Eglises d'Asie

Florès : le chamanisme est étroitement lié aux conflits fonciers qui agitent l’île la plus catholique d’Indonésie

Publié le 18/03/2010




Le chamanisme est étroitement associé aux violents conflits fonciers qui agitent Flores, île à majorité catholique située dans l’est de l’archipel indonésien. C’est ce qui résulte d’une étude très poussée conduite par deux prêtres diocésains de l’île. “Les chamans sont systématiquement liés aux conflits qui agitent les villages concernant la terre. Les gens croient en effet que les chamans possèdent des pouvoirs magiques pour protéger les combattants rapportent les PP. Hubert Muda et Adam Satu. Les deux prêtres expliquent qu’un chaman utilisera des formules magiques et même la récitation du rosaire à l’occasion des rites qui précèdent le départ au combat des adversaires, rosaires et crucifix au cou. Au retour, ces derniers reviendront auprès du chaman et les blessés recevront de lui les premiers soins avant d’aller se faire soigner par le médecin de l’hôpital.

Les deux prêtres ont présenté les résultats de leurs recherches : “Relations entre clans de même parenté et conflits fonciers”, devant une assemblée de près de 800 personnes, le 17 janvier dernier, au centre du district de Manggarai à Ruteng. Pendant sept mois, ils ont mené leurs enquêtes dans les trois régions du district de Mannggarai où, rapportent les autorités, en 2001, 23 personnes ont été tuées au cours de huit conflits qui ont opposé des villages entre eux pour des questions de terre. Les PP. Muda et Satu, respectivement maître assistant à l’Institut d’enseignement catéchétique et curé de la paroisse de Lengko Ajan, avaient reçu 100 millions de roupies (9 600 dollars US) de la part du gouvernement local pour mener à bien leurs recherches.

Les villageois, ont-ils constaté, refusent de se soumettre aux décisions des juridictions locales régulières, persuadés qu’ils sont que les tribunaux sont de mèche avec ceux qu’ils tiennent pour leurs adversaires. “Celui qui a perdu au tribunal ne laissera jamais tranquille la partie adverse”, expliquent-ils. Les conflits naissent du désir de revanche bien que les villageois soient la plupart du temps voisins et souvent liés par des liens familiaux, précisent encore les deux chercheurs qui soulignent que ces luttes font, pour finir, que bien des femmes restent veuves, à charge pour elles de chercher de quoi vivre et élever leurs enfants. Et les prêtres de conclure : “Les liens de parenté n’ont aucune influence sur une possible réconciliation entre parties adverses”.

Vinsen Uman, un laïc catholique, affirme de son côté : “Aucune dispute pour de la terre n’intervient sans que les chamans n’y soient mêlés d’une façon ou l’autre, et les gens dépensent des millions de roupies pour s’assurer de leur protection”. Même les menaces de sanctions de la part de l’évêque, Mgr Eduardus Sangsun, évêque du diocèse catholique de Ruteng, “ne peuvent vraiment arrêter les conflits de gens voués à la violence et au chamanisme”, explique Uman. Pour Vinsen Uman, le fait que le gouvernement ait commandé cette étude va dans le bon sens et il espère que l’Eglise et les autorités civiles sauront faire bon usage des éléments détaillés par les deux prêtres. L’urgence, estime-t-il, est la création d’un système judiciaire équitable : “Les gens auront toujours recours à la violence pour trouver une solution à leurs problèmes tant que le fonctionnement des tribunaux ne sera pas plus juste et impartial”.