Eglises d'Asie

Mindanao : nouvel enlèvement d’un missionnaire catholique

Publié le 18/03/2010




A Mindanao, dans la province de Zamboanga del Sur, trois hommes armés ont enlevé un prêtre catholique, missionnaire d’origine italienne, membre de la congrégation du Sacré-Cœur de Jésus (déhoniens). Le P. Giuseppe Pierantoni a été kidnappé le 17 octobre dernier alors qu’il se préparait à dîner dans son presbytère de Dimataling, dans le diocèse de Pagadian. Quelques minutes après son enlèvement, le P. Janusz Burzawa, prêtre polonais, déhonien et qui partageait le même presbytère que le P. Pierantoni, est arrivé sur les lieux et s’est lancé à la poursuite des ravisseurs. Mais, ces derniers ayant ouvert le feu sur lui à l’aide de fusils mitrailleurs, il dut abandonner la poursuite et n’a eu que le temps d’apercevoir les ravisseurs embarquer le prêtre italien sur une embarcation à moteur.

Les enlèvements de membres du clergé dans la région ne sont pas rares. Au mois d’août dernier, un missionnaire irlandais a été abattu alors qu’il résistait aux malfaiteurs qui voulaient l’enlever (1). Par le passé, plusieurs prêtres, philippins ou étrangers, membres du clergé diocésain ou religieux, et même un évêque, ont été enlevés (2). Certains ont été tués en captivité ; la plupart des autres ont été relâchés. Selon l’évêque de Pagadian, Mgr Zacharias Jimenez, au mois d’août 2001, des informations étaient parvenues jusqu’à lui selon lesquelles un missionnaire étranger serait bientôt kidnappé bien que, peu après, les noms de trois prêtres philippins aient été évoqués comme cibles potentielles. A la suite de ces informations, “nous avons pris des précautions pour la sécurité (des prêtres), mais, à l’évidence, cela n’a pas été suffisant”, a déclaré Mgr Jimenez. Selon le P. Jeremiah Sheehy, administrateur de la maison de formation des prêtres déhoniens à Quezon City, lors d’une réunion organisée au mois d’août dernier, les missionnaires, informés des dangers encourus, avaient décidé de demeurer dans leurs paroisses respectives et de “mener une vie aussi normale que possible”.

Dix jours après l’enlèvement, l’identité des ravisseurs n’est pas connue avec certitude. Le 25 octobre, Mgr Jimenez a déclaré que, selon des sources militaires, les ravisseurs, qui se désigneraient comme appartenant au groupe “Pentagon”, demanderaient 8 millions de pesos (160 000 dollars US) pour la libération du P. Pierantoni. Un peu plus tôt, à la télévision, des militaires avaient fait état d’une demande de rançon de 4 millions de pesos. Des rapports issus de l’armée affirment encore que le prêtre est détenu dans un des camps du MILF (Front moro islamique de libération), le dernier grand mouvement de rebelles musulmans avec qui Manille vient justement de signer un accord de paix (3). Des responsables de l’armée ont déclaré tenir le MILF pour responsable de la vie du prêtre tandis qu’un porte-parole de ce mouvement a démenti toute implication du MILF dans cet enlèvement, offrant même l’aide du mouvement pour libérer le prêtre.

Face aux différentes équipes de négociateurs et autres intermédiaires qui se sont mis en place, Mgr Jimenez a rappelé le précédent de l’enlèvement en 1997 de Mgr Desmond Hartford, ancien administrateur de la prélature de Marawi, dont la libération avait été retardée par les querelles et oppositions qui n’avaient pas manqué d’éclater entre toutes les équipes en présence (4). Sur les ondes d’une radio locale, le 22 octobre, l’évêque de Pagadian a invité les ravisseurs du P. Pierantoni à la libération sans délai de ce dernier et, tout en donnant son propre numéro de téléphone, à prendre contact directement avec lui. Par ailleurs, Mgr Jimenez a exclu que l’enlèvement puisse être lié au contexte international actuel. Selon lui, les ravisseurs ont agi uniquement pour obtenir de l’argent – ce en quoi ils se trompent de cible car “notre ligne de conduite a toujours été de ne pas payer de rançon”. Le 26 octobre, la présidente des Philippines a exclu le paiement de toute rançon, promettant seulement aux ravisseurs de lancer l’armée à leurs trousses.

Les enlèvements contre rançon sont depuis plusieurs années assez fréquents dans cette région comme dans le reste des Philippines. A Mindanao, des rebelles musulmans, liés ou non au MILF ou au groupe Abu Sayyaf, sont généralement suspectés d’en être les auteurs bien que des éléments des forces de l’ordre, armée et police confondues, soient parfois soupçonnés d’en être partie prenante. Selon le chef de la police de Zamboanga del Sur, il n’est pas rare que les ravisseurs “vendent” leur otage à un autre groupe qui tentera à son tour de monnayer ce dernier pour un plus grand profit.

Agé de 44 ans, le P. Pierantoni a été ordonné prêtre en 1987. Présent à Mindanao depuis 1991, il est décrit par ses confrères comme “un homme rempli de zèle, tout dévoué au service des pauvres et de la justice sociale”. Une vingtaine de responsables religieux musulmans ainsi que des musulmans de Dimataling ont signé un communiqué faisant part de leur “peine et de (leur) colère” face à cet enlè-vement. Ils ont appelé à la libération du prêtre catholique “afin qu’il puisse revenir à Dimataling”.