Eglises d'Asie

La volonté de désengagement de l’Etat hors du système éducatif est mal ressentie par la popula-tion vietnamienne

Publié le 18/03/2010




Depuis 1987, date à laquelle, l’Etat a supprimé la gratuité de l’enseignement, du moins pour le secondaire, le système scolaire vietnamien est entré dans une évolution qui l’a rapidement transformé et lui a fait abandonner peu à peu les options populaires et révolutionnaires qui étaient les siennes en 1954 au Nord et, en 1975, au Sud, lors du changement de régime. Depuis quelques années, la presse officielle ne manque pas d’articles, généralement critiques, sur ce sujet. Beaucoup relèvent dans l’évolution du système éducatif au Vietnam une double tendance qui apparaît contradictoire.

D’une part, chez les responsables gouvernementaux, il existe une volonté de modernisation du système scolaire, motivée par l’actuelle percée économique du pays et le besoin de plus en plus grand d’employés et de cadres de formation universitaire. Cette tendance va se traduire par la prise en charge plus longue de la jeunesse et donc par un allongement de la scolarité actuelle. Selon l’officielle Agence d’information du Vietnam (1), le gouvernement a promulgué, au mois de janvier de cette année, un arrêté, n° 88/2001, rendant obligatoires les études secondaires jusqu’à l’âge de 18 ans. Jusqu’à présent, la scolarité n’était obligatoire que pour les études primaires jusqu’à l’âge de 11 ans. Les observateurs vietnamiens n’ont pas manqué de relever combien va être difficile l’application de ce décret à l’ensemble de la jeunesse vietnamienne si l’on conserve les tarifs, déjà exorbitants, demandés aujourd’hui dans les écoles vietnamiennes. Dans un pays où un nombre considérable de familles se trouve au-dessous du seuil de pauvreté et où déjà beaucoup d’entre elles sont obligées de retirer leurs enfants de l’école primaire avant la fin de leurs études, on ne voit pas comment le nouveau décret pourrait s’appliquer à tous.

Une autre tendance que l’idéologie officielle appelle, la “socialisation” pousse, en effet, les écoles à obtenir le plus de bénéfices possible. La socialisation consiste à abandonner peu à peu aux membres de la société civile la charge du système éducatif, en particulier son très important fardeau financier. Un fait est venu illustrer cette tendance en septembre dernier, lors de la discussion publique de certains amendements à la Constitution de 1992 (2). Jusqu’à présent, dans les principes, la suppression de la gratuité scolaire ne touchait que les études secondaires et les auteurs de la Constitution de 1992 avaient voulu codifier la gratuité des études primaires à l’article 59 qui après avoir affirmé que “les études constituaient le droit et le devoir du citoyen” ajoutait : “Les études primaires sont obligatoires et gratuites.” Or un nouvel amendement de la Constitution porte sur cette phrase de l’article 59 et prévoit de la supprimer rendant ainsi totalement payant l’ensemble du système scolaire vietnamien. Lors de la discussion de cet amendement, le 4 septembre dernier, à Hô Chi Minh-Ville, dans une réunion placée sous l’égide du Front patriotique, des intellectuels saigonais bien connus comme l’ancien professeur de philosophie, Ly Chân Trung, ou le juriste Hô Ngoc Cu, se sont élevés contre l’amendement. Ils se sont étonnés de voir qu’au moment où la situation économique du Vietnam s’améliorait, l’Etat renonçait à subventionner son système éducatif, ce que font tous les grands pays modernes du monde.

Depuis que l’Etat a commencé à exiger des familles des frais scolaires correspondant aux dépenses engagées par l’école pour le maintien des bâtiments et le traitement des professeurs, le système scolaire a considérablement changé de visage. Aujourd’hui, trois types d’écoles s’offrent aux familles.

Les écoles publiques restent les plus convoitées par les parents pour y placer leurs enfants. Les établissements appartiennent à l’Etat et les professeurs reçoivent de lui leur traitement. Les élèves y acquittent des frais scolaires qui pour certaines écoles bien cotées sont considérables (3), auxquels il faut ajouter d’autres contributions, la contribution dite du “livre d’or contribution aux frais d’entretien des bâtiments et aux autres dépenses. D’une façon générale l’enseignement dispensé dans ce type d’école est de bonne qualité et garantit la réussite aux examens.

Les écoles semi-publiques sont réservées généralement aux élèves empêchés de rentrer dans les écoles publiques à cause de leur niveau trop bas. L’établissement appartient à l’Etat, les professeurs appartiennent à l’enseignement public. Les frais scolaires sont plus élevés que dans le public et permettent aux enseignants d’améliorer leurs fins de mois.

Les autres élèves iront dans les écoles dites “fondées par le peuple”, ce qui indique déjà le peu de considération que la population porte à ces écoles. Celles-ci ont été créées et sont entièrement gérées par des personnes ou des groupes privés. Ce qui ne signifie pas que n’importe qui a le droit d’ouvrir une école de ce type. Il faut pour cela recevoir le patronage du Parti, d’un organe de l’Etat. Une de ces écoles, par exemple, est parrainée par un important service de transports publics. Les frais scolaires sont prévus dans un contrat passé entre l’école et les parents. Pour l’instant, selon la presse saigonaise, ce type d’école n’attire pas la foule des élèves. Un directeur d’école de ce type interviewé par le quotidien saigonais Saigon Giai Phong (4), s’est plaint de ne pas avoir pu ouvrir de classe de sixième dans son établissement faute de recrutement.