Eglises d'Asie

A l’issue d’une campagne pour la liberté religieuse, un prêtre catholique de Huê est condamné à 15 ans de prison pour avoir « saboté l’union nationale »

Publié le 18/03/2010




Le P. Thaddée Nguyên Van Ly, curé de An Truyên du diocèse catholique de Huê, a comparu le vendredi 19 octobre 2001 devant le tribunal de la province de Thua Thiên-Huê. De lourdes condamnations lui ont été infligées à l’issue d’un procès qui a duré moins d’une demi-journée : 15 ans de prison fermes qui seront suivis de cinq années d’assignation à résidence. La peine de prison a été décomposée comme suit : deux ans pour n’avoir pas respecté l’assignation à résidence qui lui avait été imposée et 13 ans pour avoir « saboté l’union nationale ».

La tenue du procès du P. Ly, animateur d’une campagne pour la liberté religieuse entamée en novembre 2000 et interrompue par son arrestation le 17 mai dernier, a été gardée secrète jusqu’au dernier moment. Les premières nouvelles ont été diffusées dans la journée même par les télévisions de Huê et de Hô Chi Minh-Ville. Les images ont montré le P. Ly amaigri et affaibli, vêtu d’un pyjama blanc, le teint pâle et tenant les yeux fermés. On n’a aperçu ni témoin, ni représentant de l’archevêché. Il semble qu’il n’était assisté d’aucun avocat et que l’on ne lui a pas laissé le loisir de se défendre lui-même. Le commentaire entendu à la télévision et repris par le Nhân Dân (organe du Parti communiste vietnamien) du 19 octobre a relayé les accusations portées au procès par le représentant du parquet. Le prêtre aurait mené de nombreuses activités destinées à semer la division au sein des fidèles et troubler l’ordre, la sécurité et la vie ordinaire de la population. L’accusation a insisté sur l’obstination du prêtre à ne pas reconnaître ses fautes.

Commencée au mois de novembre 2000 (1), dans le cadre de revendications locales – des terrains paroissiaux confisqués par l’Etat -, la campagne du P. Ly avait vite pris une dimension interreligieuse, nationale et même internationale. Elle a été tout de suite marquée par le ton sans concession adopté par le prêtre et une volonté de non compromission avec le régime, que symbolisait le calicot qu’il avait accroché au clocher de son Eglise où était inscrit : « La liberté religieuse ou la mort ! ». Expert en informatique – qu’il enseignait aux jeunes gens de la chrétienté où il était d’abord assigné à résidence -, Nguyêt Biêu, il diffusa sur le réseau Internet de nombreuses déclarations où il revendiquait liberté et totale indépendance pour les diverses religions du Vietnam, des procès verbaux où il détaillait concrètement les violations de la liberté religieuse commises par les autorités locales et nationales. Aux responsables religieux de son Eglise, il conseillait de cesser de se soumettre au pouvoir civil. Ces déclarations, surtout les dernières, contenaient en même temps une critique sévère de la société communiste et du Parti dont il demandait la dissolution en même temps qu’il exigeait des élections libres.

La situation du P. Ly a empiré fortement lorsque, à la demande de la Commission sur les libertés religieuses internationales du Sénat américain, il fit parvenir à celle-ci un rapport sur la liberté religieuse au Vietnam, le 13 février 2001. Dès le 27 février, le P. Ly était assigné à résidence dans la paroisse de An Truyên où son archevêque venait de le nommer. Suivait une campagne de presse sans précédent lancée contre lui par les principaux journaux officiels du pays. Ce qui n’empêcha pas le prêtre dissident de continuer la publication régulière de ses déclarations et procès verbaux dénonçant l’inféodation des religions au pouvoir civil. et surtout l’envoi à une commission des droits de l’homme du Congrès américain d’un nouveau rapport intitulé « Témoignage n° 2 d’un prisonnier de conscience, le prêtre Nguyên Van Ly ». Les réactions du pouvoir ne se firent pas attendre. Le 10 mai, les autorités civiles lui interdisaient de dire la messe. Le P. Ly n’ayant pas tenu compte de cette dernière injonction, le 17 mai 2001, 600 agents de la Sûreté vinrent arrêter le prêtre dans son presbytère alors qu’il se préparait à célébrer la messe.