Eglises d'Asie

A l’occasion des élections législatives du 1er décembre, l’Eglise catholique invite les responsables politiques à ne pas diviser les citoyens entre “Taiwanais de souche” et “Chinois du continent”

Publié le 18/03/2010




Les élections législatives du 1er décembre dernier à Taiwan ont été marquées par la victoire du Parti démocrate progressiste (DPP), le parti du président Chen Shui-bian, de sensibilité indépendantiste, et par la défaite du Kuomintang, le parti nationaliste. Avec 87 sièges sur les 225 que compte le Yuan législatif, le DPP devient la première formation politique mais ne dispose pas de la majorité. Selon les études post-électorales, le vote des catholiques, qui représentent 1,4 % de la population, s’est réparti entre les différents partis en présence sans qu’une polarisation particulière puisse être définie. Lors de la campagne électorale, les responsables de l’Eglise catholique ne se sont prononcés à aucun moment pour ou contre l’une ou l’autre des formations en présence.

La veille du scrutin, le cardinal Paul Shan Kuo-hsi, évêque de Kaohsiung et président de la Conférence épiscopale, s’était contenté de demander aux électeurs, dans les colonnes d’un quotidien, de désigner des députés “capables et soucieux du bien de Taiwan”. Quelques jours plus tôt, le 20 novembre, la Conférence épiscopale avait envoyé un premier message à tous les partis, leur adressant une double mise en garde.

Premièrement, les évêques ont tenu à dénoncer la violence des attaques verbales lancées par les candidats à la députation. La violence de cette rhétorique électorale et le fait que les partisans des camps en présence en viennent parfois aux mains montre “qu’une fois de plus nous restons englués dans la haine et la division”, écrivent les responsables de l’Eglise catholique. Selon le cardinal Shan, peu de candidats ont pris la peine de penser un programme par eux-mêmes ou ont étudié en profondeur ce qui fait le quotidien des gens. Ces candidats, a-t-il déclaré, se contentent de s’attacher à un dirigeant politique, recourant aux joutes verbales pour mieux esquiver leurs responsabilités réelles. Dans un tel contexte, les gens “en ont assez” des campagnes électorales et se désintéressent de leur devoir de citoyens. De fait, le taux d’abstention le 1er décembre a été particulièrement élevé.

En second lieu, les responsables de l’Eglise ont tenu à exprimer leur déception face à l’exploitation, au cours de la campagne électorale, de la question des appartenances ethniques. Les 22 millions de Taiwanais sont en effet formés de plusieurs groupes : outre les aborigènes (2 % de la population), l’île est chinoise à 98 %, mais ces 98 % se divisent entre les Chinois installés depuis plusieurs siècles à Taiwan (les Minnans, 74 % de la population, et les Hakkas, 10 % de la population) et les continentaux (14 % de la population), arrivés dans l’île en 1949 après la déroute des partisans de Chiang Kai-shek face aux communistes. Pour gagner leurs suffrages, les hommes politiques de sensibilité indépendantiste, y compris l’ancien président Lee Teng-hui, font souvent référence aux “Taiwanais de souche” par opposition aux “Chinois du continent”. Outre le fait que les aborigènes sont quasi systématiquement ignorés par les hommes politiques (1), ces divisions entretenues par le personnel politique sont “véritablement une mauvaise chose pour la société”, a argumenté le cardinal Shan. Le collège épiscopal taiwanais est lui-même formé, à deux exceptions près, de Chinois originaires du continent, arrivés dans l’île après 1949.