Eglises d'Asie

Le gouvernement s’inquiète du grand nombre de jeunes Vietnamiennes épousant des TaïwanaisPRIVATE

Publié le 18/03/2010




Voilà déjà plus de cinq ans que la presse vietnamienne, à intervalles réguliers, dénonce la vague de mariages “arrangés” entre des jeunes filles vietnamiennes et des citoyens taïwanais venus spécialement dans le pays pour y chercher l’âme-sœur à peu de frais et grâce à des intermédiaires. C’est au mois de février 1996 qu’un journal féminin de Saïgon (1) avait rendu public le phénomène et dénoncé sa très rapide progression. Depuis cette date, les mises en garde de diverses autorités civiles et même religieuses n’ont pas ralenti le mouvement (2). En cinq ans, 45 000 Vietnamiennes, en majorité originaires de la campagne, ont lié leur vie à des Taïwanais. Il y a eu 14 000 mariages de ce type pour la seule année 2000.

Bien que les problèmes rencontrés par ce type de couples aient été dénoncés par divers journaux (3), qui ont demandé à l’Etat d’intervenir pour contrôler ces unions, il semble bien que jusqu’à présent le problème n’ait que moyennement intéressé les autorités civiles, d’habitude plus soucieuses des effets provoqués par les cultures étrangères sur la population vietnamienne. Selon un journal de Hongkong qui vient de publier un reportage sur ce sujet (4), la situation est en train de changer. Les premiers jours de novembre, un certain nombre de services officiels ont publié des directives destinées à alerter les fonctionnaires sur ces mariages avec des étrangers.

Le Lao Dông, organe des syndicats officiels, et quelques autres journaux ont rapporté au début du mois les consignes données par le ministre de la Justice et le ministre de la Sécurité publique à leurs fonctionnaires, leur demandant d’être extrêmement circonspects lorsqu’ils accueillent des jeunes filles, souvent très jeunes, sans éducation et pauvres, venant enregistrer un mariage avec un étranger. Selon les déclarations d’un de ses fonctionnaires, le ministère de la Sécurité publique, cette année, se serait opposé à 200 demandes de mariages avec des ressortissantes vietnamiennes déposées par des étrangers, en grande partie des Taïwanais, présentant de graves handicaps physiques. Le fonctionnaire ajoutait que de nombreuses jeunes filles avaient moins de 18 ans et étaient ainsi mariées par leurs parents pour des raisons économiques. Un rapport d’enquête mené il y a quatre ans précisait que le demandeur taïwanais devait débourser la somme de 3 000 dollars américains à partager entre l’intermédiaire et la famille de la jeune fille (5).

Cependant, le reportage du journal de Hongkong montre que la pratique administrative locale est beaucoup plus souple que les directives du ministère. “Aucune loi n’interdit aux jeunes filles vietnamiennes d’épouser un homme présentant des déformations physiques, a déclaré un fonctionnaire de justice. Lorsque nous sommes au courant, nous essayons de les dissuader, mais si elles persistent, c’est leur affaire.”

De leur côté, les autorités taïwanaises ont fait sur le sujet des commentaires apaisants. M. David Wu, directeur général du Bureau économique et culturel de Taïwan à Hô Chi Minh-Ville, s’est contenté de dire que le Vietnam est effectivement la plus grande source étrangère d’épouses pour ses concitoyens. Souvent les maris sont plus âgés que les femmes et souffrent parfois d’un handicap physique. Selon lui, les vrais problèmes viennent des intermédiaires sans scrupules qui cachent certaines informations pour augmenter leurs bénéfices. Selon le diplomate taïwanais, seulement 10 % de ces couples ont des problèmes après leur mariage. D’une manière générale, il se déclare certain du bien-être des Vietnamiennes ayant suivi leur mari à Taïwan.

Il se peut que les nouvelles directives gouvernementales aient été motivées par d’autres causes. En premier lieu, le taux de divorce au sein des couples taiwanais-vietnamiens aurait augmenté de 57 % au cours de cette année par rapport aux années précédentes. Par ailleurs, selon les confidences d’un fonctionnaire de Hô Chi Minh-Ville, les mises en garde incessantes à propos de ce type de mariage tiendraient surtout à des traditions culturelles du Vietnam où les jeunes filles épousant des étrangers ont toujours provoqué un sentiment de scandale, tempéré par de la pitié pour leur pauvreté qui les accule à une telle issue.