Eglises d'Asie

L’Eglise catholique à Taiwan accueille posément la perspective de voir, à terme, le Saint-Siège établir des relations diplomatiques avec la Chine populaire

Publié le 18/03/2010




Le discours du pape Jean-Paul II à l’occasion du colloque sur le jésuite Matteo Ricci qui s’est tenu à Rome le mois dernier (1) a été bien reçu par les catholiques à Taiwan si l’on en croit les déclarations de plusieurs évêques et responsables laïques. Selon Mgr Luke Liu Hsien-tang, du diocèse de Hsinchu, Jean-Paul II a tout au long de son pontificat exprimé une grande sollicitude envers le peuple chinois. Membre, au sein de la Conférence des évêques de Taiwan, de la Commission chargée des relations avec la Chine (Bridge Church Service), Mgr Liu a estimé que les excuses du pape pour les erreurs passées de l’Eglise et sa demande de pardon à la Chine n’ont pas constitué une surprise. « Maintenant, savoir si ce geste peut constituer un tournant dans les relations entre la Chine et le Vatican dépend de la Chine », a-t-il déclaré, ajoutant qu’établir des relations diplomatiques avec Pékin serait « un non sens » tant que la politique religieuse des autorités continentales chinoises demeure inchangée.

Interrogé sur les conséquences pour l’Eglise catholique à Taiwan de l’établissement de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et Pékin, Mgr Luke Liu a répondu que, dans tous les cas de figure, le Saint-Siège maintiendrait sous un nom ou un autre un représentant à Taiwan et que les relations entre l’Eglise à Taiwan et le Saint-Siège n’en seraient donc pas affectées. C’est là un fait que l’Eglise catholique à Taiwan doit accepter, a-t-il remarqué, rappelant que, depuis 1971, la nonciature apostolique de Taipei n’est dirigée que par un chargé d’affaires et non plus par un nonce en titre.

Selon Mgr Andrew Tsien Tchew-choenn, évêque de Hualien et réputé proche des milieux catholiques « clandestins » de Chine continentale, le message du pape, ses excuses en particulier, est important pour les catholiques taiwanais d’un point de vue évangélique et pastoral. A ses yeux, le cœur du message n’est pas d’ordre diplomatique et, rappelle-t-il, le pape n’a pas dit que le Saint-Siège rompait ses liens diplomatiques avec Taiwan. A son avis, la demande de pardon de Jean-Paul II ne fera pas changer les vues des communistes au pouvoir à Pékin sur l’Eglise catholique mais il remarque qu’il est bon pour l’opinion de savoir que l’Eglise est prête à reconnaître ses erreurs passées. Agé de 75 ans, Mgr Tsien se remémore d’une époque, lorsqu’il était jeune, où certains missionnaires occidentaux n’estimaient pas les Chinois « qualifiés » pour être ordonnés au sacerdoce et où peu de livres religieux étaient disponibles en langue chinoise.

Pour une responsable catholique laïque, qui a demandé à garder l’anonymat, les excuses que le pape a présentées à Rome, celles concernant la Chine tout comme celles prononcées à d’autres occasions ces dernières années, sont un témoignage d’humilité et de sincérité. Quant « aux spéculations au sujet de l’établissement de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et Pékin », les rumeurs sont récurrentes « depuis des années », a-t-elle commenté, ajoutant que ce changement est attendu et ne surviendra pas comme une surprise pour les catholiques taiwanais. Le problème étant politique, il n’affecterai par la relation entre l’Eglise à Taiwan et l’Eglise universelle et les évêques se doivent seulement d’informer les fidèles à ce sujet, a-t-elle conclu.

Dans l’éventualité où des relations diplomatiques sont établies entre Pékin et le Vatican, les relations diplomatiques entre le Saint-Siège et Taipei seraient rompues (2). Interrogé sur le discours du pape, Chang Siao-yue, porte-parole du ministère des Affaires étrangères taiwanais, a déclaré le 25 octobre dernier que les relations entre la République de Chine (Taiwan) et le Vatican étaient solides. « Bien que nous admirons le souci du pape pour les catholiques du continent, nous tenons à rappeler au Saint-Siège que la Chine communiste est toujours une dictature où, en particulier, les libertés religieuses sont opprimées », a-t-elle déclaré. A moins que la nature de la Chine communiste change, Taiwan est confiant dans les relations entretenues avec le Vatican. « Nous sommes prêts à aider le Saint-Siège à promouvoir la liberté religieuse en Chine continentale », a-t-elle conclu.