Eglises d'Asie

Le déséquilibre démographique en faveur des femmes est en train de s’inverser

Publié le 18/03/2010




A l’initiative du Comité national de la démographie et du planning familial, le gouvernement vient de mettre à l’étude un projet de loi qui vise à interdire aux médecins de soumettre les femmes enceintes aux échographies prénatales permettant d’identifier le sexe du fœtus. Lors d’une récente conférence de presse, M. Dinh Công Thoan, responsable de la commission d’élaboration de la loi et personnage haut placé du Comité, n’a pas caché que la loi visait à empêcher que les avortements de fœtus de sexe féminin ne soient beaucoup plus nombreux que ceux de l’autre sexe, comme c’est le cas aujourd’hui. Il a ainsi exposé les motivations de la nouvelle loi : “Lorsque l’on sait à l’avance que le sexe de l’enfant n’est pas celui que l’on désire, cela peut devenir une raison de procéder à l’avortement.” Or, a-t-il ajouté, les couples vietnamiens ont tendance à préférer les garçons aux filles, en fonction de critères culturels traditionnels en Asie.

Certes, en conséquence des deux guerres successives subies par le Vietnam ces dernières décennies, la démographie du pays souffre encore d’un déséquilibre assez important en faveur des femmes. Au recensement de 1999, les femmes représentaient 50,8 % de la population (1). C’est à ce déséquilibre qu’il faut attribuer certaines anomalies saillantes de la société vietnamienne comme le mariage de nombreuses ressortissantes de ce pays avec des étrangers et particulièrement des Chinois de Taiwan (2) ou encore les véritables razzias de femmes effectuées au Nord Vietnam par des bandes venues des provinces du sud de la Chine, où le déséquilibre démographique est en faveur des hommes, autant de troubles sociaux que M. Thoan a évoqué au cours de sa conférence de presse. Cependant, la préparation de la nouvelle loi témoigne surtout des craintes éprouvées par le gouvernement vietnamien alors que la tendance précitée commence à s’inverser. Les experts prévoient en effet que le Vietnam ne va pas tarder à se retrouver dans la situation qui est celle de la plupart des pays voisins et en particulier de la Chine où il y a 100 millions d’hommes de plus que de femmes.

Si l’on considère les naissances des années récentes, le tournant démographique en faveur du sexe masculin est déjà entamé. Selon les statistiques citées par le fonctionnaire du Comité de la démographie et du planning familial, la proportion annuelle moyenne de naissances masculines est de 106 pour 100 naissances féminines. Cette proportion peut s’élever encore bien davantage dans les campagnes où l’on relève un déséquilibre encore plus grand, 112 ou même 118 naissances masculines pour 100 naissances féminines. Le fonctionnaire chargé du contrôle des naissances s’est dit persuadé qu’une telle situation, due à la possibilité du choix du sexe donné par l’échographie prénatale, ne pouvait que déboucher sur des troubles sociaux.

La mesure envisagée par le gouvernement vietnamien pour assurer l’équilibre de la population doit être comprise dans le cadre de la politique mise en place pour juguler l’expansion démographique. Dans l’arsenal des mesures mises en place à cet effet, l’avortement est en effet le moyen le plus utilisé pour réduire le nombre des enfants (3). Le Vietnam connaît un taux d’avortements parmi les plus élevés du monde. Un rapport officiel pour l’année 1999 mentionnait que plus d’un million d’avortements avaient été officiellement recensés cette année-là dans les institutions hospitalières publiques du pays, un chiffre qui ne tient pas compte des cas d’avortements non enregistrés (4). Pourtant, selon les déclarations officielles, une baisse du nombre des interruptions volontaires de grossesse se serait manifestée depuis quelques années. Le chiffre atteignait 1,5 million en 1997. Il aurait été de 700 000 en 2000. Il serait encore moins élevé cette année.

Les résultats de cette politique volontariste en matière de naissances ne sont pas estimés de la même façon par les fonctionnaires gouvernementaux vietnamiens et divers instituts démographiques étrangers. Selon le Comité de la population et du planning familial, le taux de croissance démographique pour l’année 2000 aurait été de 1,4 % alors qu’en 1989 il était encore de 2,1 %. Il devrait descendre encore progressivement pour atteindre 1,1 % en 2010. Ces chiffres sont mis en question par certains observateurs neutres qui retiennent, comme taux de natalité, le chiffre de 31,4 à 31,9 pour mille et comme taux de mortalité, le chiffre de 9,1 à 9,5 pour mille. Ils aboutissent ainsi à un taux réel de croissance démographique de l’ordre de 2,3 à 2,4 % (5).