Le culte des ancêtres, pratiqué sous diverses formes, constitue de moins en moins un tabou pour la majorité des catholiques sud-coréens

Des enquêtes auprès de la population catholique du pays font apparaître qu’une majorité des fidèles pratiquent aujourd’hui le culte des ancêtres, que ce soit ou non sous une forme “catholicisée” (1). Andrew Lee Dong-gyu est catholique. Son père est décédé il y a trois mois et, parce qu’il est le fils aîné, selon la tradition confucéenne, il lui revenait de pratiquer les rites du culte des ancêtres. Cependant, arguant de sa foi catholique, il a expliqué qu’il n’avait pas pratiqué ces rites le 1er octobre mais qu’à la place, il avait demandé à ce qu’une messe soit célébrée à la mémoire de son père et de ses ancêtres. “Je n’ai aucun préjugé, ni ne nourris de sentiment contre la vénération des ancêtres, bien que chez nous, dans notre famille où nous sommes tous catholiques, nous ne pratiquons pas les rites pour les ancêtres selon la tradition confucéenne”, explique-t-il. Pour les catholiques mariés à un non-catholique, la situation varie grandement. Theresa Lee Eun-sil a épousé un non-chrétien et précise que, depuis son mariage, à la demande de ses beaux-parents, elle prend part aux rites pratiqués par sa belle-famille. “Je le fais sans réticence aucune”, précise-t-elle. Pour Agatha Pak Seok-yun, également mariée à un non-chrétien depuis neuf ans, les premières années ont été difficiles mais aujourd’hui, elle pense que chacun peut conserver sa foi sans sacrifier sa culture ou ses traditions. Pour d’autres chrétiens, appartenant souvent à des Eglises protestantes, la conciliation de leur foi et des rites confucéens est plus problématique. Ainsi, Sin Byol-hi, de confession protestante et mariée à un protestant dont la famille pratique le culte des ancêtres, cette pratique peut mener à l’idolâtrie. “Tandis que les autres s’inclinent (devant les tablettes), je prie dans mon cœur”, explique-t-elle, ajoutant : “Moi et mes enfants ne nous inclinons jamais et, après la mort de mes beaux-parents, je refuserai que mon mari préside à cette cérémonie. A la place, toute la famille ira à l’église.”

Depuis le début de l’évangélisation en Asie de culture confucéenne, la nature du culte des ancêtres a été l’objet d’une longue controverse au sein des milieux chrétiens. La pratique de ces rites avait été interdite par le pape Clément XI en 1704. L’Eglise de Corée fut informée de cette interdiction en 1790, six ans après sa fondation, par Mgr Alexandre de Gouvea, évêque de Pékin, qui à cette époque avait juridiction sur la Corée. A la suite de cette communication de l’évêque de Pékin, dès l’année suivante, après qu’un catholique coréen, Paul Yun Chi-chung, eut refusé de pratiquer les rites confucéens pour sa mère et brûlé les tablettes des ancêtres de sa famille, une persécution intense s’abattit sur la jeune Eglise coréenne. En l’espace d’un siècle, 10 000 martyrs périrent au fil de différentes vagues de persécution. En 1939, le Saint-Siège est revenu sur les précédents décrets et a déclaré qu’une partie des rites de ce culte pouvait être pratiquée. Depuis, la Conférence épiscopale catholique de Corée a publié des directives à ce sujet. En mai 2000, le cardinal Kim Sou-hwan en personne a présidé à un service commémoratif en l’honneur d’un illustre professeur confucéen et les journaux du pays ont publié une photo du cardinal prosterné. “C’était un patriote respecté et, quoiqu’il n’ait pas été catholique, j’ai prié pour que la grâce de Dieu fasse que son esprit soit toujours vivant”, avait déclaré le cardinal à l’issue de cette cérémonie (2).

Si l’Eglise catholique (qui rassemble environ 8 % des 47 millions de Sud-Coréens) se montre donc tolérante et respectueuse des rites traditionnels envers les défunts et les ancêtres (3), ce n’est pas le cas de la plupart des Eglises protestantes (qui rassemblent 16 % de la population) qui rejettent les rituels confucéens.