Eglises d'Asie

Les Japonais sont de bons clients pour les “diseurs de bonne aventure” du Web

Publié le 18/03/2010




Les demandes des clients d’un site extralucide sur le Web sont toujours très directes : “S’il vous plaît, dites-moi si je dois divorcer”. L’infortuné mari est l’un de ces nombreux hommes d’affaires, souvent trop timides pour s’adresser ailleurs, et qui se tournent vers les “diseurs de bonne aventure” du Web pour se faire conseiller tant sur leur travail que sur leur vie privée. A l’heure où le doute plane sur l’avenir d’une économie japonaise jadis sûre d’elle-même, l’époque n’a jamais été si propice aux diseurs de bonne aventure qui voient venir à eux toujours plus d’hommes d’affaires et de salariés venir se pencher sur la boule de cristal… ou sur un écran d’ordinateur. “Dans une passe difficile, ces loups solitaires ont besoin de quelqu’un pour les éclairer et les réconforter d’une réponse claire”, explique Stella Kaoruko, responsable d’un site de voyance sur le Web, Les tarots de Stella. Cartomancienne depuis 20 ans, Kaoruko affirme que les propriétaires de grosses entreprises font de plus en plus appel à ses lumières pour des questions touchant leurs cadres, les licenciements ou l’annonce d’une restructuration. “Ils ont tous besoin d’une petite tape d’encouragement dans le dos”, précise-t-elle.

L’anonymat qu’offre Internet est ce qui rend ces sites si populaires au Japon et ailleurs en Asie où, depuis des siècles, les devins sont consultés avant de prendre une décision importante. Donner un nom à sa société, par exemple, est une affaire très sérieuse. Le nombre de traits ou la combinaison de plusieurs caractères chinois sur une enseigne ou un logo peut être facteur d’échec ou de réussite. Dans le climat économique actuel, toute affaire, qu’elle soit nouvelle ou déjà ancienne, se doit de mettre toutes les chances de son côté. “Le nombre de demandes de conseils sur ces questions de nom ne fait qu’augmenter”, explique Seresa Kanno, productrice comblée sur Internet du site de voyance Togen Kiko, que les entrepreneurs ne craignent par de consulter également pour leurs problèmes de famille. “Beaucoup de ceux qui demandent conseil pour un changement de nom de société sont souvent des propriétaires de petits magasins qui ont peur de la faillite”, explique-t-elle. Comme ce petit entrepreneur qui demandait en même temps une solution pour ses problèmes familiaux et de l’aide pour ses affaires en déclin. C’est la crainte du malheur qui pousse les gens à consulter les diseurs de bonne aventure, explique une personnalité importante du monde des affaires. “Pour prendre mes décisions, je ne m’en remets pas complètement à la voyance, mais je la consulte par prudence.”

Les sites liés à la voyance font florès dans ce pays où les gadgets sont rois et où ne cessent d’augmenter le nombre des téléphones cellulaires permettant de surfer sur le Web facilement et dans la plus stricte intimité. Le service Internet le plus populaire en “i-mode”, géré par le géant NTT DoCoMo, offre 37 sites dont les menus offrent des milliers de sites privés à même d’étancher la soif pour le para-normal de ses 25,5 millions clients. Le fournisseur d’un de ces sites astrologiques, la société Cybird, constate que plus du tiers de ses clients habituels prospecte quotidiennement le site pour mieux réussir dans les affaires, les relations ou simplement gagner de l’argent. Leur moyenne d’âge serait de 40 ans. Un autre site, Togen Kiko ( Une journée dans le monde de l’inconnu’), revendique de son côté 100 000 abonnés à 300 yens par mois (2,49 dollars américains). Chaque abonné reçoit un horoscope où il suffit de pointer son nom et son sexe pour connaître son avenir. Sur le petit écran grand comme une boîte d’allumettes, les gens scrutent leurs chances pour la journée engagée. Si les choses s’annoncent mal, un petit caractère qui signifie la pluie apparaît.