Eglises d'Asie

Trois mois après la proclamation de l’état d’urgence par les autorités pour lutter contre la rébellion maoïste, la communauté catholique tente de s’adapter

Publié le 18/03/2010




Au Népal, où les autorités ont proclamé l’état d’urgence le 26 novembre dernier afin de lutter contre les actions de la rébellion maoïste (1), la tension reste vive et les catholiques, à l’image des autres habitants du royaume, tentent de s’adapter à cette nouvelle situation. Un laïc témoigne ainsi de la nécessité qu’il ressent “à tenir les enfants éloignés du poste de télévision à l’heure des informations” tant les images diffusées, montrant les corps des rebelles abattus par les forces de sécurité, sont dures. Les gens ont peur et propagent des récits où l’on entend que l’armée a tué des personnes parties dans la campagne à la recherche de bois de chauffage ou de plantes comestibles.

Un jeune responsable catholique de la minorité Tamang, représentant 200 catholiques vivant pauvrement dans le sud de Katmandou, a confié : “D’autres catholiques peuvent ne pas être affectés par l’état d’urgence. Mais nous, nous sommes sous tension » (2). Sous couvert de l’anonymat, il a déclaré à des journalistes amis, le 1er février dernier : “Les maoïstes nous harcèlent dans les villages et ici, à Katmandou, nous sommes facilement considérés comme suspects par la police. C’est difficile de survivre très longtemps dans la capitale”.

Sœur Rosita Kavilpuriayidom, de la Congrégation indienne des Sœurs de Nazareth, anime une session de formation pour une quarantaine de femmes dans le district de Surkhet, situé dans l’ouest du pays. Le 29 janvier, elle est retourné à Katmandou pour un court séjour. Au cours du voyage, d’une durée de 14 heures, le bus qu’elle a emprunté a été arrêté 12 fois par l’armée pour être contrôlé. Elle a raconté à des journalistes : “L’autocar, à chaque fois, était évacué. Les passagers devaient descendre avec leurs bagages et marcher sur une certaine distance. L’armée contrôlait votre sac à main et vérifiait s’il ne contenait pas des billets de banque volés par les maoïstes [lors d’une des nombreuse attaques de banque qu’ils ont menées ces derniers mois] ». Elle a raconté aussi que, lorsque les Sœurs avaient demandé à des femmes du district de les aider à mettre du miel en pot, il avait été difficile d’en trouver ne serait-ce que quelques-unes : «Il nous a fallu une autorisation spéciale du bureau du district et nous avons même failli ne pas l’obtenir”. La religieuse a poursuivi en disant que “certes, l’ouest du Népal est sous tension, mais, en ce qui nous concerne, nous continuons notre travail”.

Mgr Anthony Sharma, préfet apostolique du Népal, a annoncé de son côté que quelques religieuses japonaises de l’école Notre Dame qui avaient été obligées de quitter le Népal en mai dernier sous les menaces des maoïstes devraient prochainement revenir avec l’espoir de pouvoir rouvrir leur école de Bandipur (3). Des deux écoles fermées sous la pression des maoïstes ces deux dernières années, l’école pour filles Ste Marie de Gorkha, confiée aux Sœurs de Mary Ward, pourra ouvrir en avril prochain. Quant à l’école St Joseph de Gorkha pour les garçons, elle restera définitivement fermée. Le P. Joseph Thaler, qui n’hésitait pas à parcourir 140 km en moto pour célébrer la messe chez les Sœurs de Gorkha, a confié que les Sœurs de Mary Ward étaient “très appréciées par les gens” parce qu’elles étaient restées sur place, malgré les menaces des maoïstes et la fermeture de leur école. “Leur maison est vraiment un havre de prière et de paix au milieu d’un monde de violence. Dans ce district où l’armée est omniprésente, les Sœurs ont été isolées pendant presque une année”, a confié le prêtre qui a dû renoncer à célébrer l’Eucharistie chez les Sœurs depuis la proclamation de l’état d’urgence.

Pour nombre d’institutions catholiques, toutefois, l’état d’urgence a été comme un soulagement. Examens, programmes et autres activités scolaires ont pu être réalisés comme prévu sans être perturbés par les rebelles. Les groupes maoïstes avaient en effet fait pression ces dernières années pour que les écoles privées leur fassent des “dons” et qu’elles ouvrent gratuitement leurs portes à tous les élèves. Bien souvent, les établissements qui refusaient de céder aux pressions étaient contraints de fermer.

Au sujet de la prorogation de l’état d’urgence, Rabindra Khanal, professeur de sciences politiques à l’université Tribhuwan à Katmandou, a indiqué que cela ne devrait pas poser de difficulté au gouvernement en place. Décrété pour une durée initiale de trois mois, l’état d’urgence ne peut être en effet prorogé que par un vote du parlement avec une majorité des deux tiers au minimum. Or, étant donné que “les rebelles maoïstes ont aussi pris pour cibles les partis de l’opposition parlementaire et que quelques-uns de leurs membres ont été tués, l’opposition ne devrait pas faire de difficulté pour voter le renouvellement pour six mois de l’état d’urgence”. L’état d’urgence, décrété le 26 novembre 2001, arrive à expiration le 26 février prochain. Depuis 1996, la campagne des maoïstes visant à faire du royaume hindou un Etat communiste a coûté la vie à plus de 2 000 personnes. Selon des organisations de défense des droits de l’homme, près d’un millier de personnes ont trouvé la mort depuis le 26 novembre 2001.