Eglises d'Asie

Des milliers de dalits se convertissent au bouddhisme pour protester contre le système de castes

Publié le 18/03/2010




Un événement hautement symbolique de la lutte des dalits s’est produit le 4 novembre à New Delhi. 30 000 personnes de basse caste, selon les organisateurs de la manifestation, de 3 000 à 50 000 selon les rapports publiés dans les médias, s’étaient rassemblées à Delhi à ciel ouvert pour déclarer publiquement leur conversion de l’hindouisme au bouddhisme. Tout en chantant des hymnes en pali et en récitant des versets du canon bouddhiste, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ont ensemble renoncé à l’hindouisme et déclaré se libérer du système des castes ayant asservi leurs ancêtres pendant de nombreuses générations. Répétant les versets entonnés par un religieux bouddhiste, le vénérable Bouddha Priya Rahul, la foule s’est engagée à ne plus participer aux cérémonies conduites par des prêtres de haute caste, à abandonner sa croyance aux dieux de l’hindouisme, à leurs réincarnations et à la renaissance des âmes non encore parfaites.

Au début, les organisateurs, membres de la Confédération pan-indienne des castes et des minorités répertoriées, du Club du Seigneur Bouddha et d’autres organisations bouddhistes, avaient prévu le rassemblement dans un site capable d’accueillir un million de personnes. Mais, à la suite de l’opposition de la police et de groupes hindouistes d’extrême droite, ils durent se contenter d’un emplacement moins vaste. En effet, dès qu’ils avaient appris la nouvelle, le Vishwa Hindu Parishad (Conseil mondial hindou, VHP) et quelques autres groupes hindous avaient demandé l’interdiction d’une manifestation qui, selon eux, était inspirée par les chrétiens pour déconsidérer l’hindouisme. C’est ainsi que, le 29 octobre, la police de Delhi avait retiré la permission accordée précédemment, sous le prétexte que le rassemblement était susceptible de provoquer d’importantes tensions au sein de la population. Cependant, la cérémonie de conversion put quand même se dérouler grâce à une décision du tribunal qui ne désarma pourtant pas la police et les représentants des hautes castes. Selon les déclarations d’un organisateur, Ram Raj, l’administration aurait bloqué des personnes parties pour le rassemblement dans des gares. Des autobus venant des Etats voisins auraient été arrêtés à la frontière.

Tout en se défendant d’avoir pris part à l’organisation de ce rassemblement, les plus hautes autorités chrétiennes ont proclamé leur soutien à la cérémonie de conversion de Delhi. Le 2 novembre, dans un communiqué de presse, le Conseil national des Eglises en Inde a exprimé sa solidarité entière et sans réserve avec l’initiative des dalits. Le communiqué a également rappelé le fameux précédent de 1956, époque à laquelle un million de dalits conduits par B.R. Ambedkar avaient rejoint la religion bouddhiste (1). Mgr Oswal Gracias a expliqué que la Conférence des évêques catholiques dont il est le secrétaire général approuvait totalement le droit constitutionnel des dalits de se rassembler et leurs droits fondamentaux de choisir la religion de leur choix. Lors du rassemblement, John Dayal, secrétaire du Conseil chrétien pan-indien, qui co-présidait le rassemblement, a apporté le soutien de son association à la cause des dalits.

Dans les six mois à venir, des manifestations du même type sont prévues dans divers Etats du pays. En embrassant le bouddhisme, a dit, un des animateurs du mouvement, nous ne convertissons pas vraiment, mais nous nous libérons d’un asservissement spirituel. De nombreux autres témoignages de cet état d’esprit ont été recueillis chez les participants au rassemblement. Un cordonnier de l’Uttar Pradesh qui s’est converti avec toute sa famille a révélé avoir souvent été frappé par les membres des hautes castes et empêché de participer au culte dans le temple du village. Madhuri Devi, une femme de quarante ans, venue du Madhya Pradesh avec ses deux enfants, a affirmé que tout son village allait bientôt devenir bouddhiste : “Nous voulons donner une leçon aux propriétaires terriens de haute caste. Nous allons construire un temple à Bouddha dans notre village”, a-t-elle déclaré.