Eglises d'Asie

L’Eglise catholique a réagi vivement à l’annonce de la reprise prochaine des exécutions capitales, reprise voulue par la présidente Arroyo afin de lutter contre les enlèvements pour rançon

Publié le 18/03/2010




Le 19 octobre dernier, la présidente des Philippines, Gloria Macapagal-Arroyo, a annoncé qu’elle était désormais favorable à la peine de mort et qu’elle s’engageait à ce que les 95 individus reconnus coupables d’enlèvement soient exécutés une fois que la Cour suprême, conformément au droit philippin, aura confirmé leurs sentences. Elle a également appelé à l’exécution rapide de six kidnappeurs qui ont vu, il y a moins d’un an, leurs peines capitales commuées en peines de prison à vie. Cette prise de position de la présidente constitue un retournement complet, Gloria Arroyo s’étant affichée en janvier dernier, lors de son arrivée à la tête de l’Etat, comme favorable à l’abolition de la peine de mort. La présidente a justifié son retournement en déclarant que les 79 prises d’otages recensées depuis le début de l’année représentaient une grave menace pour la prospérité économique du pays. Outre l’enlèvement de membres du clergé catholique (1), ce sont en effet principalement les riches Philippins, souvent d’origine chinoise, qui sont la cible de ces enlèvements, organisés par des criminels qui monnaient leurs otages contre de lucratives rançons. Les milieux d’affaires font valoir que ces enlèvements à répétition découragent les investisseurs domestiques et étrangers.

L’Eglise catholique aux Philippines, qui, depuis plusieurs années, fait campagne pour l’abolition de la peine de mort (2), a vivement réagi à ce retournement. Par la voix du président de la Conférence épiscopale, Mgr Oscar Cruz, elle a appelé la présidente Arroyo “à ne pas recourir à une solution expéditive pour résoudre le problème de la criminalité”, ajoutant qu’il était “illusoire” de penser que l’ordre public et la loi seraient respectés “au prix d’une ou deux exécutions capitales par jour”. Le communiqué des évêques philippins affirmait encore : “Arrêtez de nous donner de faux espoirs en nous faisant croire que notre sécurité dépend de la peine capitale !”

Outre les évêques, des juristes ont exprimé leur opposition aux mesures annoncées par la présidente. Selon eux, l’exécution de criminels condamnés dans un premier temps à la peine capitale mais dont la sentence a été commuée ensuite en détention à perpétuité constituerait un précédent et serait contraire à la Constitution. “Le gouvernement ne peut pas légalement faire exécuter des condamnés à mort qui ne sont plus condamnés à mort”, a déclaré Theodore Te, avocat au sein du Free Legal Assistance Group (FLAG), une association d’avocats bénévoles qui a assisté plusieurs condamnés à mort. “Si Arroyo persévère dans cette ligne, alors assurément, cela représentera un viol de la Constitution”, a-t-il mis en garde, précisant que, “en théorie”, un tel acte peut mener à une procédure en destitution. Allusion transparente au sort de Joseph Estrada, prédécesseur de Gloria Arroyo, chassé du pouvoir l’an dernier après que le Congrès eut déclenché une procédure en destitution à son encontre et que des manifestants, soutenus par l’Eglise catholique, eurent fait le siège du palais présidentiel.

En mars 2000, le président Estrada, dont la cote de popularité était déjà sensiblement sur la pente descendante, avait publié un moratoire sur les exécutions capitales (3). Annoncé à l’occasion du jubilé de l’an 2000, ce moratoire, avaient alors fait remarquer plusieurs observateurs, était un geste d’Estrada en direction d’une Eglise catholique qui masquait à peine son peu d’enthousiasme à l’égard de la personne du président. Quelques mois plus tard, en décembre 2000, le même Estrada décrétait la grâce de tous les condamnés à mort et la commutation des sentences capitales en peines de prison à vie (4). Cette grâce collective avait relancé l’espoir chez certains catholiques de voir la peine de mort définitivement abolie aux Philippines, espoir aujourd’hui démenti par le revirement de Gloria Macapagal-Arroyo.

Selon le FLAG, 1 020 condamnés à mort sont actuellement détenus dans “les couloirs de la mort” (993 hommes au Pénitencier national et 27 femmes à l’Institut correctionnel pour femmes). En province, environ 800 autres personnes ont été condamnées à mort et attendent leur transfert au Pénitencier national. Ces chiffres font des Philippines un des pays d’Asie où la peine capitale est le plus souvent prononcée par les tribunaux. Avant d’être exécutoire, une sentence capitale doit automatiquement être confirmée par un jugement de la Cour suprême.