Eglises d'Asie

ACEH : APRES 25 ANS DE LUTTE, LE GAM (MOUVEMENT POUR ACEH LIBRE) ET DJAKARTA NE SEMBLENT PAS PRETS A NEGOCIER

Publié le 18/03/2010




Le 4 décembre 1976, le GAM (Mouvement pour Aceh libre) déclarait unilatéralement l’indépendance d’Aceh. Vingt-cinq plus tard, à l’occasion de l’anniversaire de cette déclaration, les responsables du mouvement ont fait des déclarations laissant clairement entendre qu’ils ne renonçaient pas à leur lutte. Hasan di Tiro, le dirigeant du mouvement, réfugié en Suède, a appelé tous les Acehnais à continuer la “sainte lutte” contre l’Indonésie tandis que ses partisans organisaient de modestes cérémonies militaires dans la province d’Aceh.

Pourtant, di Tiro a de quoi se faire quelques soucis. Djakarta a indiqué que, très bientôt, il intensifierait sa campagne militaire contre le groupe séparatiste dans cette province située à l’extrême ouest du pays. “Nous sommes prêts, réplique di Tiro, aujourd’hui âgé de 70 ans, descendant d’une longue lignée de sultans qui ont régné sur Aceh, depuis son exil de Stockholm, à quelques jours de la date-anniversaire. Nous avons plus d’hommes en armes qu’avant et ils sont mieux entraînés.”

Di Tiro se montre plus inquiet des changements qui sont intervenus dans le monde après les attentats du 11 septembre dernier aux Etats-Unis et de la perception que ce pays a désormais des mouvements séparatistes armés, en particulier ceux qui se réclament de l’islam. De plus, même si à Aceh la population soutient en grande partie la revendication indépendantiste et en a plus qu’assez des brutalités policières, de nombreux Acehnais en ont tout aussi assez de l’attitude du GAM envers les villageois, en particulier au sujet du prélèvement forcé des impôts.

Les Etats-Unis exercent désormais des pressions financières et politiques sur les organisations suspectées de terrorisme et sur les personnes qui entretiennent des liens avec ces groupes, tout comme sur les banques et les sociétés qui sont utilisées pour faire parvenir de l’argent à celui qu’ils tiennent pour le terroriste n°1, Oussama ben Laden, et son organisation, Al Qaida. Le gouvernement américain a placé plusieurs dizaines de ces mouvements, sociétés et individus sur une liste noire. “D’autres organisations seront ajoutées à cette liste et je suppose que le fait de se trouver sur cette liste obère sérieusement la capacité de lever des fonds et sans doute de se livrer à d’autres activités”, déclare un haut responsable américain, qui ajoute cependant qu’une récente proposition du ministère américain de la Justice de placer le GAM sur cette liste n’a pas été retenue.

Ceci étant, le GAM est mentionné dans le dernier rapport annuel du Département d’Etat sur le terrorisme. On peut y lire que “le GAM ou les Acehnais séparatistes” ont mené au début de cette année des attaques sporadiques contre les installations à Aceh de la société pétrolière Exxon Mobil. “L’objectif premier du groupe était les éléments des forces de sécurité indonésiennes”, précise le rapport.

Di Tiro et ses hommes n’apprécient pas d’être décrits comme des terroristes. “C’est nous qui sommes terrorisés, déclare-t-il. Depuis des décennies, nous sommes victimes des violences commises par les militaires indonésiens.” Ils décrivent Al Qaida comme abominable et soulignent que le GAM a publié un communiqué le 15 septembre dernier, déplorant “les attaques terroristes insensées et brutales” contre les Etats-Unis et exprimant leur appui à la lutte contre le terrorisme. Di Tiro et ses hommes n’apprécient pas plus d’être décrits comme formant un mouvement musulman. “Nous sommes musulmans, oui, mais nous luttons pour l’indépendance, pas pour un Etat islamique”, précise un de ses adjoints.

Le président américain George W. Bush a clairement déclaré à la présidente indonésienne Megawati Sukarnoputri, en visite à Washington en septembre dernier, que les Etats-Unis ne soutenaient pas les aspirations sécessionnistes à Aceh tout comme partout ailleurs en Indonésie. Cependant, de nombreux responsables américains pensent qu’il serait contre-productif – et que cela constituerait même un fâcheux précédent – de placer le GAM sur la liste noire des organisations terroristes, particulièrement à un moment où ils veulent croire à la possibilité de renouer le dialogue entre Djakarta et les Acehnais. Selon la plupart des observateurs, une telle possibilité apparaît pourtant faible à court terme.

Les pourparlers de paix avec les autorités indonésiennes ont été rompus en juin dernier, après l’arrestation – pour conspiration – de six des négociateurs du GAM. L’un d’eux est toujours sous les verrous. “Cela montre qu’il ne sert à rien de discuter avec le gouvernement”, déclare di Tiro. “L’armée est de retour aux commandes”, ajoute un de ses adjoints. De fait, divers signes indiquent que les combats, qui ont déjà fait selon les estimations 1 600 morts depuis le début de l’année, vont en s’intensifiant. “Dans les mois à venir, nous allons certainement prendre des mesures fermes. Les opérations seront plus nombreuses et coordon-nées”, a déclaré le 29 novembre Bambang Yudhoyono, ministre responsable de la Défense et de la Sécurité.

Aujourd’hui, dix-neuf bataillons de l’armée de terre et deux régiments para-militaires de la police forment l’élément central d’un dispositif de sécurité qui rassemble 20 000 hommes en armes à Aceh. Les opérations des forces de sécurité contre le GAM ont par le passé souvent été critiquées par des organisations locales et internationales de défense des droits de l’homme, en particulier pour leur coût en vies humaines et les exactions commises contre les populations civiles. Ces six derniers mois cependant, il a été noté que les militaires ont déployé sur le terrain des unités spécialisées dans les tactiques de guérilla, mieux entraînées et plus sensibles aux droits de l’homme.

Connaissant cela et l’attention des médias internationaux étant tournée ailleurs, les espoirs du GAM de gagner la sympathie de l’Occident à sa cause semblent condamnés à ne pas rencontrer beaucoup d’écho.