Eglises d'Asie

L’EGLISE SYRIENNE ORTHODOXE EN INDE

Publié le 18/03/2010




Il n’est pas très facile de parler des premiers siècles du christianisme dans le sud de l’Inde, car on ne possède que très peu de documents pour en témoigner. Ceci s’explique en partie à cause du climat tropical humide qui ne permet pas la conservation de documents à longue durée, sinon les écrits sur pierre ou sur métal. Il y a eu également des destructions de documents, comme ce fut le cas à la suite du Synode de Diamper (1599), lorsque les missionnaires catholiques décidèrent de latiniser les Indiens de rite syriaque et firent brûler la plupart des textes existant en syriaque. Néanmoins, la Doctrine des Apôtres, écrite à Edesse vers 250, raconte que Thomas fut l’apôtre de l’Inde. Dans la Chronique de Seert, il est écrit que l’évêque de Bassorah, David, s’en alla vers 295-300 en Inde pour évangéliser. Les premiers chrétiens de l’Inde étaient donc en contact avec ceux de l’Eglise de Perse (1).

En 1498, Vasco de Gama débarqua en Inde. Un archevêché catholique fut organisé à Goa en 1533. Après le Synode d’Udayamperur, en 1599, tous les chrétiens se trouvèrent sous l’autorité de l’Eglise catholique romaine. Certains, qui n’acceptèrent pas ce changement, se rebellèrent en 1653 (Coonen Cross Revolt), et ils firent leur possible pour se rattacher à un patriarcat oriental. C’est ainsi qu’en 1665 un archevêque de l’Eglise syrienne orthodoxe d’Antioche, Mar Gregorius (mort en 1672), débarqua en Inde et y ordonna un Indien, Mar Thoma Ier (mort en 1673). Précisons à présent que le patriarcat qu’on appelle officiellement “syrien orthodoxe d’Antioche” était uni aux autres chrétiens d’Antioche et devint un patriarcat autocéphale à la suite des disputes christologiques de Chalcédoine (451). Depuis cette époque, l’Eglise syrienne orthodoxe reste unie à la famille des Eglises qu’on appelle officiellement “orthodoxes orientales” et qui inclut aussi les Coptes, les Ethiopiens et les Arméniens. Ses célébrations liturgiques se font encore en certains endroits en syriaque, langue proche de l’araméen parlé par le Christ. L’histoire de cette Eglise fut très tourmentée. Le siège du patriarcat fut déplacé à de nombreuses reprises : dans la région d’Alep et en différents lieux du sud-est de la Turquie actuelle, et notamment, de 1293 jusqu’en 1923, au Monastère de Zafaran. A la suite du génocide des années 1915, près de 100 000 syriens orthodoxes furent massacrés, soit environ un tiers de leur population d’alors. Puis il fut décidé en 1933 de déplacer le patriarcat à Homs en Syrie, alors sous mandat français, puis en 1959 à Damas, capitale de la Syrie (2).

Mais revenons à l’histoire de cette Eglise syrienne orthodoxe en Inde. En 1751, le patriarche envoya trois évêques en Inde et l’un d’eux, Mar Gregorios, ordonna en 1772 l’Indien Mar Thomas IV sous le nom de Mar Dionysius Ier (mort en 1808). En 1875, le patriarche Pierre III arriva du Moyen Orient et il convoqua un synode en 1876. Il divisa l’Eglise en sept diocèses et consacra sept métropolites. Il ne reconnut pas Mar Dionysius V comme tête de l’Eglise de l’Inde. Quand ce dernier mourut en 1909, le patriarche Mar Gregorius Abdallah II (1906-15) se rendit en Inde et il réunit un synode. En juin 1911, il excommunia le métropolite indien, nommé Mar Dionysius VI (mort en 1934), qu’il avait consacré à Jérusalem en 1908, et il consacra trois métropolites, dont Mar Kyrilos comme son représentant. Tout ceci fut refusé par le parti favorable à l’autocéphalie, qui, par réaction, invita un autre patriarche syrien orthodoxe encore vivant, Abdulmessiah II (1895-1905). On dit que ce dernier avait été déposé par un édit du Sultan à Constantinople en 1905, mais qu’il était encore reconnu par certains comme patriarche. C’est lui qui consacra en Inde, en 1912, celui qui est considéré par les autocéphales comme leur premier catholicos, Mar Basilios Ier Paulos (1912-14). Il donna à cette occasion la permission aux Indiens de consacrer à l’avenir leur propre catholicos, leurs évêques, de bénir le Myron ou huile sainte, tout en reconnaissant l’autorité spirituelle du patriarche d’Antioche. Deux groupes se trouvèrent donc face à face : le parti désirant l’autocéphalie et le parti “patriarcal Tous deux réclamèrent leurs droits concernant les propriétés de l’Eglise (Trust Fund), ce qui provoqua des poursuites devant les tribunaux entre 1913 et 1958.

A plusieurs reprises, les deux partis donnèrent des signes qui faisaient espérer la réconciliation, comme ce fut le cas en 1950. Enfin, en 1958, un jugement de la Cour suprême de l’Inde déclara l’autonomie du parti autocéphale. La même année, le patriarche syrien orthodoxe Ignace Jacques III (mort en 1980) reconnut Mar Basilius Geevarghese II comme catholicos de l’Inde. Il vint en Inde en 1964 pour consacrer lui-même le catholicos indien Mar Baselios Augen (mort en 1975). Tous deux se rendirent en 1965 à la Conférence des dirigeants des Eglises orthodoxes orientales à Addis Abeba. Malheureusement, des malentendus surgirent à nouveau en 1972 et les relations furent interrompues en 1974. Le patriarche installa en 1974 un catholicos de son choix, Basilios Mar Paulos II, et les autocéphales consacrèrent en 1975 le catholicos Basilios Mar Thomas Mathews Ier. Finalement, en juin 1995, la Cour suprême de l’Inde rendit un verdict en faveur de l’Eglise autocéphale. Il faut à présent que les deux partis trouvent les moyens de se réconcilier définitivement, en particulier en ce qui concerne les biens de l’Eglise (Trust Fund) afin d’organiser une Eglise unie de tous les syriens orthodoxes en Inde, et également de ceux vivant en diaspora. L’actuel catholicos de l’Eglise autocéphale est Mar Thomas Matthew II. Depuis le décès du catholicos Mar Basilios Paulos Il en 1996, qui représentait le patriarcat syrien orthodoxe d’Antioche, il n’y a plus eu de nouvelle élection. La totalité des deux communautés compte environ deux millions de fidèles. Le nombre des syriens orthodoxes de l’Inde vivant en diaspora, surtout dans les pays du Golfe et aux Etats-Unis, a beaucoup augmenté depuis 1960.

Comme cela vient d’être expliqué brièvement, depuis de longues années, l’Eglise syrienne orthodoxe de l’Inde a connu des disputes, non pas à cause de questions dogmatiques, mais à cause de l’organisation de l’Eglise et en particulier du souhait que certains formulaient de devenir une Eglise autocéphale, indépendante du patriarcat syrien orthodoxe d’Antioche. Pour les questions touchant à la foi, liturgiquement et dans la vie de tous les jours, rien ne différencie les deux partis. Ils vénèrent les mêmes saints, ils ont le même patrimoine patristique. Deux groupes, mais une Eglise. Des organisations parallèles, mais la même pratique. Le groupe autocéphale se nomme officiellement “Eglise orthodoxe syrienne malankara de l’Inde et pour la désigner plus rapidement je dirai “Eglise malankara “Malankara” est l’ancien nom géographique pour désigner le Kerala, région située au sud-ouest de l’Inde. Lorsque je parlerai des deux groupes, je dirai simplement l’Eglise syrienne orthodoxe.

La vie liturgique est identique à celle de l’Eglise syrienne orthodoxe d’Antioche. Parmi les dizaines d’anaphores de la tradition syrienne orthodoxe, c’est celle de Saint Jacques qui est la plus souvent utilisée. Le rite de l’Eglise est syria-que et la langue utilisée était le syriaque. Mais ces soixante dernières années, cela a changé et les syriens orthodoxes vivant en Inde prient actuellement principalement en malayalam, la langue vernaculaire du Kerala, et aussi en anglais dans les grandes villes de l’Inde comme à Bombay ou dans les communautés de diaspora. La langue syriaque est enseignée dans les deux séminaires de théologie et elle est utilisée par les érudits seulement. Elle est davantage utilisée au niveau liturgique dans l’Eglise qui dépend du patriarcat syrien orthodoxe d’Antioche. A Pampakuda, à 50 kilomètres de Kottayam, la plus riche collection de manuscrits syriaques que l’on puisse trouver en Inde est celle de la famille Konat où l’on est prêtre depuis 24 générations ! La première traduction de la Bible du syriaque en malayalam fut imprimée à Bombay en 1811. Une autre publication la suivit en 1830. Récemment, de nouvelles traductions ont été faites, en 1995 par le P. Curien Kaniamparampil et, en 1998, par le P. Mathew Uppani.

Si les rites liturgiques et la foi suivent strictement la tradition de l’Eglise syrienne orthodoxe d’Antioche, on peut remarquer que la vie sociale et de nombreuses coutumes sont typiquement indiennes. Cela se justifie pleinement car ces chrétiens sont indigènes et font partie intégrante de la société indienne locale depuis le temps de Saint Thomas. Jusqu’à nos jours, leur vie quotidienne est partagée avec d’autres Indiens, et, comme me l’a dit le P. George Kondothra de l’Eglise malankara autocéphale, “… nous sommes avant tout Indiens… Notre Eglise est une petite communauté chrétienne qui suit la tradition apostolique chrétienne et qui a vécu au Kerala avec, en majorité, des hindous, mais aussi avec des musulmans et des bouddhistes. Elle n’a jamais été soutenue par l’Etat, comme ce fut le cas dans l’Empire byzantin, mais elle a survécu à cause de sa foi. Jusqu’à présent, elle témoigne et transmet cette tradition On peut dire que l’Eglise a assimilé certaines choses de la culture indienne environnante, tout en gardant sa foi chrétienne. Lors des mariages, par exemple, certaines coutumes indigènes hindoues sont suivies : ainsi, le marié attache autour du cou de la mariée un minnu, sorte de bijou en or de forme allongée que les chrétiens christianisent en lui donnant une forme de croix. Mais les prières du mariage suivent strictement le rite chrétien syriaque.

Toutes les fêtes religieuses suivent le calendrier de l’Eglise syrienne orthodoxe. Dans toutes les églises, il y a une lampe à huile en cuivre (nilavilakou), sur un piédestal, ou suspendue au plafond et qui est toujours allumée. Remarquons que le même style de lampes est utilisé par les hindous. Quand les fidèles entrent à l’église, ils plongent le bout du médium dans l’huile et s’en oignent le front en faisant le signe de la croix. Dans les maisons traditionnel-les, on allume également des lampes en cuivre, en particu-lier lors des grandes fêtes. Et, lorsqu’il y a des processions religieuses, plus fréquentes dans le passé qu’aujourd’hui, on sort les lampes allumées à l’extérieur des maisons.

Pendant les temps de carême en particulier, mais aussi devant les reliques, les fidèles se prosternent. Dans les églises et les maisons orthodoxes, on peut voir des images du Christ, de la Vierge et, très souvent, de Saint Grégoire de Parumala, un saint local.

Le grand saint chrétien de l’Inde est bien sûr Saint Thomas, puisque la tradition rapporte que l’Inde fut évangélisée par cet apôtre. On se souvient qu’il refusa de croire à la résurrection du Christ. Pourtant, lorsque le Christ se tint au milieu des disciples huit jours après la crucifixion, Thomas fut illuminé intérieurement en le touchant, et il crut. Saint Thomas mourut martyrisé vers 72 à Mylapore, près de Madras, où il aurait été enterré, sur le mont qui garde son nom, Mount Thomas. Au IVe siècle, Ephrem le Syrien rapporta que ses reliques auraient été apportées à Edesse. C’est cette translation des reliques qui est fêtée en Syrie le 3 juillet, et ce jour est commémoré également en Inde. Le 21 décembre, on fête le jour de son martyre. L’église où se trouvait les reliques à Edesse a été détruite en 1142 mais on dit qu’une partie des reliques de Saint Thomas auraient été retrouvées dans l’église dédiée à Saint Thomas à Mossoul en Irak, en 1964. Lors d’une visite au Moyen Orient en 1965, le catholicos indien Moran Mar Baselios Augen Ier obtint une parcelle de ces reliques de la part du métropolite de Mossoul, Mar Severius Zakka, aujourd’hui patriarche de l’Eglise syrienne orthodoxe d’Antioche. Ces reliques furent déposées dans l’église du catholicossat à Devalokam, un quartier de Kottayam. D’autres portions de reliques de Saint Thomas, provenant également de Mossoul, se trouvent dans l’ancienne église de Mulanthuruthi rattachée au patriarcat syrien orthodoxe d’Antioche, et proche du nouveau séminaire de théologie.

A son arrivée à Mylapore, probablement en 1303, Marco Polo observa que les chrétiens du pays ramassaient un peu de terre sur le lieu du martyre de Saint Thomas ; cette terre donnée en potion guérissait de la fièvre. Le même phénomène se produisit avec la terre ramenée à Venise par le grand voyageur. Les fidèles ont toujours continué à se rendre en pèlerinage à Mylapore jusqu’à nos jours, certains même à pied, tel le P. V.J. Joseph d’Uthimoodu près de Pathanamthitta. On pourrait dire que le P. Joseph est un chrétien sannyasi, pas dans le sens strict du mot indien et de la tradition spirituelle hindoue qui implique un dénuement et une ascèse entiers et définitifs, car il est marié. Mais pourtant, il fit ce pèlerinage à Mylapore d’environ 640 kilomètres en 1985, seul, à pied, demandant l’aumône pour sa nourriture et son gîte, vêtu du vêtement orange semblable à celui des sannyasi hindous, avec un bâton de pèlerin, et en priant.

On vénère également des saints syriens orthodoxes. L’un est Saint Basilius, un Syrien orthodoxe qui arriva au Kerala en 1685. Il a été canonisé en 1947, la même année que Saint Grégoire de Parumala. Mar Gregorios, le premier évêque syrien orthodoxe qui débarqua en Inde, mourut en 1672 à Paravur où un office annuel est depuis célébré en sa mémoire le 14 avril. En 1931, le patriarche syrien orthodoxe d’Antioche Elie III visita l’Inde. Il y trouva la mort et fut enterré à Omalur où de nombreux fidèles viennent se recueillir et où l’on rend compte de miracles. Un Indien, Grégoire (mort en 1902), évêque de Parumala (au sud de Kottayam), construisit un séminaire et l’église des Saints Pierre et Paul où reposent aujourd’hui ses reliques très vénérées par les fidèles tout au long de l’année, en particulier pour le grand pèlerinage annuel le 2 novembre. A cette occasion les pèlerins se rendent par milliers à Parumala, souvent à pied, marchant parfois plusieurs jours pour atteindre les lieux.

D’autres personnalités indiennes sont vénérées à cause de leur spiritualité. Mar Dionysius, qui fonda en 1888 un séminaire et une chapelle à Kottayam, là où se trouvent aujourd’hui la cathédrale autocéphale de Saint Elie, une école supérieure, un collège et d’autres centres. Le catholicos autocéphale Baselius Geevarghese II (1929-64) est enterré dans l’église du catholicossat à Devalokam. On raconte qu’après avoir célébré la liturgie pour la dernière fois, la Vierge lui serait apparue la nuit. Avant d’être nommé évêque malankara de Kottayam, Mar Gregorios (mort en 1965) vécut dans une hutte dans la forêt sur la colline de Pampadi, près de Kottayam. Ses sermons et ses conseils étaient hautement spirituels et pleins de compassion. Il est enterré dans l’église de Pampadi qu’il fit construire et c’est là que des milliers de fidèles viennent prier en sa mémoire, le 5 avril.

Quant à la vie monastique, on est peu informé en ce qui concerne les siècles passés. On sait que dès 1918 Mar Ivanios organisa une vie monastique à l’ashram de Béthany, “ashram” étant le mot indien pour monastère. Lorsque Mar Ivanios devint catholique en 1930, ce fut le futur évêque Mar Theodosius qui continua à organiser la vie du monastère. Le P. Thomas, qui devint le métropolite Mar Thomas Dionysius de Niranam, fonda en 1930 l’ashram du Mont Thabor. Il y a aujourd’hui une trentaine de monastères si l’on compte ceux des deux Eglises de rite syrien orthodoxe. En Inde, comme dans toute vie monastique, il y a des horaires de vie de prière et de travail. Certains moines ou moniales font le travail nécessaire à l’intérieur du monastère ou dans l’agriculture et les plantations de caoutchouc. D’autres travaillent ailleurs. La vie monastique a été très influencée par des modèles catholiques et anglicans, les seuls que les Indiens orthodoxes pouvaient côtoyer en Inde. Cette vie monastique est donc plutôt active : les moines et les moniales enseignent dans des écoles et des collèges dirigés par l’Eglise, avec des élèves chrétiens ou non. L’Eglise syrienne orthodoxe a construit des écoles et des collèges, ainsi que des écoles professionnelles. En 1893, l’école supérieure appelée Mar Dionysius High School fut établie à Kottayam. Les moines et moniales syriens orthodoxes travaillent aussi dans des hôpitaux et des orphelinats de l’Eglise car, comme on me l’a répété, ce qui est le plus important, face à la pauvreté et la maladie existant en Inde, c’est d’organiser une aide et un travail social à différents niveaux, ce qui rend alors impossible une vie monastique traditionnelle. A propos de la vie actuelle des moines et moniales, l’évêque Irénée m’a dit : “Nous avons besoin de personnes qui prient et d’autres qui agissent. Actuellement, nous sommes convaincus de la nécessité d’une vie monastique strictement contemplative centrée sur la prière pour l’Eglise et pour le monde Lors d’autres rencontres, j’ai pu constater ce même souhait d’organiser un renouveau monastique plus ancré dans la tradition monastique orthodoxe. C’est par exemple le désir de l’actuel évêque de Kottayam, Ivanios, qui a d’ailleurs formé un groupe pratiquant la prière dite “de Jésus ou “du cœur 

En ce qui concerne l’administration de l’Eglise, comme cela a été expliqué, il y a deux centres. Le centre qui dépend du patriarcat d’Antioche est situé à Vetikel, près de Mulanthuruthi, à 25 kilomètres à l’est de Cochin. C’est le centre des Associations, de l’œcuménisme, des publications et du travail social, avec, entre autres, des hôpitaux, des centres médicaux et des orphelinats. Depuis 1951, le catholicossat autocéphale se trouve à Devalokam, faubourg de Kottayam, et l’on y poursuit des activités semblables. Là, en 1977, un fonds spécial de charité fut créé pour aider les malades, les nécessiteux, en particulier en cas de calamités naturelles (famines, tremblements de terre, inondations). Il y a aussi des centres pour les enfants retardés, les aveugles, les personnes ayant le cancer, etc. Différents journaux sont publiés par l’Eglise autocéphale dont le principal Malankara Sabha, et d’autres avec des articles en anglais comme Star of the East et The Light. Un séminaire de théologie orthodoxe fut fondé en 1815 par le métropolite Mar Dionysius Ier. Actuellement, il y a deux séminaires de théologie, l’un sous la juridiction du patriarcat syrien orthodoxe d’Antioche et l’autre sous l’Eglise autocéphale, où un programme d’éducation théologique pour les laïcs, hommes et femmes, est organisé, divya bodhanam, ou “instruction divine Il y a là aussi une école de musique liturgique et un centre de rencontres, Sophia Centre. En 1948, l’Eglise syrienne orthodoxe de l’Inde fut un des membres fondateurs du Conseil œcuménique des Eglises.

Je ne donnerai à présent qu’un aperçu des différentes associations de l’Eglise malankara puisque j’ai écrit un chapitre de mon livre à ce sujet. Mais il faut bien comprendre que les fidèles qui dépendent du patriarcat d’Antioche ont des organisations parallèles tout à fait semblables. Ces organisations spirituelles sont très vivantes et jouent un rôle important dans la vie de l’Eglise. L’Association du Cathéchisme (Orthodox Syrian Sunday School Association of the East) fut fondée en 1933 et organise une réunion annuelle. Plus d’une vingtaine de livres ont été publiés en malayalam et en anglais. Un mouvement d’étudiants débuta dès 1908. Les mouvements de jeunesse ont commencé en 1936. Le mouvement pour les étudiants orthodoxes Mar Gregorius (Mar Gregorios Orthodox Christian Student Movement of India ou MGOCSM) organise des conférences, des études bibliques, des retraites, de l’aide sociale et publie un magazine mensuel, Orthodox Youth. Son bureau central est à Kottayam où se situe aussi sa maison d’édition et sa librairie. Il y a un autre mouvement pour les jeunes non étudiants dans les collèges ou à l’université, avec des activités identiques (The Orthodox Christian Youth Movement of the East). Ils sont très actifs : en 1994, il y avait 800 sections réparties dans vingt diocèses ! Son centre est à Mavelikara. Le clergé a sa propre association, Saint Thomas Orthodox Vaidika Sangam. Il y a une association parallèle pour les femmes de prêtres. Les femmes et les jeunes filles se regroupent dans une organisation spirituelle qui s’appelle Martha Mariam Vanitha Sangam. Elles participent à des groupes bibliques et de méditation, elles collaborent à des projets humanitaires et socio-économiques et elles offrent une assistance médicale et même des conseils juridiques.

Des initiatives missionnaires en direction des non-chrétiens furent prises principalement par trois évêques : déjà à la fin du siècle dernier avec l’évêque Grégoire, de Parumala ; puis l’évêque Pierre Mar Osthatios, de Tiruvala, créa en 1924 la Société des Serviteurs de la Croix (Servants of the Cross). En 1979, un conseil d’administration fut institué et l’on nomma comme président son successeur, nommé lui aussi Osthatios, l’actuel évêque de Niranam du parti autocéphale, résidant à Tiruvala : “Notre priorité dans la vie missionnaire, c’est de proclamer l’amour du Christ au monde, par un style de vie communautaire” qui doit être vécu dans l’esprit d’amour de l’Incarnation et de la relation trinitaire. Le vice-président pour la mission, Mar Eusebius, m’a dit : “Aujourd’hui la mission doit être un témoignage dans la vie quotidienne, dans la vie sociale, au milieu des gens ordinaires… Nous avons des cours et des conférences, des programmes sociaux, tels des orphelinats, des maisons pour personnes âgées ; nous aidons les victimes des désastres naturels. C’est cela notre manière d’exprimer notre témoignage et notre engagement. Nous travaillons pour les gens qui ont des problèmes. Prêcher n’est qu’un aspect de la mission. C’est l’exemple de nos vies qui doit prêcher’, pas seulement nos bouches. La mission, c’est l’autre côté de la vie de prière. La vie de prière dont nous faisons l’expérience à l’église, il faut pouvoir l’exprimer et l’expérimenter de manière tangible dans le monde et dans tous les moments de la vie. Où que nous soyons, notre témoignage chrétien doit être présent. J’ai vu de vrais missionnaires qui vivent et meurent pour les autres, sans rechercher aucun pouvoir ou privilège. Notre idéal est de vivre un témoignage chrétien qui permette aux gens de recevoir un message chrétien, mais jamais de manière forcée Actuellement, la mission est active dans plusieurs Etats de l’Inde. Par exemple, près de Hyderabad, depuis 1978, il y a des maisons pour éduquer les enfants de lépreux.

Les asiatiques bouddhistes et même hindous peuvent comprendre facilement la spiritualité des Eglises d’Orient, moins intellectuelle que celle qui a longtemps été présentée par les Occidentaux. La spiritualité autant patristique que liturgique de la tradition syrienne orthodoxe telle qu’elle est pratiquée en Inde est sans doute un témoignage chrétien important à partager non seulement avec les autres chrétiens en Inde, mais avec tous les Indiens ou asiatiques non chrétiens qui souhaitent découvrir une très ancienne tradition chrétienne, très proche par bien des aspects du premier christianisme enseigné par le Christ lui-même. Le métropolite de Delhi, Paul Gregorios (mort en 1996), fut très actif dans le dialogue inter-religieux en Inde et il créa en 1984 un centre à Delhi pour aider à promouvoir des dialogues culturels, religieux et spirituels.

Notes

(1) Après les malentendus soulevés au Concile d’Ephèse (431), la majorité des chrétiens de Perse constitua l’Eglises d’Orient ou Eglise assyrienne, que l’on nomme parfois “nestorienne”, bien que ce titre soit refusé par cette Eglise.

(2)Pour plus de détails, voir mon livre The Syrian Orthodox Church of Antioch, Genève, 1998, ou celui de C. Sélis, Les Syriens orthodoxes et catholiques, Coll. Fils d’Abraham, Turnhout – Maredsous, 1988.