Eglises d'Asie

Selon certains intellectuels indiens, le prix Nobel de littérature attribué à Vidiadhar Surajprasad Naipaul ne vient pas à point nommé

Publié le 18/03/2010




L’attribution du prix Nobel de littérature, le 11 octobre dernier, à Vidiadhar Surajprasad Naipaul, écrivain de langue anglaise, dont les racines culturelles sont largement indiennes a suscité dans les cercles intellectuels indiens un grand intérêt en même temps qu’un certain malaise. Celui-ci a pour origine l’état de l’opinion publique mondiale après les attentats terroristes

Dans les quotidiens et les revues indiennes, les éloges n’ont pas manqué pour cet écrivain né en 1932 à Port of Spain, capitale de l’île de la Trinité, dans une famille de descendants d’immigrés indiens de haute caste, mais pauvres. Lui-même a mis en avant le côté indien de sa personnalité le jour de l’attribution du prix en disant que cette récompense était “un hommage à , sa demeure, et à , la demeure de ses ancêtres Le Premier ministre Atal Behari, qui est lui même poète, a dit de lui : “Ses écrits reflètent une profonde compréhension de indienne Le journal The Asian Age a présenté son œuvre comme “ayant mis à jour les strates oubliées de et trouvé un style narratif et un langage simple pour en rendre compte”. Plusieurs des plus grands écrivains indiens, comme Khushwant Singh, ont souligné son appartenance à la littérature indienne où il a exercé une influence sans pareille et ont exprimé leur fierté pour la distinction qui lui était accordée.

Cependant, la presse et les milieux intellectuels n’ont pas manqué à cette occasion de relever combien l’écrivain avait eu la dent dure à l’égard de la civilisation indienne, combien il s’était complu à blesser les sentiments indiens. Deux journaux, dans leur édition du 12 octobre, The Statesman et The Indian Express, ont rappelé que certains de ses premiers livres comme An Area of Darkness (1964) et India : A Wounded Civilisation avaient pris pour cible la civilisation indienne. Leur auteur y décrit les squatters installés le long des voies de chemin de fer et décrit les Indiens comme des êtres accablés et brisés par les invasions et les conquêtes. Naipaul a toujours aimé souligner les cotés négatifs de l’Inde, affirment-ils.

Mais, c’est surtout la pointe anti-islamique de la critique sociale de Naipaul qui, dans les circonstances politiques accompagnant l’attribution du prix Nobel de littérature en cette année 2001, a inspiré à nombre de commentateurs des regrets et quelquefois des protestations acerbes. Mushirul Hassan, de l’université Jamia Millia Islamia à New Delhi, écrit, avec une modération voulue, que la récompense arrive au mauvais moment à cet homme de valeur. Un écrivain, Gita Hariharan, a fait remarquer que Naipaul étant connu pour ses commentaires anti-islamiques et son penchant pro-hindou, son choix par l’académie suédoise peut apparaître suspect dans les circonstances présentes. D’une façon analogue, la poétesse Rukmini Bhaya Nair estime qu’en ce temps de crise, le prix ne peut qu’être considéré que dans cette perspective. Mais d’autres franchissent un pas de plus en disant comme, par exemple, le responsable d’un institut d’études arabes à New Delhi, que la décision du jury Nobel justifie et rend légitimes les sentiments anti-musulmans qui se sont répandus dans le monde à la suite des attentats du 11 septembre dernier.

Il est vrai que le nouveau prix Nobel n’a jamais ménagé ses critiques contre le monde musulman. Une semaine avant d’être récompensé, quelque temps après les attentats anti-américains, il avait affirmé que “avait eu un effet calamiteux sur les populations avait converties Généralement, dans son œuvre, sa critique de l’islam est moins abrupte. Elle s’exprime dans la satire et l’humour à travers la description caustique des sociétés de pays musulmans, description qui est l’objet de son livre Crépuscule sur , voyage au pays des croyants. En 1998, dans son récit intitulé bout de la foi, il disait de l’islam qu’il “obligeait les gens à rejeter leur passé et donc eux-mêmes”.