Eglises d'Asie

Aceh : la tentative d’implantation du Laskar Jihad dans la province ne semble pas rencontrer l’assentiment du GAM, mouvement séparatiste musulman

Publié le 18/03/2010




Le lundi 18 février dernier, le Laskar Jihad, groupe extrémiste de combattants musulmans originaire de Java, connu pour ses agissements contre les chrétiens aux Moluques et à Célèbes, avait annoncé une manifestation de masse à Banda Aceh, chef lieu de la province d’Aceh, au nord-ouest de Sumatra, où les forces armées gouvernementales livrent une guerre sans merci au GAM (Mouvement pour Aceh libre), actif depuis 25 ans dans cette province. A la grande mosquée de Baiturrahman, à Banda Aceh, le chef du Laskar Jihad, Jaffar Umar Thalib, n’a finalement pris la parole que devant un maigre auditoire d’une centaine de personnes, composé pour moitié de membres du Laskar Jihad, venus l’écouter parler sur le thème “Pourquoi les musulmans doivent se méfier des chrétiens et des juifs”. Les responsables de la mosquée, opposés à la venue de Jaffar Umar Thalib, n’étaient pas présents à ce moment-là et les hommes du Laskar Jihad avaient dû apporter leur propre matériel de sonorisation.

Avant même ce jour du 18 février, le GAM avait fait savoir par un communiqué que le Laskar Jihad n’était pas bienvenu à Aceh, l’action menée par le groupe séparatiste contre les autorités de Djakarta n’étant pas de nature religieuse mais politique. “Le GAM refuse la présence du Laskar Jihad à Aceh car celle-ci pourrait créer des problèmes religieux, raciaux et ethniques”, a déclaré Ayah Sofyan, porte-parole des rebelles acehnais, qui a ajouté que, selon les renseignements du GAM, “la présence du Laskar Jihad à Aceh est appuyée par les forces armées indonésiennes”. D’autres organisations acehnaises ont aussi exprimé leur refus de voir débarquer les hommes du Laskar Jihad. Un groupe de docteurs musulmans de la loi, Rabithah Thaliban Aceh, le Centre d’information pour un référendum à Aceh et le Conseil des étudiants de l’Institut islamique Ar Raniry se sont prononcés dans le même sens.

Pour le chef du Laskar Jihad, la faible audience rencontrée à la mosquée de Baiturrahman et dans quelques autres lieux de culte musulman ne remet pas en cause l’installation de son mouvement à Aceh. “S’ils (le GAM) ne veulent pas que nous nous manifestions, c’est leur droit. Nous irons donner des prêches ailleurs, dans des lieux qui ne sont pas contrôlés par le GAM, a-t-il déclaré. Notre présence ou non à Aceh est une question qui ne se pose pas étant donné que nous y avons déjà mis sur pied un chapitre provincial. Nous sommes ici pour mener des activités sociales et pour promouvoir l’islam, ainsi que nous le faisons ailleurs.”

Pour les observateurs, s’il est difficile de dire si l’armée indonésienne est véritablement derrière l’arrivée du Laskar Jihad à Aceh, il paraît évident qu’elle ne s’oppose pas à sa tentative d’implantation dans cette province. La présidente Megawati Sukarnoputri semble avoir donné carte blanche aux militaires pour agir à Aceh contre le GAM (1). La ville de Banda Aceh est contrôlée par les milices javanaises (pagar betis), réactivées par l’armée indonésienne et rien ne se fait au grand jour sans l’accord de cette dernière. Récemment, le GAM a subi un revers sérieux, une unité de l’armée ayant réussi à mettre la main sur son chef, Abdullah Syaffie. Son corps ainsi que celui de sa femme ont été retrouvés atrocement mutilés.