en otages pendant quelque temps, et du matériel radio emporté. A la suite de cette attaque, le commandement de la XVIIe région (Trikora) a lancé une opération militaire contre les groupes indépendantistes.

7.) 23 septembre 2001 : à Serui, arrondissement de Yapen-Waropen, des centaines de personnes s’en prennent aux bâtiments de l’Assemblée provinciale de Yapen-Waropen. Cette action répondait aux actes de piraterie et autres brutalités perpétrées lors d’un voyage en bateau à moteur entre Serui et Sawai.

8.) 28 septembre 2001 : à Ilaga, arrondissement de Puncak Jaya, des indépendantistes attaquent des postes de police, de police militaire et de l’armée (unité du Bataillon d’infanterie 753). L’armée et la police ont ensuite joint leurs forces pour lancer une opération de représailles contre les indépendantistes. On ne sait toujours pas les conséquences de cette opération, étant donné les difficultés liées à la géographie et aux communications téléphoniques.

Tous ces faits ne peuvent plus être considérés comme des actes de violence isolés. Ils contribuent à créer une spirale de la violence, qui semble avoir pour seul but d’amener une escalade sans fin dans les actions de représailles. Ce cercle vicieux entraîne :

1.) Des victimes (morts, blessés graves et légers) parmi les indépendantistes, dans les rangs des forces de l’ordre (armée et police), et surtout dans la population civile, prise en étau entre des forces qui s’opposent par les armes.

2.) Des réfugiés : les civils qui abandonnent leurs villages après les affrontements entre indépendantistes et forces de l’ordre, ou bien lors des attaques dont les populations civiles sont la cible.

3.) Un climat de panique qui s’installe parmi la population, dû à l’absence totale de garantie de protection et au bouclage de certains secteurs ou à la limitation de la liberté de mouvement, dû aussi au flux croissant de réfugiés.

4.) Une absence d’information : les faits ne sont pas portés à la connaissance du public et donc le gouvernement ou le public en général n’accordent pas aux victimes toute l’attention nécessaire. Plus grave encore, ceux qui, comme les responsables religieux (le Synode GKI par exemple) ou les travailleurs humanitaires qui veulent mettre en lumière ces faits se voient accusés de distorsion des faits et de diffamation.

5.) Des dégâts matériels importants, mais encore difficiles à chiffre à l’heure actuelle, dont sont victimes principalement les populations civiles, les groupes indépendantistes ainsi que l’armée et la police.

Les réalités dont nous venons de parler ne sont pas nouvelles et nous-mêmes, en tant que responsables religieux, avons souvent pris position dans des déclarations précédentes. Néanmoins, de par notre vocation humanitaire, à nouveau nous demandons instamment :

1.) L’arrêt de toute violence, qu’elle soit le fait des indépendantistes ou de l’armée et de la police : les premières victimes en sont les populations civiles qui n’ont rien fait de mal.

2.) L’ouverture immédiate du dialogue : que l’armée, la police et les indépendantistes s’engagent sans plus tarder sur cette voie, si besoin en faisant appel à un médiateur qui ait leur confiance, et cherchent une solution juridique au conflit.

3.) La mise en place, par la Commission nationale des droits de l’homme, d’un comité d’enquête afin que la vérité soit faite sur les éventuelles violations des droits de l homme et que la justice soit rendue.

4.) L’ouverture des zones de conflits aux organismes d’aide humanitaire, qu’ils soient privés ou religieux : pour apporter secours aux victimes, subvenir aux besoins les plus urgents, et procurer une assistance psychologique aux familles des victimes.

5.) L’arrêt des interrogatoires infligés au président du Synode GKI et au directeur de la Commission locale des droits de l’homme : la relation qu’ils ont faite des événements de Betaf a été menée dans le cadre d’une mission humanitaire et pour le rétablissement de la vérité.

6.) L’arrêt de toute tentative d’instrumentalisation de ces violences dans un but politique, économique ou particulier : la violence en est encore redoublée.

12.) La plus grande objectivité possible des moyens de communication : les faits doivent être rapportés dans leur totalité, et dans l’intérêt de ceux qui en sont les victimes.

Voilà notre position, à nous responsables religieux de Papouasie, dans notre volonté de restaurer la vérité et la justice, avec le concours de toutes les personnes de bonne volonté. Que notre effort soit toujours béni de Dieu, Lui qui est la Vérité.

Fait à Jayapura le 5 octobre 2001,

Signé : les responsables religieux de Papouasie :

Pasteur Herman Saud,

président du Synode GKI de Papouasie

Pasteur John Gobay,

président du Synode GKII

Mgr Leo Laba Ladjar, OFM,

évêque catholique de Jayapura

Pasteur S. Sofyan Yoman,

secrétaire général de la Communion des Eglises baptistes en Irian Jaya

M. H. Zubeir D. Hussein,

président du MUI (Majelis Ulama Indonesia) Irian Jaya

Pasteur Mestian Towolom,

président du Synode GIDI