Eglises d'Asie

L’avortement – pourtant interdit par la loi – étant fréquent, les autorités gouvernementales se soucient de proposer aux Philippins des méthodes naturelles de régulation des naissances

Publié le 18/03/2010




Aux Philippines, pays à forte majorité catholique, une femme sur quatre a recours à l’interruption volontaire de grossesse (1), principalement à l’issue de relations sexuelles imposées de force, vient de déclarer la Commission gouvernementale pour la population, le 13 janvier. “Dans les ménages philippins, relations sexuelles ou naissance d’un enfant dépendent encore des hommes, comme si l’ultime décision leur appartenait exclusivement”, écrit l’agence gouvernementale dans un rapport publié en décembre dernier. L’interdiction légale de l’avortement dans le pays complique encore la situation. Les femmes victimes d’une grossesse non désirée se voient contraintes de solliciter les services de cliniques où se pratiquent des avortements toujours illicites et souvent dangereux. “Parce qu’elles ne peuvent pas choisir elle-même de faire ou non un enfant, les femmes sont à la merci d’une condamnation, soit légale, soit religieuse (2). Incapacités physiques permanentes, stérilité en particulier, et même décès accidentels, après une interruption de grossesse, ne sont pas rares », écrit la Commission. Citant les résultats d’une enquête nationale conduite en l’an 2000, cette agence gouvernementale précise : “Une femme sur quatre est amenée à demander une interruption de grossesse et, suivant les années, entre 80 000 et 120 000 d’entre elles finissent à l’hôpital avec de graves complications ». La même Commission révèle que 36 nouveau-nés sur 1 000 meurent victimes des accidents de santé de leur mère. D’autre part, 172 Philippines sur 100 000 meurent de complications liées à la grossesse. Quoique interdits par l’Eglise, les moyens de contraception artificiels ont été utilisés par 47 % des femmes philippines en 2000 (contre 49 % en 1999). Bien que beaucoup de femmes veuillent attendre avant d’avoir un enfant, beaucoup sont “mariées à des hommes qui en veulent un tout de suite. Une situation qui prive les femmes de leur liberté de décider d’avoir un enfant ou d’avoir des rapports sexuels”. Le taux de naissance des Philippines est de 2,3 enfants par femme, un des plus élevés de cette zone géographique. “Des femmes illettrées ou presque, qui n’ont le contrôle ni de leur esprit ni de leur corps, se soumettent très souvent aux décisions de leur partenaire et à ses besoins sexuels, fut-ce contre leur gré”, souligne enfin la Commission.

Dans ce contexte, le ministère de la santé vient d’annoncer le lancement d’un plan destiné à promouvoir les méthodes naturelles de régulation des naissances. A cette fin, un “collier de planning familial” a été conçu (3). Il est sensé être adapté au niveau culturel de la population et centré sur les réalités du couple. Le secrétaire à la Santé, Manuel Dayrit, a déclaré au cours d’un forum qui se tenait à Manille le 15 novembre dernier, que la méthode d’utilisation de ce collier ferait intégralement partie des campagnes d’éducation prévues dans les collèges et les universités dès cette année 2002. Le collier qui doit aider les femmes à mieux repérer leur cycle sera disponible dans les hôpitaux et les cliniques et, en milieu rural, dans les dispensaires, a encore indiqué Manuel Dayrit au cours de ce forum où ont été exposés les résultats d’études pilotes menées en Bolivie, au Pérou et dans le nord des Philippines. Ce collier devrait, a-t-il dit, rendre la méthode naturelle de régulation des naissances, prônée par l’Eglise, plus efficace dans les régions où traditionnellement les femmes ont l’habitude de se parer de colliers de perles.

Erline Ventinilla a utilisé ce collier après un exposé entendu en 1999 dans sa communauté minière de Tuba, à Benguet, au nord des Philippines. Malgré les termes techniques utilisés par les spécialistes du planning familial, la méthode est “vraiment facile à comprendre”, a confié son mari, Federico, à ce même forum. Le couple souhaite avoir recours aux méthodes de régulation des naissances car le salaire de Federico, embauché dans un entrepôt minier, est parfois très insuffisant pour eux deux et leurs trois enfants. Federico a expliqué qu’il avait “essayé » l’abstinence, la méthode du retrait et les préservatifs mais évité les pratiques qui pouvaient “nuire à [la santé de] sa femme”. Erline, sa femme, fait partie des 300 femmes de deux villes de la région de Benguet où l’étude pilote a été conduite par l’Institut pour la santé des couples (IRH) du Centre médical universitaire de Georgetown, université dirigée par les jésuites, à Washington, aux Etats-Unis. Les résultats globaux présentés à ce forum montrent que l’abstinence observée à l’aide du collier est efficace à 95 %, comparé aux 94 % de taux d’efficacité obtenus à l’aide de contraceptifs chimiques ou mécaniques. Après un mois d’utilisation, 96 % des femmes, grâce au collier, savaient identifier sans erreur leurs jours de fécondité. Mitos Rivera, le représentant de l’IRH aux Philippines, a précisé que les femmes de Benguet préféraient combiner l’usage du collier et des préservatifs pour lesquels les hommes sont “généralement d’accord Il a signalé aussi que la méthode du collier avait “favorisé la communication entre les époux”.