Eglises d'Asie

De nombreux responsables catholiques ne souhaitent pas la formation de milices armées pour lutter contre les enlèvements

Publié le 18/03/2010




Plusieurs responsables ecclésiastiques ont déclaré que l’idée de la présidente des Philippines, Gloria Macapagal-Arroyo, de vouloir armer les Sino-Philippins pour lutter contre les enlèvements ne diminuerait pas pour autant la criminalité et même pourrait l’aggraver. D’après le dominicain Rolando de la Rosa, la vague d’enlèvements que connaît actuellement le pays est due “à une crise de l’autorité gouvernementale mais non à un manque de forces ou à une absence d’armes”. Le 14 novembre dernier, la présidente Arroyo a déclaré à la Chambre de commerce et de l’industrie des Philippines qu’elle prévoyait d’armer les civils de Binondo, le quartier chinois de Manille, pour lutter contre l’industrie des enlèvements, fort prospère. Mgr Dinualdo Gutierrez, évêque de Marbel, a dénoncé cette idée affirmant que des civils armés et des groupes d’autodéfense provoqueraient “de nouveaux problèmes sans rien résoudre pour autant” – y compris à Mindanao où le gouvernement lutte contre des islamistes extrémistes et des communistes. “L’Eglise et spécialement les évêques de Mindanao n’ont jamais approuvé que des civils armés fassent le travail de la police ou des militaires”, a déclaré Mgr Gutierrez, président de la Commission épiscopale pour l’Action sociale, la Justice et la Paix. Il pense que la gouvernement devrait “professionnaliser la police” plutôt que d’armer des civils. Si la police était “plus professionnelle et crédible, les gens lui feraient confiance – ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle”, a-t-il conclu.

La présidente Arroyo s’était adressée à un millier de membres de la Chambre de commerce et à leurs invités pour leur dire qu’elle demanderait à la communauté des hommes d’affaires chinois de désigner ceux qu’ils voudraient voir armés et qu’elle leur ferait délivrer des permis de port d’arme, leur communauté étant responsable de leurs actions. Selon la Direction de la police nationale philippine, 91 cas de kidnappings avec demande de rançon ont été enregistrés du 1er janvier au 12 novembre 2001. Pendant la même période, l’an dernier, ils n’avaient été que 37. Les riches familles des commerçants et investisseurs chinois sont les premières cibles des demandeurs de rançon. Ces familles retirent leurs enfants de l’école pour les faire étudier à l’étranger. Quand la guerre contre le groupe Abu Sayyaf sera terminée, a encore indiqué la présidente Arroyo, elle ordonnera aux marines et aux forces spéciales de s’attaquer aux kidnappeurs de Manille. Contres les kidnappeurs, “les jugements seront rapides” et la peine capitale applicable. Le plan de la présidente comprend la création d’un fonds de 100 millions de pesos (1,9 millions de dollars US) pour rémunérer toute information permettant des arrestations. Déjà 5 millions de pesos ont été distribués à des indicateurs. Le gouvernement a aussi embauché 400 nouveaux policiers sur les 1 700 prévus. La présidente a encore indiqué avoir signé un accord d’extradition avec la Chine populaire permettant le jugement aux Philippines des kidnappeurs, des ressortissants chinois étant souvent impliqués dans ces affaires.

Miguel Varela, président de la Chambre de commerce, a déclaré à l’assemblée que, quand un Chinois installait sa famille dans un autre pays, il y investissait la moitié de son capital pour y démarrer une nouvelle activité. Le P. Luis Sierra, curé de la paroisse Notre-Dame-du-Rosaire, à Binondo, a expliqué que le kidnapping faisait perdre leur travail à beaucoup de gens parce que des entreprises étaient vendues pour payer les rançons. “Les gens ont peur de s’adresser à la police parce qu’elle est, elle-même, souvent compromise dans ces affaires de kidnapping et autres délits”, affirme-t-il encore. Les familles sont menacées de mort si elles s’adressent à la police et doivent payer une rançon de 400 000 dollars US sans, bien souvent, ne plus revoir le parent kidnappé. “Mes paroissiens n’ont pas tous confiance en la police”, déclare le P. Sierra qui ajoute qu’il est inutile d’armer les Chinois parce que les kidnappeurs sont équipés d’armes bien plus puissantes que celles dont son équipés les gens ordinaires. “Ce qui me semble réaliste pour l’instant”, a conclu le prêtre dominicain qui travaille à Binondo depuis 20 ans, c’est le plan de la présidente Arroyo prévoyant une formation de la police par des experts américains, hongkongais et anglais, spécialistes des questions liées aux enlèvements.