Eglises d'Asie

Un religieux bouddhiste reproche au Parti communiste vietnamien de n’avoir pas su préserver l’intégrité territoriale du pays

Publié le 18/03/2010




Dans le message de vœux qu’il a adressé aux bouddhistes vietnamiens à l’occasion de la nouvelle année Nhâm Ngo 2002, le patriarche du bouddhisme unifié, le vénérable Thich Huyên Quang, toujours retenu en exil dans une province du centre du pays, a reproché au pouvoir actuel de n’avoir pas su préserver l’intégrité du territoire du pays. Cette question est en effet d’actualité et trouble passablement l’opinion publique vietnamienne aussi bien à l’intérieur du pays que dans la diaspora où elle fait l’objet de nombreux débats et polémiques depuis que, par la presse officielle, on a appris l’existence de traités consacrant un nouveau tracé des frontières terrestres et maritimes entre la Chine et le Vietnam. Dans son message, le religieux a abordé le problème indirectement mais sans aucune ambiguïté au détour d’une exhortation morale. Après avoir invité les fidèles bouddhistes à préserver l’intégrité spirituelle de l’homme, le patriarche s’est exprimé ainsi : “L’intégrité spirituelle de l’homme n’est pas différente de l’intégrité territoriale d’une nation. Le territoire de ce pays que nos ancêtres ont édifié et préservé par le sacrifice de leur vie, si nous le vendons à une puissance étrangère, que nous restera-t-il de notre patrie, que deviendra notre peuple ?” Le patriarche s’est ainsi fait l’écho de l’émotion qui touche de nombreux secteurs de la société vietnamienne.

C’est à la fin de l’année 2001 que l’on a eu confirmation de ce qui, jusque là, n’était encore que l’objet de rumeurs, à savoir l’accord conclu entre deux des derniers pays communistes d’Asie, la Chine et le Vietnam, pour modifier le tracé de leur frontière commune, une modification effectuée semble-t-il au détriment du Vietnam. Le 27 décembre, en présence des officiels chinois et vietnamiens, la première nouvelle borne frontière a été plantée officiellement au poste frontière de Mong Cai, dans la province de Quang Ninh (1). Elle devait être la première de 1 500 nouvelles bornes à placer dans les trois ans à venir, qui dessineront la nouvelle configuration territoriale du Vietnam sur sa façade Nord. Comment le Vietnam a-t-il pu perdre une partie aussi importante de son territoire au profit de la Chine ? Personne, pour le moment, n’est en mesure de le dire. Deux traités ont bien été signés entre le Vietnam et la Chine, l’un, le 30 décembre 1999, concernant la frontière terrestre, l’autre le 25 décembre 1999, délimitant la frontière maritime entre les deux pays. La presse officielle, qu’elle soit chinoise, vietnamienne ou internationale, a bien signalé en son temps la signature de ces deux traités, mais jusqu’à présent, elle n’a jamais révélé leur contenu précis. Au moment de la signature, selon les commentateurs, seuls quelques personnages du Bureau politique auraient été au courant du détail des clauses du traité.

En raison de cette discrétion officielle, les observateurs sont obligés de se livrer à des conjonctures ou à des observations des bornes-frontières… Ils ne sont pas sans être arrivés à quelques résultats. D’ores et déjà, on sait que des lieux aussi célèbres que Ai Nam Quan dans la province de Lang Son ou encore la cascade dite de Tu Tong à Ban Gioc dans la province de Cao Bang se trouvent désormais en Chine. Lors des négociations qui ont précédé la conclusion du traité, 70 sites frontaliers étaient objets de litiges entre les deux parties sur le territoire de six provinces vietnamiennes. Selon des sources proches du Parti communiste, 36 d’entre eux seraient revenus à la Chine, la plupart étant des lieux élevés, de d’intérêt stratégique certain.

Selon des sources proches du Parti communiste (2), le golfe de Tonkin aurait été divisé selon un pourcentage fixé, à savoir 53 % pour le Vietnam et 47 % pour la Chine. Or, la proportion fixée en 1885, lors des accords dits Patenôtre entre la Chine et la France, était de 62 % pour la France et 38 % pour la Chine. S’il en est ainsi, le Vietnam a perdu près de 10 % de son territoire maritime dans le golfe du Tonkin.

On ignore les raisons qui ont poussé les négociateurs vietnamiens à conclure un traité aussi désavantageux. Selon des informations recueillies auprès des Affaires étrangères vietnamiens et de la Commission des frontières du gouvernement (3), c’est aux alentours de 1999 que les négociations sino-vietnamiennes sur les frontières qui avaient commencé en 1993, peu après la réconciliation des deux pays, ont changé de tournure. A cette date, le secrétaire général chinois a rencontré son homologue vietnamien, Lê Kha Phiêu, pour l’informer que les négociations avaient trop duré et qu’il convenait d’y mettre un terme. Les négociations sur les frontières terrestres devaient être signées avant la fin de 1999, tandis que celles concernant les frontières maritimes devaient être conclues avant la fin de l’année 2000. La partie vietnamienne aurait cédé à ces injonctions ce qui explique la date des deux traités, décembre 1999, et décembre 2000.