Eglises d'Asie

Bihar : le mouvement dalit de conversion au bouddhisme est mis en cause par un grand nombre de religieux de cette religion

Publié le 18/03/2010




Le 4 novembre dernier, à New Delhi, malgré les obstacles de l’administration, près de 30 000 dalits avaient renoncé à leur religion ancestrale pour se tourner vers le bouddhisme, apparemment pour manifester leur opposition au système de castes (1). Ces conversions publiques d’hindous de basse caste au bouddhisme avaient eu lieu au cours d’une cérémonie solennelle, organisée par le groupe de ceux que l’on appelle les “néo-bouddhistes”. Le mouvement s’est poursuivi le 17 novembre dernier, date à laquelle une cérémonie du même type a été organisée dans la ville de Bodh Gaya au Bihar, où Gautama Bouddha avait connu l’illumination. La participation a été bien moins nombreuse que lors de la précédente cérémonie. Par ailleurs, il semble que ce type d’engagement public à caractère provocateur n’ait pas recueilli l’approbation des nombreux monastères étrangers établis dans cette ville sainte du bouddhisme.

Le vénérable Wimalassara Thero, secrétaire général du Conseil international des religieux bouddhistes, qui a son siège à Bodh Gaya, s’est déclaré persuadé que la manifestation du 17 novembre dernier n’était pas, en réalité, une cérémonie de conversion, mais une sorte de manœuvre destinée à envenimer le conflit entre les hindous et les bouddhistes dans la ville sainte. Selon le religieux bouddhiste, aucun des 28 monastères étrangers établis dans la ville ne s’est fait représenter à la cérémonie. La mise en scène de la cérémonie, très attrayante et prévue pour séduire une dizaine de milliers de dalits, n’a attiré que 150 personnes. Selon le représentant des moines étrangers dans la ville sainte, ce projet qui avait été désapprouvé par la majorité des religieux ne pouvait réussir. Ce qui ne signifie pas, a fait remarquer le religieux, que “nous soyons contre les conversions Mais, pour lui, dans ces rassemblements, les objectifs politiques priment sur la foi et les valeurs bouddhiques. Il a encore ajouté que, dans ce mouvement de conversion, les néo-bouddhistes n’avaient pas pris Bouddha comme modèle mais leur fondateur, à savoir B.R. Ambedkar. Cet hindou originaire d’une basse caste, qui a participé à la rédaction de la Constitution du pays, avait rejoint le bouddhisme en 1956, accompagné d’un million de dalits, pour protester contre la discrimination subie par les basses castes. Tous ces nouveaux convertis s’étaient alors appelés des “néo-bouddhistes”.

Le vénérable Pragyasheel Thero, qui a présidé les récentes cérémonies de conversion ainsi que d’autres qui ont eu lieu les années précédentes, a vigoureusement nié l’allégation selon laquelle il serait animé par des motifs autres que religieux. Son groupe, a-t-il dit, n’a jamais fait campagne pour une caste ou même pour une religion. Le religieux s’est chargé de la cérémonie à la demande d’un certain nombre de personnes qui avaient demandé d’adhérer au bouddhisme. Un autre animateur de la cérémonie, Badri Singh Baudh, responsable local de l’Assemblé bouddhiste pan-indienne, a précisé qu’à strictement parler, la récente cérémonie ne devrait pas être qualifiée de cérémonie de conversion mais de “deesksha à savoir d’“initiation aux enseignements bouddhistes Un jugement nuancé sur les cérémonies de conversion a été porté par un autre religieux, desservant du principal sanctuaire de la ville sainte, le vénérable Bodhipal Thero : “S’engager par vœu à suivre les enseignements de Bouddha est une chose excellente pour quiconque s’initie au bouddhisme. Cependant, il n’est pas nécessaire de renoncer publiquement aux divinités hindoues, ce qui ne peut apparaître que comme une provocation blessante pour les hindous et susceptible de créer chez eux acrimonie et controverses»