Eglises d'Asie

Maharashtra : 13 morts à l’issue d’une manifestation musulmane anti-américaine réprimée par la police

Publié le 18/03/2010




La ville de Malegaon, dans l’Etat du Maharahtra, a été à partir du 26 octobre et jusqu’à la fin de ce mois, le théâtre de troubles graves qui ont opposé les musulmans aux hindous et à la police, faisant 13 morts. Dès le 27 octobre, les autorités locales avaient fait appel à l’armée et imposé le couvre-feu pour essayer de diminuer la tension. Le 30 octobre, jour où le couvre-feu avait été levé pour 90 minutes, les heurts ont repris, un lieu de culte a été démoli, des magasins et des véhicules ont été incendiés.

Selon le récit d’un dirigeant musulman, la police, par son comportement irréfléchi, aurait été à l’origine de ces désordres. Alors qu’à la fin des prières du vendredi, de jeunes musulmans distribuaient des tracts condamnant les bombardements américains sur le territoire afghan et demandant le boycott des produits américains, la police aurait réagi en déchirant publiquement les prospectus et aurait ainsi provoqué la colère immédiate des jeunes qui, alors, ont attaqué les forces de l’ordre à coups de pierre. Les manifestants ont ensuite essuyé les représailles des policiers qui ont contre-attaqué à coups de matraques et ont ouvert le feu sur eux. La manifestation, lors de son reflux, s’est heurtée à une procession hindoue destinée à marquer la fête Dushera, célébrée le 26 octobre, pour commémorer la victoire du dieu Ram sur Ravana, roi mythique du Sri Lanka. Cet incident n’a pas manqué de compliquer les choses, les hindous ayant pensé que les manifestants voulaient s’en prendre à eux. Selon le dirigeant musulman déjà cité, la brutalité de la police n’avait pas lieu de se déchaîner contre ces jeunes musulmans, pauvres et illettrés, ouvriers des ateliers de tissage de la ville. Par suite, la tension s’est répandue dans les bourgades voisines, attisée, selon le dirigeant musulman, par les politiciens qui jouent la carte de la polarisation des diverses communautés.

La version des faits présentée par le dirigeant musulman a été reprise dans certains médias. Le Hindustan Times du 31 octobre a regretté que ce soit les autorités elles-mêmes qui aient attisé les passions. Un membre de la Commission des minorités, Abraham Mathai, a déclaré que ces émeutes marquées par le caractère conflictuel des rapports intercommunautaires de l’Inde n’avaient pas reçu un traitement adéquat de la police et avaient été exploités à leur profit par des politiciens. Les autorités de l’Etat, le ministre-président Vilasrao Deshmukh et son adjoint Chhagan Bhujbal, qui se sont rendus sur place dès le 28 octobre pour exhorter la population au calme, ne se sont pas prononcées sur l’identité des responsables des troubles.

Les chrétiens sont très minoritaires dans la ville de Malegaon. Ils sont au nombre de 16 000 pour une population de 3,8 millions d’habitants dont 3,3 millions d’hindous et 400 000 musulmans. Leurs responsables ont regretté leur impuissance dans ce conflit qui oppose les deux communautés. L’évêque de l’Eglise (protestante) de l’Inde du Nord, à Ahmednagar, Mgr Pradeep Kamble, a qualifié de “malheureuse” la tension qui règne entre les deux communautés : “Tout ce que l’Eglise peut faire, a-t-il conclu, c’est de prier pour que la paix revienne dans la ville.”

Les attentats du 11 septembre et les représailles américaines ont relancé l’hostilité sourde entre les communautés hindoues et musulmanes en Inde. Les groupes hindouistes, dans des déclarations tonitruantes, ont flétri le terrorisme international, tandis que les éléments les plus extrémistes des 130 millions de musulmans de l’Inde affirmaient leur sympathie pour les Talibans. Dès le début des frappes américaines en Afghanistan, la plus haute personnalité religieuse de l’islam en Inde, le recteur de la mosquée Jama Masjid, à New Delhi, avait publiquement déclaré qu’il donnait son soutien à l’appel à la djihad lancé par les Talibans contre les Etats-Unis. A la suite de cette prise de position, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs Etats de l’Inde, dans l’Uttar Pradesh et dans le Bengale occidental notamment. Les plus violentes ont eu lieu dans le Cachemire indien. Le 15 octobre à Srinagar, la police a dû utiliser des gaz lacrymogènes pour disperser une manifestation de rue où les manifestants avaient érigé des barricades.