Eglises d'Asie

Moluques : malgré une situation encore très fragile, l’accord de paix signé le 12 février dernier entre les communautés chrétiennes et musulmanes semble entrer peu à peu dans les faits

Publié le 18/03/2010




Quinze jours après la signature à Malino, sur l’île de Célèbes, de l'”Accord des Moluques” ( Kesepakatan ), accord de paix en onze points (1), l’atmosphère générale semble avoir véritablement changé à Amboine et aux Moluques. Selon le Centre de crise du diocèse catholique d’Amboine, le 27 février, plusieurs milliers de jeunes hommes, chrétiens et musulmans, venus de la petite île de Haruku, ont parcouru les rues de la ville d’Amboine, passant à travers les zones chrétiennes et musulmanes de la ville et traversant les zones frontières qui séparent encore aujourd’hui les communautés. Ils entonnaient des chants de paix et d’unité tel le Satu Nusa Satu Bangsa et des policiers et des militaires se sont joints à eux. A la fin de leur périple, le gouverneur de la province, Saleh Latuconsina, a pris la parole devant eux pour déclarer : “Mulai sekarang Ambon itu aman” ( A partir d’aujourd’hui, les violences n’ont plus cours à Amboine’), invitant tous les Moluquois à prendre exemple sur les jeunes de Haruku. Toutefois, réalisant que ses propos pêchaient peut-être par excès d’optimisme, le gouverneur a ajouté que tous devaient en premier lieu déposer les armes et ne pas céder à d’éventuelles provocations.

Le 24 février, Susilo Bambang Yudhoyono, ministre chargé des Affaires politiques et de sécurité, a déclaré qu’il était prématuré de lever l’état d’urgence civile, en vigueur aux Moluques depuis le 27 juin 2000. Si une exception pourrait sans doute être faite rapidement pour la province des Moluques septentrionales – où la situation est apaisée depuis déjà plusieurs mois -, Yudhoyono a précisé que l’accord de paix devait être accepté par toutes les parties en présence avant d’envisager la levée de l’état d’urgence. Dans l’immédiat, le chef de la police pour les Moluques, Sunarko Danu Ardanto, a fixé au 1er mars la date limite au-delà de laquelle les médias locaux (journaux et radios) devront cesser toute diffusion pouvant inciter à la haine entre communautés. Le commandant Da’i Bachtiar, chef national de la police, a quant à lui déclaré que toutes les armes devraient être déposées et remises aux forces de sécurité d’ici trois mois. Sur le plan économique, les autorités paraissent se donner un délai de neuf mois afin de remettre en route l’économie locale ; un impressionnant budget de 30 millions de dollars a été débloqué pour la reconstruction “physique et mentale” des Moluques.

Sur le terrain, les choses ont commencé à prendre une bonne tournure dès le retour à Amboine des délégations chrétiennes et musulmanes, le 14 février. Sur une suggestion de Sœur Brigita Renyaan, une des déléguées, les deux délégations ont accepté d’emprunter le même avion, un appareil militaire, pour retourner aux Moluques. A l’arrivée à Amboine, la voiture empruntée par un délégué musulman a essuyé des jets de pierres mais l’incident a été immédiatement minimisé. Deux ou quatre engins explosifs artisanaux, selon les sources, ont explosé à Amboine mais sans faire de victime. Dès le 16 février, les responsables de la communauté chrétienne ont organisé un meeting devant le temple protestant Maranatha, à Amboine, pour informer les chrétiens des détails de l’accord de paix. Le 27 février, cela a été au tour des responsables de la communauté musulmane d’informer leurs coreligionnaires des tenants et aboutissants de l’“Accord des Moluques” ; plusieurs milliers de musulmans sont venus ce jour-là écouter leurs leaders devant la mosquée Al-Fatah, à Amboine. Selon le Centre de crise d’Amboine, il semble que les musulmans comme les chrétiens croient possible la paix mais à la condition que “justice soit faite”.

Pour répondre à cette attente, Djakarta, par la voix du ministre de la Justice et des Droits de l’homme, Yusril Ihza Mahendra, a annoncé le 27 février que l’envoi à Amboine de juges allait être accéléré. Dans un premier temps, le ministre avait déclaré que des juges ne seraient envoyés aux Moluques qu’après une nette amélioration de la situation sur place, mais, face aux critiques qui ont fusé à propos de la lenteur des autorités à faire respecter l’Etat de droit aux Moluques, le ministre a changé sa position. Selon un responsable du tribunal d’Amboine, “il y avait dix juges à Amboine avant le début du conflit et ils ne sont plus que trois aujourd’hui”, les autres ayant préféré fuir plutôt que de subir les pressions et intimidations des uns et des autres. Le ministre a promis que sept nouveaux juges seront bientôt affectés au tribunal d’Amboine.