Eglises d'Asie

Les persécutions subies par les Eglises chrétiennes dans l’Etat d’Orissa ont été pour elles l’occasion d’un nouvel élan

Publié le 18/03/2010




C’est une constatation que font les responsables chrétiens dans l’Etat d’Orissa : les meurtres de missionnaires et les attaques anti-chrétiennes dans cet Etat de l’est de l’Inde, loin d’avoir affaibli la communauté chrétienne, semblent au contraire l’avoir fortifiée et fait grandir. C’est ce qu’a déclaré, par exemple, l’évêque catholique de Balasore, Mgr Thomas Thiruthalil : “Le sentiment initial d’insécurité a vite fait place chez les prêtres comme chez les laïcs à un nouvel engagement et à l’esprit de sacrifice.”

Dans cet Etat d’Orissa, l’année 1999 s’était ouverte sur l’horrible assassinat du pasteur Graham Stuart Staines, brûlé vif dans sa voiture avec ses deux enfants, à Manoharpur, un village du district isolé de Keonjhar (1). En septembre de la même année, c’était au tour du P. Arul Doss d’être assassiné, transpercé d’une flèche en pleine poitrine, à Jamabani, un village isolé dans la forêt du district de Mayurbhanj, habité par des membres d’une ethnie minoritaire (2). De nombreuses autres agressions s’étaient encore produites dans cet Etat : enlèvements de religieuses, attaques d’établissements chrétiens, incendies de maisons de chrétiens, agressions de missionnaires (3).

Autant d’événements, a affirmé Mgr Thiruthalil, responsable du Conseil des évêques de l’Orissa, qui n’ont pas eu lieu en vain et qui ont provoqué un changement dans la façon d’annoncer l’Evangile dans les cinq diocèses de l’Etat. Dans le passé, c’étaient les prêtres qui faisaient le premier pas en direction des laïcs. Aujourd’hui, c’est une foule qui envahit les Eglises pour y prier, y implorer la guérison et les conversions. A la timidité et à l’indifférence d’autrefois s’est substituée une nouvelle volonté d’engagement et le désir de participer activement au travail d’évangélisation. C’est peut-être un don accordé par Dieu pour compenser la mort des missionnaires, a conclu l’évêque de Balasore.

Les mêmes constatations ont été faites par d’autres responsables catholiques. Le P. Jose Thundiyil, directeur des services éducatifs du diocèse, a remarqué que, curieusement, les laïcs aujourd’hui sont davantage engagés dans le travail d’évangélisation que les prêtres, plus occupés à la mise en œuvre de projets éducatifs et sociaux. Cette apparente anomalie est acceptée et assumée par les laïcs qui savent que les prêtres évangélisant des régions isolées constituent des cibles faciles pour les extrémistes. Par ailleurs, grâce à diverses pressions, le gouvernement a pratiquement interdit aux prêtres la visite des villages sous prétexte de les soustraire aux attaques des extrémistes. Mais, comme l’a fait remarquer Mgr Lucas Kerketta, évêque de Sambalpur, les autorités n’ont aucun moyen d’empêcher 400 000 catholiques de parler et de propager leur religion parmi la population. La propagande mensongère des militants hindouistes contre le christianisme a certes semé des doutes dans l’esprit du petit peuple mais ce doute ne résiste pas au témoignage des fidèles.

Selon Mgr Kerketta, la tragédie traversée par l’Eglise au cours des trois années passées a joué pour elle le rôle d’un véritable élixir de jouvence. “L’Eglise de l’Orissa est devenue la plus fervente de l’Inde.” Ce sont des milliers de fidèles qui participent aux divers rassemblements organisés par les laïcs, particulièrement les sessions de prières charismatiques qui se tiennent dans les places de villages ou autres lieux. “Personne n’ose déranger nos rassemblements, a dit un chrétien d’une ethnie minoritaire. Tout le monde sait qu’il y aurait alors une réaction de notre part.”

Les progrès se sont manifestés dans tous les domaines. Les vocations sacerdotales et religieuses ont augmenté. Au cours des deux années passées, les cinq diocèses de l’Etat ont pu ordonner 50 nouveaux prêtres. Une quarantaine de maisons religieuses ont été ouvertes. Les mêmes constatations sont faites au sein de toutes les dénominations chrétiennes. C’est ainsi que Samson Soren, collaborateur du pasteur Staines, observe que, depuis la mort de ce dernier, le nombre des lieux de culte baptistes dans l’Orissa est passé de 10 à 35.