Eglises d'Asie

L’extrême droite hindoue veut entamer les travaux de construction d’un temple hindou sur les ruines d’Ayodhya avant le 12 mars prochain

Publié le 18/03/2010




Déjà le 17 octobre dernier, lorsque les dirigeants d’un groupe de l’extrême droite hindoue avaient pénétré sur le site d’Ayodhya pour y faire des prières, alors que la question des véritables propriétaires des lieux, hindous ou musulmans, n’avait pas encore été tranchée par la justice, ils avaient brusquement fait monter la tension entre les deux communautés religieuses les plus nombreuses de l’Inde. Les récentes déclarations d’un représentant du Rashtriya Swayamsevak Sangh (Corps national des volontaires, RSS), organisation rassemblant un certain nombre de groupes hindous fondamentalistes, concernant la construction du temple hindou sur le site de la mosquée d’Ayodhya détruite voilà maintenant neuf ans, ont à nouveau ravivé la querelle. L’organisation hindouiste s’est engagée à commencer les travaux de construction du temple au plus tard après la date limite du 12 mars 2002, une date qui avait déjà été proposée par le Vishwa Hindu Parishad (Conseil mondial hindou, VHP) il y a quelque temps. Un porte-parole du RSS, M.G. Vaidya, a informé la presse de cette intention de son organisation à l’occasion du neuvième anniversaire du saccage de la mosquée d’Ayodhya par plus de 100 000 fanatiques hindous, membres ou affiliés du RSS, sous le prétexte qu’elle avait été édifiée sur les ruines d’un temple dédié à la divinité Ram. C’est en effet le 6 décembre 1992 que ces incidents ont eu lieu, suivis de troubles qui avaient opposé les hindous aux musulmans dans tout le pays et avaient fait trois mille morts.

Dans une déclaration à l’agence de presse Ucanews, le porte-parole du RSS a commenté la décision de son association. Il a expliqué que la démolition de la mosquée d’Ayodhya en 1992 et l’actuel projet de re-construction d’un temple hindou étaient des initiatives visant à réparer les graves atteintes infligées au ca-ractère séculier de la nation indienne par les gouvernants musulmans d’autrefois. Il a même ajouté que le gouvernement fédéral conduit aujourd’hui par le Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP), la formation politique inspirée du RSS, surmonterait, avant le 12 mars 2002, tous les obstacles qui pourraient s’opposer à la construction du temple. Ashok Singha, le président de l’organisation fondamentaliste parallèle, le VHP, est allé encore plus loin dans l’exposé de ses ambitions. Son groupe, a-t-il dit, n’épargnerait rien, y compris la stabilité politique du pays, pour parvenir à son but, à savoir la construction du temple sur le site d’Ayodhya. Il se peut que ce projet soit une menace pour le gouvernement mené par le BJP et qu’il entraîne le retrait de certaines formations alliées hors de la coalition au pouvoir. Toutefois, le responsable du VHP espère qu’il sera trouvé avant cela un arrangement à l’amiable.

La prétention de se placer au-dessus des décisions de justice, affichée aujourd’hui par divers groupes liés au BJP, a beaucoup troublé l’opposition politique et les milieux indépendant de l’Inde. Commentant les positions des fondamentalistes hindous sur la question d’Ayodhya, le porte-parole de la Conférence épiscopale indienne, le P. Donald De Souza, a fait remarquer que la propriété du site d’Ayodhya reste encore non tranchée par la justice et il s’est désolé de voir se manifester une telle tendance à ignorer les contraintes des décisions de justice et de la loi : “La proclamation d’une date-limite par les groupes extrémistes inquiète beaucoup l’Eglise car elle s’oppose directement aux principes de la démocratie et de la laïcité traditionnellement en honneur dans notre grande nation.”

Dans l’opposition, beaucoup de députés voient derrière le tapage fait à propos de la question d’Ayodhya un dessein politique très précis du BJP. Le dirigeant du Parti socialiste, Amar Singh, en est persuadé et explique que le site d’Ayodhya se trouve dans l’Etat le plus important de l’Inde sur le plan politique. Des élections vont y avoir lieu l’année prochaine et le parti BJP sait qu’il ne se maintiendra au pouvoir nulle part s’il n’engrange pas un supplément de voix qu’il ne peut recueillir que grâce aux divisions créées par ce type de problèmes. Par ailleurs, un certain nombre de députés indépendants sont décidés à mener une lutte qui mette en lumière l’échec du gouvernement à poursuivre les auteurs de la démolition de la mosquée et à maintenir le “statu quo” sur le site contesté par les deux communautés religieuses.

Peu avant les déclarations d’intentions des associations extrémistes, au cours d’une séance de la chambre basse consacrée aux incidents du 17 octobre, le ministre de l’Intérieur, L.K. Advani, avait essayé d’apaiser les esprits. Il avait qualifié le jour de la démolition de la mosquée de Ayodhya, de “pire jour de sa vie”.