Eglises d'Asie

Papouasie occidentale : après la mort mystérieuse du chef de file des indépendantistes, les évêques catholiques de la province appellent au respect de la dignité des personnes

Publié le 18/03/2010




“Le meurtre d’un dirigeant du mouvement indépendantiste papou nous choque à nouveau”. Tels sont les propos que trois évêques catholiques de la Papouasie occidentale ont tenus aux médias lors d’une conférence de presse organisée le 12 novembre dernier à Djakarta. Mgr Jacobus Duivenvoorde, archevêque de Merauke, Mgr Leo Laba Lajar, évêque de Jayapura, et Mgr Franciscus Xaverius Hadisumarta, évêque de Sorong, réagissaient à l’annonce de la découverte, la veille, du corps de Dortheys ( Theys’) Hiyo Eluay, président du Conseil papou et leader historique de la cause indépendantiste (1). Le 10 novembre dernier, de retour d’un dîner sur une base des Kopassus, les forces spéciales de l’armée indonésienne, à Jayapura, le chef-lieu de la province de la Papouasie occidentale, Theys Eluay, âgé de 64 ans, et le chauffeur de sa voiture ont été enlevés. Le lendemain, le corps du leader indépendantiste a été retrouvé dans sa voiture, renversée dans un ravin peu profond. Selon un rapport d’autopsie, la mort est survenue par suffocation. Les obsèques ont eu lieu à Sentani, lieu de naissance de Theys Eluay, le 17 novembre, une foule de près de 10 000 personnes ayant auparavant escorté le cercueil sur les 45 km qui séparent Jayapura de Sentani. Aristoteles Masoka, le chauffeur de Theys Eluay, est introuvable.

L’évêque de Jayapura a déclaré que “Theys n’était pas seulement un homme politique, il était un combattant papou de la liberté, des droits de l’homme et de la justice. Son combat correspondait à celui de l’Eglise et, pour les Papous, il était un héros”. Selon lui, les valeurs chrétiennes et l’enseignement de l’Eglise étaient à la racine de l’engagement de Theys et de son combat pour la liberté du peuple papou.

Les évêques catholiques ont appelé les autorités responsables à mettre sur pied une commission d’enquête afin que les coupables de cet acte soient retrouvés. Si la vérité sur ce meurtre ne peut être établie, mettent en garde les évêques, “les violations des droits de l’homme et les violences ne feront que croître en Papouasie”. Selon Mgr Laba Lajar, la mort mystérieuse du chef des indépendantistes papous présente des similitudes avec celle en septembre dernier de Willem Onde, chef de l’Organisation pour la Papouasie libre. Or, a fait remarquer l’évêque, la police n’a toujours pas retrouvé les meurtriers d’Onde.

L’incapacité des autorités à assurer le respect de la loi et à défendre les droits de l’homme sape la fraternité entre les habitants de la province, estiment les évêques qui, déjà, à plusieurs reprises se sont élevés contre les violences qui régulièrement endeuillent la Papouasie occidentale (2). En juin dernier, rappellent-ils, une attaque que la police impute à l’Organisation pour la Papouasie libre a causé la mort de cinq policiers et d’un civil. En représailles, la police a lancé des opérations au cours desquelles six personnes ont trouvé la mort après avoir été torturées. “Aujourd’hui, l’opération de police se poursuit avec son lot d’arrestations arbitraires et de détentions de suspects, y compris des instituteurs. L’intimidation et les disparitions sont couramment utilisées”, dénoncent les évêques qui rapportent l’épuisement des villageois, choqués et effrayés par les scènes de violence auxquelles ils sont contraints d’assister. Ce sont toujours les civils qui finissent par se retrouver victimes des heurts opposant l’Organisation pour la Papouasie libre et les forces de sécurité indonésiennes.