Eglises d'Asie

Le gouvernement indonésien servant de médiateur, les représentants des communautés chrétiennes et musulmanes des Moluques ont signé un accord de paix

Publié le 18/03/2010




Après deux jours de rencontres et de pourparlers, les délégués représentant les communautés chrétiennes et musulmanes des Moluques ont signé un accord de paix dans l’après-midi du 12 février dernier (1). Par cet “Accord moluquois de Malino” (du nom de la petite ville de Célèbes où ont eu lieu les négociations), rédigé en onze points, les deux parties se sont engagées à mettre fin à toute violence et à interdire les actions des milices en présence ainsi qu’à désarmer ces dernières. Selon les premiers témoignages recueillis, le soulagement était le sentiment dominant, soulagement d’être parvenu à mettre un terme à un conflit qui dure depuis trois ans, a causé la mort de 6 000 personnes (13 000 selon certaines sources) et provoqué le déplacement de plus d’un demi-million de Moluquois.

Le rôle du gouvernement a été, semble-t-il, décisif. Outre les deux délégations, chrétienne et musulmane, forte chacune de 35 personnes, le gouvernement avait dépêché sur place dix médiateurs dont deux ministres importants, Susilo Bambang Yudhoyono, ministre chargé des Affaires politiques et de sécurité, et Yusuf Kalla, ministre des Affaires sociales, ce dernier ayant été très actif dans la conclusion d’un accord de paix entre chrétiens et musulmans de la région de Poso, à Célèbes, peu avant Noël dernier (1). Avant que les deux parties ne s’assoient à une même table pour parler, les deux ministres avaient reçu longuement et séparément chrétiens et musulmans afin d’aplanir d’éventuelles difficultés.

L’accord prévoit donc la fin des hostilités et l’arrêt de toute violence. Afin de garantir cela, il est dit que les Moluquois doivent renoncer à toute activité séparatiste et le RMS (Republik Maluku Selatan -République des Moluques méridionales) est nommément cité (3). Ce mouvement, non confessionnel mais de fait composé en très grande majorité de chrétiens, n’a jamais eu de poids politique réel ces dernières années mais a servi à fédérer certains des chrétiens qui se sont battus contre les musulmans. De même, il est précisé que “tous les types d’organisations, de dénominations, de groupes ou de laskar” n’ont pas le droit d’être en possession d’armes. Les armes doivent être rendues ou bien elles seront confisquées. Ce point de l’accord de paix semble viser plus particulièrement le Laskar Jihad, ces combattants musulmans de la guerre sainte originaires de Java et actifs depuis deux ans aux Moluques où ils sont venus avec pour objectif de chasser les chrétiens.

Selon les observateurs, la question de la présence des hommes du Laskar Jihad aux Moluques est centrale pour l’avenir de cet accord de paix. Un des points de l’accord spécifie que les Moluquois sont libres d’aller et de venir sur tout le territoire de l’Indonésie et, parallèlement, les “Indonésiens non moluquois”, allusion aux hommes du Laskar Jihad, sont libres d’aller et de venir aux Moluques. A l’attention de ces derniers, il est toutefois précisé qu’ils peuvent le faire à condition de “respecter la culture locale et d’obéir aux règlements locaux en matière de sécurité”. La présence du Laskar Jihad aux Moluques n’est donc pas remise en cause en tant que telle et le succès ou non de l’accord de paix dépendra de la volonté des autorités indonésiennes d’empêcher ce mouvement d’agir comme il l’entend. Dès le 13 février, un porte-parole du Laskar Jihad à Java déclarait que son organisation “n’avait rien à voir avec l’accord de Malino car [sa] mission aux Moluques était de nature humanitaire” et que “tout citoyen de ce pays avait le droit de demeurer là où bon lui semblait”.

Cependant, afin de consolider les chances de paix, l’accord prévoit qu’une commission nationale indépendante va être mise sur pied pour enquêter sur les événements du 19 janvier 1999, jour qui marque le début du conflit et où les heurts ont commencé à Amboine par une altercation entre un musulman non originaire des Moluques et un chrétien, chauffeur de bus. Il est également prévu que les réfugiés et les personnes déplacées puissent, s’ils le souhaitent, retourner chez eux. Le gouvernement s’engage à contribuer à la reconstruction de l’économie et des infrastructures publiques, l’université de Pattimura faisant l’objet d’une attention particulière

Parmi les 35 membres de la délégation chrétienne, se trouvaient sept catholiques dont Mgr Petrus Canisius Mandagi, évêque d’Amboine. Optimiste quant aux chances de succès de cet accord de paix – “car il n’y a pas d’autre alternative” -, Mgr Mandagi a estimé que “la situation aux Moluques redeviendra normale si les deux parties mettent de côté leur suspicion réciproque et acceptent l’accord”. Pour le P. Johanes Skia, curé de la cathédrale à Amboine, joint par téléphone le 12 février par l’agence Ucanews, les Moluquois attendent la paix depuis longtemps et espèrent que cet accord “sera véritablement appliqué sur le terrain”.