Eglises d'Asie

Karnataka : un groupe de militants hindouistes s’attaque à une église catholique et blesse des fidèles

Publié le 18/03/2010




Une partie de la presse indienne (1) s’est largement fait l’écho – tout en la condamnant – d’une agression commise, le dimanche 17 février dernier, par un groupe important de militants hindouistes contre l’église de la Sainte Famille, une église récemment construite dans le village de Hinkal, situé dans le diocèse de Mysore et appartenant à l’Etat du Karnataka. Outre les dégâts matériels, on déplore au moins une douzaine de blessés, parmi lesquels un enfant de quatre ans.

Selon les rapports de police, un groupe d’environ 70 personnes munies d’armes blanches, de bâtons et de barres de fer s’est introduit dans le complexe de l’église immédiatement après la messe dominicale de 9 heures 30. L’opération semblait avoir été soigneusement organisée et se dérouler selon un plan préparé à l’avance. Les agresseurs portaient des drapeaux du Bajrang Dal, un groupe extrémiste lié au Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP), et ont pénétré dans l’église en criant des slogans anti-chrétiens, proclamant que l’hindouisme était la seule religion de l’Inde et dénigrant la volonté de conversion des chrétiens. Ils ont ensuite lancé des pavés dans l’église et sur les fidèles qui s’y trouvaient. Des vitraux ont été brisés.

Selon certains témoignages, les paroissiens qui venaient d’assister à la messe et s’informaient des motivations du groupe de vandales auraient été accusés par ces derniers de favoriser les conversions au christianisme en distribuant des tracts de propagande chrétienne. Certains des agresseurs entrés dans l’habitation du prêtre de la paroisse, le P. K. A. Williams, lui ont répété ces mêmes accusations et, sans lui laisser le temps d’entamer le dialogue, se sont livrés au pillage des lieux, démolissant le mobilier et endommageant les livres et les revues trouvés dans le bureau. La police, appelée sur les lieux par les paroissiens, a mis quelque temps à disperser le groupe des déprédateurs à cause de la faiblesse de ses effectifs.

Le lendemain des faits, la presse indienne parlait de neuf arrestations (2) parmi lesquelles celle de C. V. Keshavamurthy, un dirigeant local du Vishwa Hindu Parishad (Conseil mondial hindou, VHP). Cependant, la section locale de ce groupe a aussitôt nié toute implication dans cette affaire, tout en affirmant qu’il s’agissait là d’une réaction populaire contre la volonté de conversion des Eglises chrétiennes. Beaucoup soupçonnent le Bajrang Dal d’être le principal animateur de l’attaque de l’église. Le P. Williams a même reconnu dans ses agresseurs quelques militants locaux de ce groupe, dont il a fourni les noms à la police. L’évêque du lieu, Mgr Joseph Roy, attribue la responsabilité de la profanation à divers groupes hindouistes, qui se sont manifestés à plusieurs reprises dans le passé. Il y a quatre ans, des militants hindous avaient pris pour cible certaines écoles catholiques du diocèse, alléguant qu’elles ne suivaient pas les coutumes hindoues. Au mois de mars 1999, des placards, affichés en ville, avaient accusé les missionnaires de menées antinationales (3). Les mêmes groupes avaient également exigé une parcelle de terrain de la cathédrale pour y édifier un sanctuaire dédié à la divinité Rama (4).

Cependant, la presse locale a souligné l’excellent climat régnant aujourd’hui au sein de la population et la consternation provoquée par l’agression aussi bien à Hinkal que dans la ville de Mysore, toute proche. Comme l’a déclaré Mgr Roy, les relations entre la minorité catholique et la majorité hindoue ont toujours été cordiales. Certes Mysore a été, dans le passé, le théâtre de certains troubles. Mais il ne s’agissait là que des retombées d’incidents qui avaient leurs causes en d’autres lieux. Les derniers incidents graves connus dans la ville datent de 1992-1993.

La raison directement alléguée par les agresseurs de l’église de la Sainte Famille est le prosélytisme dont la communauté chrétienne aurait fait preuve à l’égard des hindous. Les habitants de Hinkal nient qu’une telle attitude ait existé chez eux, aucune conversion n’ayant eu lieu récemment dans le village. Par ailleurs, l’évêque du lieu a fait remarquer qu’il n’existe aucune conversion forcée dans son diocèse. Pour éviter toute ambiguïté, chaque nouveau chrétien adulte se déclare libre de toute contrainte dans une déclaration sous serment devant un avocat.