Eglises d'Asie

Kerala : la hiérarchie de l’Eglise catholique prend parti contre une grève de fonctionnaires et est critiquée par le Parti communiste et les syndicats

Publié le 18/03/2010




Après l’annonce par le gouvernement du Kerala d’une série de mesures financières destinées à surmonter l’actuelle crise économique, quelque 500 000 employés du gouvernement ont entamé une grève illimitée le 6 février dernier, une grève qui a été estimée injustifiée par l’archevêque majeur de l’Eglise syro-malabare, le cardinal Varkey Vithayathil, ainsi que par d’autres membres de la hiérarchie de l’Eglise. Une lettre pastorale du cardinal, lue dans les églises à la messe dominicale du 10 février, a estimé que cet arrêt de travail “ne pouvait pas être justifié en un temps où le Kerala traversait une très grave crise économique”.

Le ministre-président Antony, qui a été nommé à ce poste au mois de mai dernier, vient de prendre des mesures très sévères pour sortir son gouvernement d’une situation financière catastrophique. Depuis longtemps obligé d’emprunter pour payer les traitements de ses fonctionnaires, l’Etat du Kerala se trouve aujourd’hui être débiteur d’une somme colossale, à savoir 240 milliards de roupies, l’équivalent d’un milliard de dollars. Selon des commentaires publiés dans la presse, à elle seule, la rémunération des employés de l’Etat absorberait 70 % des revenus de l’Etat, revenus très sérieusement entamés par la baisse continue du prix des produits agricoles depuis 1991, date à laquelle les produits locaux ont été soumis à la concurrence mondiale. La Banque nationale indienne, qui contrôle la situation financière des gouvernements régionaux, a demandé de supprimer tout crédit aux caisses de l’Etat, le découvert de ce dernier ayant dépassé les limites prescrites. Le résultat en est que les salaires de février ne seront pas payés, à moins que l’agence fédérale n’accorde à l’Etat du Kerala l’emprunt de deux milliards de roupies qu’il a sollicité.

C’est pour essayer de remédier, du moins en partie, cet état de chose que l’Etat a diminué de 20 % les salaires de ses employés et aboli une série d’avantages annuels qui leur étaient accordés depuis des années, mesure qui a déclenché la grève des fonctionnaires. Dans sa lettre, le cardinal demande à la population de collaborer avec le gouvernement et regrette que la grève soit menée par une partie de la population jouissant de privilèges certains et de hauts salaires. Par contre, il a mis en relief les épreuves supportées par les 30 millions de paysans du Kerala, dont six millions sont chrétiens. Il a demandé aux grévistes d’assumer leurs responsabilités sociales et morales et de savoir partager les sacrifices avec les autres secteurs de la population.

D’autres membres de la hiérarchie ont adopté une attitude analogue à celle du cardinal. Le responsable de la Commission du travail des évêques du Kerala, Mgr John Thattunkal, évêque de Cochin, a approuvé la mesure gouvernementale diminuant les salaires des fonctionnaires au profit du développement de l’Etat. L’aumônier du mouvement des paysans indiens (1) a averti que, si la grève continuait, paysans et chômeurs risquaient de descendre dans la rue.

La position de la hiérarchie catholique a passablement irrité les syndicats et les partis de gauche, plus particulièrement le Parti communiste qui a pris la tête de l’opposition au gouvernement en place actuellement. Ses représentants ont critiqué la prise de position du cardinal et déclaré que celui-ci était incapable de comprendre la moralité d’une grève démocratique et d’apprécier le poids des contraintes supportées aujourd’hui par la classe des travailleurs. Le plus haut responsable de l’Eglise syro-malabare a été accusé de n’être guidé que par son seul souci de soutenir le gouvernement en place. Le secrétaire général d’un grand syndicat de fonctionnaires a déclaré qu’il ne s’attendait pas à tant de partialité arrogante de la part des dirigeants de l’Eglise. Un autre dirigeant syndical a souligné que la plupart des grévistes étaient des travailleurs sous-payés et qu’il était regrettable que l’Eglise ne tienne pas compte de leur situation économique. D’autres ont même vu dans les déclarations de l’Eglise sur ce sujet une flagrante manifestation de son préjugé favorable à l’égard des riches.