Eglises d'Asie

Les catholiques javanais doivent rester enracinés dans leur culture, recommande un prêtre catholique, spécialiste de littérature javanaise ancienne

Publié le 18/03/2010




Un prêtre de l’Eglise catholique, spécialiste de la culture javanaise, estime que, pour des catholiques, être enraci-nés dans leur culture et leurs traditions n’est pas contraire à leur foi chrétienne (1). Etre catholique ne signifie pas renoncer aux coutumes traditionnelles puisque l’Eglise encourage ses fidèles à s’enraciner dans leur propre cultu-re, a déclaré le prêtre jésuite Ignatius Kuntara Wirjamantara. Le P. Wirjamantara, d’origine javanaise, s’adressait à une trentaine de personnes réunies en séminaire, le 3 janvier dernier, à Bantul, pour leur dire qu’il était naturel pour des catholiques javanais d’être totalement impliqués dans leur culture et leurs coutumes traditionnelles. « Les catholiques peuvent assister et participer aux rituels javanais traditionnels et même en devenir des leaders, sans pour autant sacrifier leur identité de catholiques », a assuré ce professeur de littérature javanaise ancienne à son auditoire réuni au Centre culturel de Tembi. Répondant à la question de savoir pourquoi les catholiques devraient observer le rituel traditionnel javanais alors qu’ils possèdent déjà leur propre rituel catholique et croient en Jésus comme leur Sauveur, le prêtre a répondu : « En tant que Javanais, qu’ils soient croyants ou non, les catholiques comme ceux des autres religions ont à vivre au sein de leur propre culture et tradition ».

Il est courant pour un Javanais d’accomplir le « slametan » (mot javanais tiré du mot slamet’ qui signifie être en sécurité’). Il s’agit d’un rituel religieux qui exprime l’unité sociale et mystique de tous les participants, y compris les morts de la famille et de la lointaine parenté. Dans tous les rites traditionnels, qu’ils soient liés à la naissance, à la mort, au mariage, à la circoncision, à la moisson ou à l’inauguration d’une activité nouvelle, les Javanais croient que les vivants et les morts, ensemble autour de la même table, sont liés par l’obligation de s’entraider gratuitement en cas de difficulté, explique le P. Wirjamantara. Dans le slametan’, outre l’utilisation d’un javanais recherché et la préparation de mets spéciaux pour les morts, on communique avec les âmes des défunts par de l’encens et des prières de style musulman. D’après le prêtre, « croire aux esprits est une réalité incontournable. Les esprits sont des créatures de Dieu. En écologie javanaise, le monde est un composé de visible et d’invisible ».

Pour les Javanais, les dieux et les esprits font partie de la dimension invisible et sont partie prenante d’une vie harmonieuse. Le prêtre admet que, pour beaucoup, il s’agit d’un problème de langage. Cependant, dans les rituels, précise-t-il, « il est possible pour des catholiques d’utiliser le langage javanais traditionnel influencé jadis pas l’arabe ». Pour les Javanais, le langage n’est pas seulement un moyen de communication mais aussi comme une « incantation » qui émet des « vibrations » capables d’influencer la vie des gens, sur terre comme dans l’univers. Et le prêtre d’ajouter que si des catholiques Javanais croient que l’usage d’un certain langage peut contribuer au bien commun, il n’y voyait aucun mal. Coopérer avec les esprits, dit-il, « n’est pas toujours contraire à la foi chrétienne. Dans beaucoup de prières catholiques, on invoque l’intercession des saints ».

Cependant, le P. Wirjamantara admet que ces pratiques peuvent conduire à du « syncrétisme » quand les gens mélangent différentes pratiques et croyances souvent antinomiques, tout au moins d’un point de vue culturel. Sachant que l’Eglise encourage l’inculturation, il sera difficile aux gens d’éviter un certain syncrétisme culturel. Pour nous catholiques, affirme encore le prêtre, ce qui est important c’est que « nous croyions que Jésus-Christ est le centre et la force motrice de l’univers ».