Eglises d'Asie

La présidence Arroyo ayant à peine un an, le cardinal Sin, archevêque de Manille, invite les Philippins, et pas seulement l’exécutif philippin, à l’introspection

Publié le 18/03/2010




Mercredi 9 janvier, le cardinal Sin, archevêque de Manille et figure emblématique de l’Eglise catholique aux Philippines, a publié un communiqué où l’on pouvait lire, entre autres choses, les phrases suivantes : “La situation actuelle où se trouve notre pays est loin d’être idéale. Beaucoup de choses devraient être améliorées. Le problème ne se trouve pas seulement dans notre leadership. Le problème se trouve aussi en nous-mêmes.” Dès ce communiqué rendu public, les analystes philippins de la scène politique se sont empressés de dire que le cardinal Sin adressait là une mise en garde voilée à la présidente du pays, Gloria Macapagal-Arroyo, qui fêtera le premier anniversaire de sa présidence le 20 janvier prochain. En effet, le 24 mai 2000, une déclaration du cardinal Sin à propos du “manque de leadership” du gouvernement Estrada (1) avait marqué le début de la fin pour Joseph Estrada, chassé du pouvoir en janvier 2001 par de très importantes manifestations de rue connues sous le nom de “People Power – EDSA II”. Pourtant, certains observateurs estiment que les propos du cardinal Sin ne visaient pas d’abord la présidente.

En effet, le cardinal Sin a ajouté dans son communiqué que, depuis un an, “le gouvernement n’avait pas véritablement eu la chance de travailler en paix pour le bien des gens”. “Nous avons vu les controverses se succéder les unes après les autres dans nos journaux , a-t-il précisé. Les gens sont fatigués. Les controverses sans fin du monde politique nous rendent de plus en plus persuadés que la vie politique, telle qu’elle est actuellement, est, de fait, sale.” Manille, ces temps-ci, a effectivement bruissé de rumeurs de coups d’Etat en préparation et de trafics de drogue dans lesquels des personnages hauts placés seraient impliqués. Mais, interrogé par des journalistes sur les raisons de sa prise de parole, le cardinal Sin a seulement répondu que les pauvres et les jeunes avaient été négligés dans le pays.

Selon certains spécialistes de l’Eglise aux Philippines, l’archevêque de Manille, le 9 janvier, n’a fait que reprendre les conclusions élaborées par l’épiscopat philippin dans son ensemble en 2001 à l’issue de la “Consultation pastorale nationale sur le renouveau de l’Eglise”. Cette consultation avait été organisée pour évaluer le chemin parcouru dix après le concile plénier de l’Eglise mené en 1991. Les délégués à cette consultation avait déploré que “les mêmes déséquilibres économiques, la même corruption de la vie politique, les mêmes défauts culturels” se retrouvaient d’une décennie à l’autre (2). Après le départ du pouvoir de Joseph Estrada en janvier 2001, la présidente Arroyo avait dû faire face, en mai de la même année, à d’importantes manifestations de rue, sur les lieux même qui avaient vu la déroute de son prédécesseur. En mai 2001 en effet, c’étaient des pauvres et des jeunes qui tenaient la rue, reprochant aux élites traditionnelles de la société – au nombre desquelles ils rangeaient l’Eglise catholique – d’avoir accaparé le pouvoir.

Interrogé sur le fait de savoir si les relations entre la présidente Arroyo et le cardinal Sin étaient devenues difficiles, Rigoberto Tiglao, porte-parole de la présidente, a répondu : “Pas du tout”, ajoutant à propos de Mgr Jaime Sin : “Il met toujours le doigt sur ce qu’il pense devoir être corrigé ou changé pour le bien du pays.”