Eglises d'Asie

Moluques : sur le modèle des accords de paix signés entre chrétiens et musulmans à Célèbes, les autorités indonésiennes veulent amener les chrétiens et les musulmans des Moluques à la paix

Publié le 18/03/2010




Après une visite de deux jours aux Moluques, deux ministres importants du gouvernement de Megawati Sukarnoputri, accompagnés de hauts responsables des forces de sécurité, ont annoncé le 29 janvier que des pourparlers auront lieu les 6 et 7 février prochains à Malino, ville touristique située non loin de Makassar, sur l’île de Célèbes. Ces pourparlers réuniront deux délégations de 25 personnes chacune, l’une représentant les milieux chrétiens des Moluques et l’autre les milieux musulmans de cette même région. Après trois années de violences inter-communautaires, plusieurs milliers de morts et près de 500 000 personnes déplacées (1), il semble que ce soit là la première tentative véritable des autorités indonésiennes pour sinon réconcilier ces communautés du moins leur permettre de vivre côte à côte. Le gouvernement indonésien a déclaré vouloir s’inspirer du succès des négociations de paix entre chrétiens et musulmans de la région de Poso, à Célèbes. Peu avant Noël dernier en effet, sur l’île de Célèbes, voisine de l’archipel des Moluques, les deux parties en présence, en signant la “Déclaration de Malino se sont engagées à cesser les hostilités pour une période de trois ans et à œuvrer à la restauration de bonnes relations de voisinage et de respect mutuel (2).

Selon le Centre de crise du diocèse catholique d’Amboine, la visite, les 25 et 26 janvier derniers, de Susilo Bambang Yudhyono, ministre chargé des Affaires politiques et de sécurité, et de Yusuf Kalla, ministre des Affaires sociales et acteur important de la “Déclaration de Malino”, a laissé une bonne impression. Accompagnés d’un haut responsable de l’armée et du responsable national de la police, les deux hommes ont montré une volonté réelle de dialogue, rencontrant et écoutant tour à tour les complaintes et les demandes des deux communautés. Arrivés à l’aéroport de Pattimura, sur l’île d’Amboine, ils ont gagné la ville d’Amboine, chef-lieu de la province des Moluques, par la route, traversant des zones où chrétiens et musulmans ne vivent plus que séparés. Tout au long des quelque 40 km qui séparent l’aéroport de la ville, ils ont fait deux haltes : la première au village de Wayame et la seconde au camp de réfugiés de la base navale de Halong, deux lieux emblématiques parce qu’y vivent en bonne intelligence chrétiens et musulmans. Invitant les dirigeants politiques de la région à prendre exemple sur le chef du village de Wayame, Yusuf Kalla a déclaré espérer que les Moluques deviendront bientôt un “super-Wayame”.

A la date du 29 janvier et selon Thamrin Ely, leader musulman local, la délégation musulmane était déjà en route pour Malino et la délégation chrétienne devait prendre le chemin de Célèbes le 30 janvier. Selon ce responsable musulman, il est prévu que le Laskar Jihad, ce groupe extrémiste de combattants musulmans de la “guerre sainte” originaire de Java et auteur de nombreuses exactions depuis près de deux ans aux Moluques (3), fasse partie des pourparlers, mais, d’après ses déclarations, il n’était pas évident de savoir si le Laskar Jihad ferait l’objet de discussions ou s’il serait représenté physiquement lors des pourparlers. Selon le P. Böhm, du Centre de crise du diocèse d’Amboine, il est prévu qu’une délégation du MUI (Majelis Ulama Indonesia, Conseil indonésien des oulémas) et une autre du PGI (Persekutuan Gereja Kristen Indonesia, Assemblée des Eglises chrétiennes – protestantes – d’Indonésie) assistent aux pourparlers en tant qu’observateurs.

A ce stade du processus de paix et sans préjuger de son issue, la question se pose de savoir pourquoi les autorités indonésiennes ont décidé d’agir maintenant. Certes, depuis plusieurs mois, si la tension reste forte à Amboine, dans plusieurs régions de l’île de Seram (Céram), les communautés chrétienne et musulmane cohabitent de nouveau en paix. Mais le Laskar Jihad est toujours solidement implanté autour de la ville d’Amboine. Selon Mgr Mandagi, évêque du diocèse catholique d’Amboine, le processus initié par le gouvernement indonésien est très certainement lié aux pressions exercées sur l’Indonésie par la communauté internationale, par les Etats-Unis en particulier. Les voisins de l’Indonésie, la Malaisie, Singapour et les Philippines, se sont engagés à éliminer les réseaux terroristes éventuellement à l’œuvre sur leurs territoires respectifs. Seule, l’Indonésie, estime Mgr Mandagi, n’a pas encore semblé faire de grands efforts en ce sens.