Eglises d'Asie

PLAINTE DU MONASTERE BENEDICTIN DE THIEN AN AUX AUTORITES DE L’ETAT VIETNAMIEN

Publié le 18/03/2010




Monastère de Thiên An République socialiste du Vietnam

Thuy Bang, Huong Thuy, Indépendance – Liberté – Bonheur

Thua Thiên Huê

Réf. 012/DKN-VPTA Thiên An, le 26 janvier 2002

PLAINTE URGENTE

Envoyée à :

M. Nguyên Công Tan, Vice-Premier ministre

M. Lê Dinh Dâu, Vice-Inspecteur général d’Etat

M. Nguyên Công Su, Vice-Directeur du Bureau du Gouvernement

Je soussigné Huynh Quang San, supérieur et représentant de la communauté des religieux du monastère de Thiên An, commune de Thuy Bang, district de Huong Thuy, province de Thua Thiên-Huê, me permets de vous envoyer cette lettre pour protester, en toute urgence, contre M. Dang Xuân Thao, inspecteur d’Etat, qui, avec le Comité populaire provincial de Thua Thiên-Huê a promulgué deux textes officiels, la circulaire 6037/VPCP-VII du Bureau du Gouvernement, datée du 11 décembre 2001 et la lettre n° 09/TTNN-XKT de l’inspection d’Etat, datée du 7 janvier 2002, concernant la solution à apporter à la plainte du monastère de Thiên An. La lecture de cette dernière lettre envoyée à notre monastère nous a convaincu qu’il sera impossible de mettre en œuvre l’orientation donnée par le Vice-Premier ministre Nguyên Công Tân dans la directive 6038/VPCV-VII : “Garantir les intérêts tirés de ses activités par le monastère de Thiên An, établir la concorde entre le monastère, les services gouvernementaux locaux et la population de la région, éviter de provoquer des réclamations compliquées”.

I. Au sujet de la lettre 6037/VPCP-VII

Messieurs,

Bien que nous n’ayons pas eu connaissance de la nature du contenu du rapport n° 833/TTNN-XKT de l’Inspection d’Etat, daté du 12 octobre 2001 et envoyé au gouvernement, cependant grâce à la circulaire 6037/VPCP-VII du Bureau du Gouvernement, nous savons que la première chose mise en cause par ce document, c’est le fait que “nous exigerions le droit d’utiliser le terrain que l’Etat a géré et utilisé… Ce rapport de la délégation d’inspection d’Etat manque de probité. Dans son enquête, la délégation, avant même d’avoir une vue d’ensemble de l’affaire, a hâtivement conclu, rapportant d’une manière erronée nos déclarations lors de la séance de travail entre la délégation et le monastère. Leur contenu était essentiellement le suivant :

– Le monastère de Thiên An accepte la décision de réquisition de terrains par le gouvernement et demande en être indemnisé d’une manière satisfaisante.

– Appartenant à un ordre contemplatif présent sur les lieux depuis 1940 et parce que le lac de Thuy Tiên est la source d’eau unique du monastère, nous proposons que le parc de loisirs soit établi ailleurs, loin de l’aire des 107 hectares du monastère, afin d’assurer la sérénité de la vie monastique et d’empêcher que la source d’eau nécessaire aux activités du monastère ne soit polluée.

Nous n’avons jamais “exigé le droit d’utiliser les terrains gérés et utilisés par l’Etat” pour la bonne raison que ces 107 hectares de terrains nous appartiennent. En étant les propriétaires permanents, nous n’avons pas de raison d’exiger quoi que ce soit ! Depuis notre fondation en 1940 jusqu’à ce jour, à savoir pendant 62 ans, il n’y a jamais eu aucun comité pour soumettre ces 107 hectares au “reclassement” (NdT : à la confiscation) (1). Le Monastère ne les a ni vendus, ni donnés, ni cédés à quiconque, pas davantage à un individu qu’à une collectivité. Ainsi, l’organisme ou l’individu qui utiliserait nos terres sans notre accord, les aurait accaparées et serait passible de sanctions en fonction de la loi.

II. Au sujet de la lettre n° 09/TTNN-XKT

Messieurs,

Le 21 janvier 2002, le Comité populaire de la province de Thua Thiên-Huê a invité notre frère Nguyên Phuoc Buu Dao à venir écouter l’énoncé de la conclusion donnée à la réclamation du Monastère de Thiên An. Selon M. Dang Xuân Thao, l’inspection d’Etat aurait envoyé par la poste la dite lettre (n° 09/TTNN-XKT) le jour même où elle a été signée, le 7 janvier 2002. Au cours de la réunion où étaient représentés les divers services de la province, comme nous répondions que nous ne l’avions pas encore reçue, M. Thao nous en a directement communiqué un exemplaire qu’il tenait entre ses mains. C’était une lettre “notifiant l’avis du Vice-Premier ministre, Nguyên Công Tan, représentant le Premier ministre dont l’objet était “la solution à apporter à la réclamation du monastère de Thiên An, de la province de Thua Thiên-Huê Quant à l’exemplaire de la lettre envoyée par la poste, nous ne l’avons reçu qu’à 14 heures le 24 janvier 2002, avec un tampon de la poste du 21. Ainsi, l’inspection d’Etat l’a envoyée le 21 janvier et non pas le 7 janvier comme M. Thao l’avait affirmé.

Messieurs, la mise en scène préparée pour la réunion avec le Comité populaire provincial et l’Inspection d’Etat du 21 janvier 2002, ajoutée au manque de probité de M. Dang Xuân Thao, chef du service chargé d’examiner les plaintes, nous a très fortement troublés. Ce jour-là, après avoir entendu la lecture de la lettre, le frère Nguyên Phuoc Dao a émis cette opinion : “Etant donné que la lettre 09/TTNN-XKT de l’inspection d’Etat comporte de nombreux points dépourvus d’exactitude, que son contenu comme sa conclusion sont hâtifs et de caractère coercitif, le monastère rédigera une réponse.”

Voici les divers éléments de notre réponse :

II. 1. Au sujet des divers décrets prévoyant le reclassement des propriétés

Dans sa lettre n° 09/TTNN-XKT, l’inspection d’Etat se réfère à l’arrêté n° 01/ND-75, à la décision n° 31/QD-76 et à la décision 188/CP-76 pour affirmer que la surface de 107 hectares du monastère de Thiên An a été soumis au reclassement (2). Voilà une accusation mensongère, une calomnie, une déformation de la religion car ces trois documents ont en réalité pour cible les catégories suivantes :

– Les associations gouvernementales fantoches de l’impérialisme américain.

– Les capitalistes compradores et les bureaucrates militaro-fascistes

– Les propriétaires féodaux ultra-réactionnaires

– Les diverses catégories d’exploiteurs néocolonialistes.

Il est donc bien clair que l’Inspection d’Etat et le Comité populaire de la province de Thua Tinh-Huê nous ont assimilés aux catégories réactionnaires énumérées ci-dessus. Ce faisant, elles ont fait preuve de discrimination religieuse et tenté de provoqué la division entre les religions et le pouvoir, en vue d’accaparer nos terres. Une telle attitude est en contradiction avec la Constitution et la loi de la République socialiste du Vietnam. Nous demandons au gouvernement de la condamner.

Quant à la décision 188/CP-76, un seul de ses articles, l’article 4 parle des terrains des religions en soulignant ; “l’Eglise est autorisée à offrir ses terrains à l’Etat”. Mais le monastère de Thiên An n’a jamais offert de terre à un quelconque organisme ni à quiconque, en dehors de 1 hectare 55 offert à l’Ecole militaire provinciale (Un document le certifie). Notre terrain est la propriété commune de la collectivité des religieux, la propriété de l’Eglise et n’a jamais été réquisitionné. Si donc cette surface de 107 hectares qui est la nôtre n’a jamais été offerte, vendue ou “soumise au reclassement”, le fait que la Province remette la terre et le lac qui s’y trouve à une entreprise d’Etat pour qu’elle les gère et les utilise est une infraction à la loi.

II. 2. Le lac de Thuy Thiên

Le document 09/TTNN-XKT comporte la phrase suivante : “En 1975, le lac de Thuy Tiên, placé sous la gestion de l’Etat, a été confié à l’entreprise de pisciculture de Huê pour être exploité par elle.”

Comme nous l’avons déjà exposé dans des textes précédents, la partie du lac de Thuy Tiên qui a été confiée par l’Etat à l’entreprise de pisciculture de Huê est la portion du lac immédiatement extérieure au domaine de 107 hectares qui est le nôtre. En 1977, le Comité populaire de la commune de Thuy Bang et l’entreprise de pisciculture de Huê nous demandèrent de les autoriser à élever la digue de trois mètres afin d’augmenter le volume d’eau. Les deux instances nous firent cette demande parce qu’après l’élévation de la digue, l’eau du lac serait amenée à recouvrir les terrains exploités par nous ainsi que les lieux d’élevage appartenant aux 107 hectares nous appartenant. Ainsi, après l’élévation de la digue, les 2/3 du lac de Thuy Tiên se trouvaient dépendre de notre gestion et étaient exploités par nous. Un tiers seulement dépendait de la gestion de l’entreprise de pisciculture de Huê et était exploité par elle. Nous affirmons cela car nous n’avons jamais cédé notre droit de propriété sur la terre recouverte par les eaux à la suite de l’élévation de la digue. Dans ces conditions, comment, l’inspection d’Etat peut-elle conclure : “Le fait que le monastère de Thiên An considère le lac de Thuy Tiên comme un domaine géré et utilisé par lui n’a pas de fondement légal.” Comment peut-elle affirmer : “Le monastère a été indemnisé pour les propriétés, la végétation recouvertes par les eaux.”

La vérité est que, comme nous l’avons exposé lors de l’entretien avec la délégation de l’inspection d’Etat, on s’est contenté de prévoir l’indemnisation sur le papier. Dans les faits, il n’y en a eu aucune : “Il n’y a pas eu de puits, pas d’indemnisation, pas de terre en compensation, et nous avons payé l’impôt comme d’habitude”. Ce n’est que tout récemment que l’inspection d’Etat a prié la Province d’indemniser le monastère pour les dommages subis du fait de l’immersion des champs et de la végétation. Tout le monde a pu s’apercevoir que dans le document 09/TTNN-XKT, au début, l’inspection d’Etat affirme que les biens et la végétation inondés ont été indemnisés, mais que, plus loin, elle demande au Comité populaire de la province d’enquêter afin d’indemniser les biens et la végétation inondés. Ce qui prouve que les conclusions de l’inspection d’Etat ont de nombreux points filandreux, contradictoires et peu clairs.

II. 3. L’école de la Sainte Mère

Comme nous l’avons exposé à l’inspection d’Etat et certifié par une photocopie, le directeur du service agricole de Huê nous a adressé une demande visant à emprunter l’école de la Sainte Mère. Malgré notre refus, il a passé outre et utilisé les lieux à partir de 1976. Comment se fait-il que dans sa conclusion, le texte 09/TTNN-XKT de l’Inspection d’Etat affirme : “Pour ce qui concerne l’école Sainte Mère, l’affirmation du monastère prétendant qu’elle a été accaparée par le service agricole ne correspond pas à la vérité” !

II. 4. Les formalités d’un projet

Au paragraphe 1, on peut lire : “Pour ce qui concerne le projet d’investissement en vue de la location de terre… le comité populaire de la province de Thua Thiên Huê, l’agence de tourisme de Huê ont rempli toutes les formalités en conformité avec les dispositions de la loi de l’Etat”, tandis qu’au paragraphe 2, il est dit : “Il est nécessaire d’affirmer : les terres réquisitionnées sont gérées et utilisées par des personnes morales comme le monastère de Huê…”

Si l’on se conforme aux dispositions de la loi, comment cela se fait-il que dans les formalités citées plus haut, il n’est pas question de la personne morale qu’est le monastère de Thiên An : oubli qui a obligé le dit monastère à rédiger des réclamations depuis quatre ans et à obliger les entreprises travaillant sur son domaine d’arrêter leurs travaux sans conditions. Après avoir passé sous silence le monastère, on ose cependant reconnaître que la personne morale du monastère de Thiên An a un certain rapport avec le domaine réquisitionné… Est-il possible que des conclusions de l’Inspection d’Etat renferment autant de contradictions ?

II. 5. Les documents du monastère

Le texte 09/TTNN-XKT continue ainsi : “Le monastère a fourni un certain nombre de documents photocopiés non certifiés ainsi que quelques documents en rapport avec l’époque 1975, 1977, le procès-verbal de la cession par le monastère d’un hectare de terrain au Front de libération de Thua Thiên-Huê, la cession de 5,5 ares de terre de jardin à la Sécurité armée”.

Nous voudrions vous exposer les choses avec clarté. L’affirmation du Comité populaire provincial selon laquelle l’école militaire provinciale était un poste militaire de l’ancien régime pris en charge par des gardes-frontières en 1975 n’est pas conforme à la vérité. En réalité, lors de la réunion du 24 juillet 2001 avec la délégation de l’Inspection d’Etat et le représentant du Comité populaire provincial, nous avons fourni un document prouvant que le terrain où se trouve l’école militaire lui a été cédé par nous.

Nous pensions jusqu’ici que seul le Comité populaire de la province de Thua Thiên-Huê faisait preuve d’un manque de probité dans ses rapports au gouvernement. Nous ne soupçonnions pas que c’était aussi le cas de l’Inspection d’Etat. Elle affirme en effet : “Le monastère a fourni un certain nombre de documents photocopiés non certifiés”.

Alors, comment se fait-il que l’Inspection d’Etat ait établi un procès-verbal en deux exemplaires dont un est en notre possession, dans lequel ses auteurs, Mme Pham Thi Huong, vice présidente de la délégation et M. Nguyên Duc Thinh, spécialiste des affaires du catholicisme, certifient avoir reçu, le 30 juillet, un certain nombre de documents fournis par le monastère, dont huit sont certifiés…

(suit la liste de ces documents)

Messieurs, cette façon de déformer les documents et les informations fournies par le monastère n’est-elle pas la preuve du manque de probité de la délégation d’inspection d’Etat, qui ne pouvait que donner au gouvernement une vision erronée de l’affaire de Thiên An. Manquant ainsi de probité, comment aurait-elle pu jouer le rôle d’arbitre à l’égard du monastère ?

II. 6. Le point de vue pratique

La lettre de l’inspection d’Etat écrit : “Grâce à la séance de travail avec les représentants du monastère de Thiên An, l’inspection d’Etat s’est livré à un examen rigoureux des aspects législatifs et pratiques de l’affaire.”

Du point de vue législatif, le manque de probité était flagrant. Il est encore plus évident sur le plan de la pratique. La preuve en est que le 25 juillet 2001, le monastère en désaccord avec les études sur le terrain de la délégation a résolu de ne pas signer le procès verbal en contradiction avec la réalité, comme voulait nous y contraindre la délégation.

III. Propositions

1 – Conformément à la directive n° 47/CT-TW du Bureau politique, daté du 31 août 1988, nous proposons d’élucider et de juger immédiatement le procédé consistant “à utiliser “le reclassement des terres” (3) pour accaparer illégalement des terres”, procédé utilisé par les diverses parties engagées dans le projet du Centre de loisir de Thuy Tiên.

2 – Que soient déplacés loin de la propriété de 107 hectares de notre monastère le centre de loisirs ainsi que tous les organismes et les individus cherchant à accaparer illégalement du terrain sur cette propriété.

3 – Si ces messieurs de l’inspection d’Etat sont dépourvus de probité et d’impartialité, nous estimons qu’il n’est plus nécessaire que les autorités viennent négocier avec nous de nouveau. Nous n’en voulons plus. Cela trouble notre vie religieuse et nous fait perdre toute confiance dans le gouvernement.

4 – Depuis la fondation de notre monastère en 1940, nous n’avons jamais bénéficié de la paix, ce qui est l’idéal inscrit dans la nom de notre monastère, Thiên An, qui veut dire la paix céleste, surtout avec l’affaire actuelle. C’est pourquoi, nous pensons qu’est venu le moment où, appuyé sur la loi de la République socialiste du Vietnam, il nous faut nous lever pour défendre jusqu’au bout les terrains, les biens et l’environnement religieux de l’Eglise catholique contenus dans notre monastère.

Par cette plainte urgente, nous voulons affirmer ceci : si la délégation de l’Inspection d’Etat et le Comité populaire de la province de Thua Thiên-Huê ne donne pas une solution cohérente et claire à cette affaire, objet de notre réclamation, et continue avec arrogance de construire le centre de loisirs sur notre terrain, alors, résolument, nous défendrons nos biens, en conformité avec la loi de la République socialiste du Vietnam.

Nous vous souhaitons paix et bonne santé pour la nouvelle année et vous prions d’agréer nos salutations respectueuses.

Le monastère de Thiên An

Le Père Abbé Huynh Quang San

(1)Reclasser des terres, c’est leur donner un nouveau statut en les confisquant au profit de l’Etat.

(2)Voir note ci-dessus

(3)Voir note précédente