Eglises d'Asie

Malgré un climat de peur, la mission de l’Eglise catholique continue dans la vallée d’Imphal au Manipur

Publié le 18/03/2010




La mission de l’Eglise catholique continue au Manipur malgré les menaces de mort qui pèsent sur de nombreux missionnaires en activité dans la vallée d’Imphal au nord-est de l’Etat. Depuis 1990, en effet, à la suite de leur refus d’obtempérer aux tentatives de racket des militants indépendantistes de la région, six missionnaires salésiens ont été assassinés et plusieurs autres blessés. Trois religieux ont été tués par balles, le 15 mai dernier, dans le noviciat de Ngarian Hills, près de Imphal, capitale de l’Etat (1). Malgré le climat de terreur qui s’est abattu depuis sur la région, les principaux responsables ont résolu de continuer le service social qu’ils rendent à la population grâce aux établissements scolaires tenus par eux. Dans un article écrit sur ce sujet, le P. Lazar Jeyaseelan, chancelier du diocèse d’Imphal, a une fois de plus exprimé cette résolution malgré une situation qui, semble-t-il, reste en grande partie inchangée. Le prêtre y confirme que les tentatives d’extorsion de fonds continuent à l’égard des trois écoles salésiennes et des six établissements éducatifs diocésains implantés dans la vallée. Malgré cela, il affirme que les missionnaires continueront leur mission jusqu’à leur dernier souffle. Tel sera le seul tribut que nous payerons aux guerriers, a-t-il conclu.

Plusieurs raisons motivent le refus des missionnaires d’abandonner cette vallée où plus de 17 groupes clandestins luttant pour l’auto-détermination d’ethnies minoritaires locales mettent leur vie en danger. Selon le P. Jeyaseelan, en dépit des opérations de la guérilla, l’Eglise ne peut abandonner la vallée car celle-ci est pour les missionnaires une base de départ leur permettant d’atteindre d’autres régions où sont concentrés des catholiques. Par ailleurs, a fait remarquer le chancelier du diocèse d’Imphal, même s’ils le voulaient, les missionnaires ne pourraient pas abandonner la vallée pour des raisons tenant aux guérilleros eux-mêmes. Ceux-ci en effet ont prévenu que, si par hasard un des établissements scolaires fermait ses portes, ils obligeraient tous les autres à mettre un terme à leur enseignement.

La vallée de Imphal où se trouvent les établissements scolaires catholiques menacés est entourée de montagnes de tous côtés, et, de par cette situation géographique, revêt un certaine importance. La région qui abrite les divers services du gouvernement local est traversée par plusieurs routes et liens de communication qui l’ouvrent sur la région montagneuse. 70 % des 2 300 000 habitants de la région sont des Meithei qui habitent la vallée. Bien que d’origine mongole et parlant une langue tibeto-birmane, les Meithei suivent aujourd’hui, dans leur grande majorité, la religion et les coutumes de l’hindouisme. Le reste de la population est composé d’ethnies habitant les montagnes. Les 70 000 fidèles catholiques du diocèse d’Imphal qui couvre la totalité de l’Etat de Manipur appartiennent pour la plupart aux ethnies montagnardes. Seuls 1 000 Meithei sont catholiques

D’une façon générale, ce sont les hindous qui détiennent le pouvoir administratif et économique dans la vallée. Ils ne sont guère favorables à l’œuvre éducative entreprise par les missionnaires catholiques, craignant que les membres des ethnies montagnardes, une fois éduqués, ne deviennent pour eux de sérieux concurrents. Quant aux militants des divers groupes séparatistes, ils reprochent aux missionnaires de ne pas soutenir les valeurs et la culture des ethnies montagnardes et de ne pas se soumettre à leur pouvoir. Une lettre envoyée à l’évêché d’Imphal par un militant indépendantiste parlait ainsi aux missionnaires : “Vous êtes venus ici pour gagner votre vie et, en conséquence, vous êtes nos sujets : vous devez nous obéir.”

L’Eglise, elle, s’est donné pour objectif le développement tout azimut de la population sans tenir compte des religions, des castes et des ethnies. Déjà une maison de réhabilitation pour les drogués et les alcooliques a été ouverte. Un établissement tenu par les missionnaires de la Charité poursuit une œuvre parallèle en direction des handicapés et des pauvres. Actuellement, le diocèse d’Imphal se dispose à lancer un certain nombre de projets, concernant l’amélioration du sort des femmes, le soutien des jeunes, l’irrigation des terres des paysans pauvres. Pour le moment, il n’est pas question pour elle d’abandonner son travail éducatif dans les écoles.