Eglises d'Asie

Isolé dans sa pagode cernée par la police, après avoir été arrêté 22 fois depuis 1975, un religieux bouddhiste hoa hao menace de s’immoler

Publié le 18/03/2010




Dans une lettre publiée par la revue vietnamienne Duôc Tu Bi ( Le flambeau de la compassion’) destinée à la communauté bouddhiste hoa hao au Vietnam et dans le monde, un religieux appartenant à cette religion, Vo Thanh Liêm, âgé de 61 ans, dresse la liste des multiples vexations subies par lui depuis qu’il s’est engagé dans la vie religieuse. En post-scriptum, le religieux, dont le nom de religion est Nhât Quang Minh et qui habite la commune de Long Diên dans la province An Giang, affirme qu’il ne s’agit là que d’un résumé incomplet de toutes les avanies qui lui ont été infligées. Depuis 1975 jusqu’à aujourd’hui, il a été emprisonné à 22 reprises par les autorités locales.

Pour la seule année 2001, la lettre signale une première incursion de police dans sa pagode, le 31 janvier, après la construction d’une hôtellerie sur le terrain de la pagode, construction interdite par les autorités locales. Ayant échoué à arrêter le religieux qui s’était réfugié dans une pièce fermée à clef à l’intérieur du lieu de culte, les policiers se sont livrés à une série de déprédations des lieux et sont partis en emportant des outils. Le 31 octobre, quinzième jour du mois lunaire, alors que la communauté des fidèles hoa hao était réunie à l’intérieur du temple pour écouter les paroles du fondateur diffusées par hauts-parleurs, des agents du Front patriotique et de la Sécurité se sont introduits dans le lieu de culte en franchissant la clôture et ont inscrit les noms des fidèles présents, qu’ils ont, deux jours plus tard, appelés pour interrogatoire au siège de la commune.

La liste des vexations policières exposées dans la lettre se termine sur une intervention policière plus musclée que les autres qui a eu lieu le 6 novembre. Ce jour-là, les autorités locales convoquèrent la population pour l’informer des violations dont Vo Van Thanh Liêm s’était rendu coupable. Il avait construit une hôtellerie sans permission, organisé une séance de lecture des écrits du fondateur sans permission, mené des activités d’opposition contre les autorités locales, etc. Par ailleurs, il n’avait pas répondu aux convocations qui lui avaient été envoyées et n’avait fait aucun cas des remontrances qui lui avaient été adressées par les responsables de la Sécurité. Ensuite la police a lancé une troupe d’une centaine de personnes à l’assaut de la pagode pour procéder à l’arrestation du coupable. Surpris, le religieux n’a eu que le temps de grimper jusqu’à la cime d’un arbre (filao) d’environ 20 mètres. Deux jours plus tard, autour de l’arbre où s’était réfugié le religieux, dans la pagode et à l’extérieur, les forces de police étaient encore plus nombreuses. Le desservant de la pagode s’est alors coupé un morceau du muscle de la cuisse et l’a jeté à terre, ce qui a fait reculer les policiers qui ont cependant continué de faire le siège de la pagode.

Le 9 novembre, jour où il a écrit sa lettre, les forces déclinantes du religieux ne lui permettant plus de garder sa position perchée, il est descendu à terre, mais, écrit-il, “avec une résolution inentamée”. Si les forces de police pénètrent à nouveau dans la pagode, il se suicidera ou s’immolera par le feu en protestation contre la persécution religieuse dont il est l’objet.

Déjà, au mois de mars de l’an dernier, une responsable de la ligue des femmes bouddhistes hoa ha, Mme Nguyên Thi Thu, s’était sacrifiée par le feu après s’être arrosée d’essence. Les témoins de son immolation l’ont entendu proclamer qu’elle mourrait pour la défense de la liberté religieuse (1). La religion hoa hao qui compte aujourd’hui entre 3 et 4 millions d’adhérents a subi, en raison de son opposition historique au communisme vietnamien (2), une répression très sévère après 1975. Après une longue période durant laquelle, elle n’a eu pratiquement pas d’existence officielle, les autorités vietnamiennes avaient approuvé et patronné le 26 mai 1999, dans la province de An Giang, la réunion d’un Congrès auquel participaient, selon vietnamienne de presse, environ 120 délégués choisis parmi les adeptes de cette religion. A l’issue de ce congrès, un comité d’administration de onze membres a été élu, dont la présidence a été donnée à Nguyên Van Tôn, aussi appelé Muoi Tôn, accusé par beaucoup d’être un cadre communiste, travaillant au sein du Front patriotique et du Conseil populaire provincial. Depuis lors, une grande partie des fidèles hoa hao menés par leur dirigeant historique M. Lê Quang Liêm, aujourd’hui en résidence surveillée (3), n’ont cessé de manifester et de faire entendre leurs voix pour réclamer leur indépendance.