Eglises d'Asie

Le Japon essaie – en vain – d’enrayer la prostitution des mineures

Publié le 18/03/2010




Au Japon, où la majorité légale est de 18 ans, la prostitution des mineures, quoique relativement peu voyante, est loin d’être enrayée malgré les lois récemment votées pour lutter contre ce phénomène. Les journaux mentionnent régulièrement des arrestations de personnages très en vue accusés d’avoir donné de l’argent à des élèves mineures en échange de rapports sexuels (1). Il s’agit presque toujours de jeunes collégiennes en âge d’être leurs filles. Le mois dernier, un juge de la Haute Cour de Tokyo, Yasuhiro Muraki, a été condamné à une peine de prison avec sursis pour avoir ainsi payé les services d’une mineure. Sa radiation est en cours de discussion. Un professeur de collège a été arrêté pour avoir donné l’équivalent de 200 dollars américains à une élève de 14 ans dans le même but.

“La situation s’est sensiblement améliorée depuis le vote de la nouvelle loi, affirme Junko Miyamoto, représentante d’un groupe de pression qui lutte contre la prostitution des enfants. Jusqu’à ce que la loi le leur apprenne, beaucoup de ces hommes ne savaient même pas que ce qu’ils faisaient était mal.” Il est vrai que les lois japonaises contre la prostitution ne punissent que ceux qui font commerce de leur corps et non les consommateurs. Cependant, la loi votée en 1999 désigne comme un délit le fait de payer les services sexuels d’une mineure. Elle interdit également, et pour la première fois, la vente ou la distribution de matériels pornographiques mettant en cause des enfants.

Durant les six premiers mois de cette année 2001, la police a arrêté 394 personnes pour commerce sexuel avec des mineurs. Un chiffre à comparer aux 613 arrestations de l’année 2000 tout entière. Mais les spécialistes sont d’accord pour dire qu’avec les nouvelles lois, cette prostitution s’est seulement faite moins voyante. “Je ne sais pas si la situation s’est améliorée mais elle est certainement moins visible”, déclare Yukihiro Murase, professeur de sexologie à l’université Hitotsubashi. Beaucoup de commentateurs expliquent que désormais les clubs de rencontres par téléphone sont devenus de véritables foyers de prostitution pour mineurs. Dans ces clubs, le client paie pour s’asseoir dans un boxe et attendre qu’une femme l’appelle au téléphone – souvent une collégienne. La “conversation” engagée conduit la plupart du temps à un rendez-vous, du moins si le client est d’accord sur le montant de la “compensation” demandée. Une lycéenne, Saki, a raconté ses exploits à l’auteur d’un livre récemment paru : Les filles aux rendez-vous payants. Elle y parle de ses rencontres avec des patrons d’âge mûr. “Je parle avec eux au téléphone du club et c’est seulement si ils me semblent riches que je leur promets une rencontre”, a-t-elle expliqué à Akira Shimamura, coauteur du livre et professeur de lycée. “Certains me donnent 5 000 yens (42 dollars américains) juste pour pouvoir manger avec moi.” D’après son récit, c’est après avoir été forcée à accepter un rapport sexuel qu’elle a commencé à donner des rendez-vous de dîners suivis de rapports sexuels payants.

Les statistiques de la police nationale indiquent que 37 % des cas de prostitution de mineures au mois de juin 2001 étaient liés à des clubs d’échanges par téléphone. Devant l’aggravation de la situation, le parlement, ce même mois de juin, a renforcé la réglementation obligeant les clubs à contrôler l’âge de leurs clients. “Historiquement parlant, il n’est pas dans la mentalité des Japonais de croire qu’acheter une femme est quelque chose de mal, explique le professeur Murase de l’université Hitotsubashi. Les hommes japonais ont toujours porté beaucoup d’intérêt aux prostituées professionnelles.” Aujourd’hui, les clubs téléphoniques permettent de rencontrer des collégiennes facilement et dans l’anonymat. Ce qui fait se multiplier ces “enjo kosai”, littéralement “rencontre pour aider 

Un certain nombre d’experts pense que l’absence de tabous sexuels conjuguée au matérialisme du Japon moderne explique pourquoi des jeunes comme Saki sont prêts à vendre leur corps dans le seul but de s’offrir un sac à main de marque. Le Japon a toujours été plus tolérant que d’autres pays quant aux plaisirs de la chair et à aucun moment les relations sexuelles avant le mariage n’ont été l’objet de condamnation culturelle ou religieuse. “C’est pourquoi les filles s’engagent dans la prostitution aussi longtemps que leur famille ou leur environnement l’ignore. Internet et le téléphone le permettent”, explique le professeur Murase. D’autres spécialistes accusent un certain climat moral qui fait que le Japon est un paradis pour la pédophilie ou au moins pour ceux pour qui les photographies suggestives de lycéennes reproduites dans des publications souvent grand public sont autant de fétiches. “Quand les gens regardent ces photos, ils cherchent nécessairement à passer à l’acte, explique Miyamoto. S’ils n’ont pas de filles mineures à leur disposition, ils trouvent des jeunes femmes majeures et les font s’habiller en lycéennes.” La prostitution des mineures reflète également une crise d’identité des hommes dans une société longtemps dominée par eux, explique encore Murase. “Traditionnellement les femmes avaient l’habitude de suivre les hommes aussi longtemps qu’ils avaient de l’argent pour les entretenir. Dorénavant, les hommes le peuvent de moins en moins. Ils se tournent donc vers les jeunes filles, beaucoup plus facile à contrôler.”