Eglises d'Asie

Moluques : de nouveaux heurts meurtriers se sont produits à Amboine et sur l’île de Buru alors que, ces derniers mois, la tension entre communautés chrétienne et musulmane allait décroissant

Publié le 18/03/2010




Depuis le mois de juin 2001, date des derniers incidents sanglants aux Moluques (1), le calme revenait peu à peu dans cette région de l’Indonésie où, depuis janvier 1999, les communautés chrétienne et musulmane s’affrontent violemment et où l’arrivée de “combattants musulmans de la guerre sainte”, membres du Laskar Jihad, il y a un an environ, avait relancé les hostilités (2). A la fin du mois d’octobre dernier, des rencontres avaient même été organisées à Malang, ville située à Java-Est, entre représentants d’institutions éducatives, tant chrétiennes que musulmanes, afin d’explorer les voies menant à la réconciliation. Ces derniers quinze jours, des attaques meurtrières se sont produites sur l’île de Buru, île située à l’ouest d’Amboine, ainsi que dans la ville même d’Amboine, chef-lieu de la province des Moluques. Les observateurs notent que ces attaques, survenant dans un climat général d’accalmie aux Moluques, se sont produites quelques jours après que Ja’far Umar Thalib, leader du Laskar Jihad (3), eut prononcé le vendredi 23 octobre un discours particulièrement virulent à Amboine, dans la mosquée Al Fatah, la plus grande des mosquées des Moluques, où il a dénoncé les musulmans soutenant la réconciliation et annoncé la poursuite des hostilités jusqu’à la fête de -al-Fitr qui marque la fin du ramadan.

Le 1er novembre dernier, le village, très majoritairement chrétien, de Waimulang, peuplé d’un millier de personnes et situé sur la côte sud de l’île de Buru, a été attaqué par environ 500 personnes. L’attaque a fait quatre morts parmi les habitants : trois tués par balles et le quatrième brûlé vif dans l’église du village. D’après des témoignages recueillis sur place, l’attaque a commencé entre 6 et 7 heures du matin, une dizaine d’embarcations légères attaquant par la mer (au sud), le gros des troupes arrivant par voie terrestre, à l’ouest, au nord et à l’est. Les assaillants vêtus de noir ou en treillis militaires, visages masqués, ont utilisé des armes automatiques et au moins deux mitrailleuses. Selon les habitants, la technique d’attaque utilisée – encerclement puis progression en deux groupes, l’un couvrant l’autre – est typiquement une technique militaire. Il semble que l’objectif premier des assaillants était de terroriser et de piller plutôt que de tuer, les habitants ayant eu la possibilité de s’enfuir dans un marais situé à l’est du village. Plus de 220 habitations ont été détruites et pillées et toutes les maisons ont perdu leur toit. Deux églises et un dispensaire ont été détruits.

D’après le témoignage de villageois, des militaires, au moins deux d’entre eux, appartenant au bataillon de l’armée de terre 731, basé à Buru, ont été reconnus parmi les assaillants. Outre ce fait, les villageois sont très en colère de l’attitude adoptée par le détachement de l’armée stationné dans leur village et chargé de les protéger. Selon eux, ces militaires, au nombre d’une dizaine, se sont soit enfuis soit rendus sans opposer de résistance. Ils s’étonnent également du fait que le mouvement de 500 personnes, manifestement animées de sentiments peu pacifiques, a échappé à la vigilance des services de renseignement de l’armée. Enfin, l’attitude de l’armée laisse également à désirer quant à l’organisation des secours : il a fallu attendre le 5 novembre avant que des renforts militaires ne parviennent à Waimulang, en même temps que l’aide humanitaire envoyée par les Eglises protestantes locales.

Située à une centaine de kilomètres à l’ouest d’Amboine, Buru est connue pour avoir “abrité” dans les années 1960 et 1970 les personnes suspectées de communisme après la tentative de coup d’Etat de 1965. Sa population est aujourd’hui de 110 000 habitants environ. Buru a été le théâtre d’affrontements violents et répétés entre décembre 2000 et juin 2001. Le village de Waimulang a été attaqué – sans succès – les 2 et 22 mars 2000 ; à cette époque, il n’y avait que deux policiers sur place, mais les attaquants, quoique plus nombreux que lors de l’attaque du 1er novembre, ne disposaient alors que d’armes artisanales.

Par ailleurs, à Amboine, le 9 novembre au soir, deux hommes à moto sont morts déchiquetés par la bombe qu’ils transportaient. L’explosion a eu lieu non loin de l’église Maranatha, le temple le plus important de l’Eglise protestante des Moluques. D’après les premières constatations, les deux hommes sont morts avant d’avoir pu déposer leur bombe et l’un d’eux portait des papiers d’identité “TNI-AD” (Infanterie de l’armée indonésienne). Trois jours plus tard, le 12 novembre, deux personnes ont été tuées et une vingtaine d’autres blessées lors de l’explosion de deux bombes distinctes dans la ville d’Amboine. Selon l’agence de presse indonésienne Antara, une bombe a explosé à l’intérieur d’un magasin d’appareillage électrique situé dans le centre de la ville, tuant sur le coup la propriétaire, d’origine chinoise, du magasin et blessant 19 personnes ; âgé de 29 ans, le fils de la propriétaire est décédé à l’hôpital des suites de ses blessures. Un peu plus tard, deux hommes circulant à moto ont lancé une grenade à l’intérieur d’un minibus transportant onze personnes, dont plusieurs militaires. Le chauffeur du minibus ayant eu le réflexe de rejeter l’engin, l’explosion s’est produite sur le trottoir et a blessé un musulman, étudiant à l’université. L’incident s’est produit dans le quartier de Batumerah et les habitants du quartier, pensant que la grenade avait été lancée du minibus, lui ont donné l’assaut, blessant cinq de ses occupants avant d’y mettre le feu. Un civil et un militaire ont été blessés à cette occasion.

Enfin, le 13 novembre, au matin, un hors-bord transportant des chrétiens à travers la baie d’Amboine, reliant Galala à Gudang Arang, à l’ouest de la ville, a été attaqué par un autre bateau manœuvré sans doute par des musulmans alors qu’il passait à proximité du quartier musulman de Waihaong. Trois des passagers du bateau transportant des chrétiens ont été tués et quatre autres blessés, rapporte le Centre de crise du diocèse catholique d’Amboine. La veille, le président du Synode de l’Eglise protestante des Moluques avait, sur les ondes de la télévision locale, déploré la détérioration de la situation de ces jours derniers, dénonçant l’inaction du gouverneur. Au Centre de crise du diocèse d’Amboine, des informations sont parvenues selon lesquelles des militaires seraient à l’origine de la plupart des actes de violence de ces deux dernières semaines.