Eglises d'Asie

Andhra Pradesh : une campagne entreprise pour améliorer le sort des dalits se retourne contre eux

Publié le 18/03/2010




Lorsque les plus hautes autorités de l’Etat d’Andhra Pradesh ont lancé, au début novembre 2001, une campagne destinée à éliminer toutes manifestations de l’esprit de caste sur l’ensemble du territoire, ils ne se doutaient pas de la résistance de cette hydre dont les têtes ne cessent de repousser sous de nouvelles formes. Diverses mesures en faveur de la promotion des dalits ont, comme par un choc en retour, engendré des conséquences fâcheuses pour les membres des basses castes.

La campagne avait commencé avec solennité le 1er novembre. Ce jour-là, le ministre-président de l’Etat, Chandrababu Naidu, avait annoncé qu’il s’en prendrait directement à divers comportements discriminatoires encore en usage dans les campagnes de son Etat. Désormais, les dalits devraient avoir le droit d’entrer dans les temples, de puiser leur eau au puits commun des villages. Le système des deux tasses en usage dans les maisons de thé, prévoyant une tasse séparée pour les dalits, serait partout éliminé. Pour donner lui-même l’exemple, le chef de l’Etat de l’Andhra Pradesh a publiquement accompagné un groupe de dalits dans un temple rural qui leur était ouvert pour la première fois depuis des générations. Après la cérémonie au temple, il a partagé leur repas.

Cependant, la population dalit de l’Etat a été, peut-être, plus sensible au choc en retour de la campagne qu’à l’amélioration apportée à son sort. Les coutumes discriminatoires éliminées ont réapparu sous des formes inédites mais encore plus pernicieuses que les anciennes. En beaucoup d’endroits, par exemple, les dalits ont obtenu que le thé leur soit servi dans les mêmes tasses que les autres, mais à condition de payer le double de ce qui leur était demandé autrefois. “S’ils veulent être servis dans les mêmes tasses que les “hautes castes” et traités comme eux, ils devront en payer le prix”, a fait remarquer un boutiquier. En dépit de la campagne, dans beaucoup de villages, les membres des basses castes reçoivent encore leur alimentation enveloppée dans du papier journal, alors que le reste de la population a droit à des assiettes. De même, les épiciers leur refusent le riz de qualité, réservé aux hautes castes.

Il semble même qu’en certains endroits, la situation des dalits a empiré depuis le début de la campagne. Exaspérés par la campagne en faveur des dalits, certains propriétaires terriens ont refusé de les engager comme ouvriers agricoles sur leurs terres, ce qui a fait dire à certains de ces derniers : “Nous préférons encore mieux garder notre statut d’intouchables plutôt que de mourir de faim.” Un autre s’est ainsi plaint : “Nous ne savons même pas si nous pourrons envoyer nos enfants à l’école l’année prochaine. Avec l’action entreprise par le gouvernement contre les hautes castes, celles-ci vont se venger en fermant les écoles à nos enfants.”

Le ministre de l’Intérieur de l’Etat, T. Devender Gowd, a pourtant annoncé des sanctions sévères pour toute manifestation discriminatoire à l’égard des dalits. Les plus graves d’entre elles seront punies de six mois de prison ou d’une forte amende. Par ailleurs, neuf tribunaux spéciaux ont été installés dans les régions connues pour leurs mauvais traitements à l’égard des intouchables. Cependant, les partis d’extrême droite ne croient pas à la détermination du gouvernement en ce domaine et pensent que cette campagne ne se poursuivra pas longtemps. Pour eux, il ne s’agit uniquement que de quelques gestes symboliques qui, dans quelque temps, seront oubliés.