Eglises d'Asie

Fondée sur la défense de la dignité de la personne humaine, la Constitution du Timor-Oriental, nouvellement adoptée, affirme le principe de la liberté religieuse

Publié le 18/03/2010




Après six mois de débats, les députés de l’Assemblée constituante du Timor-Oriental, élue le 30 août dernier (1), ont achevé leur tâche et ont signé le 22 mars dernier le texte qui va devenir la Constitution du nouvel Etat indépendant du Timor-Oriental, marquant ainsi un pas décisif dans le processus qui doit amener l’UNTAET, administration provisoire mise en place par l’ONU, à confier l’entière souveraineté du Timor-Oriental à son gouvernement en mai prochain. Selon le ministre en chef du gouvernement provisoire du pays, Mari Alkatiri, “le principe sacré qui a prévalu” tout au long du processus de rédaction de cette constitution a été “la défense de la dignité de la personne humaine”, un principe dont le respect a cruellement fait défaut aux Est-Timorais tout au long des 24 années d’occupation indonésienne. Comme en écho au rôle de l’Eglise catholique dans le territoire depuis 1975 – un rôle de défenseur des droits de la personne humaine -, la Constitution inscrit sur le papier le principe d’égalité entre les groupes religieux, ethniques et sociaux. Le Timor-Oriental, peuplé de 850 000 habitants, est catholique à 85 %.

Les rédacteurs de la Constitution ont voulu que la dignité de la personne humaine soit défendue au mieux et ont donc donné une acception large de ce terme. Outre l’égalité entre les hommes et les femmes – un principe pas aussi évident qu’il y paraît dans une société traditionnellement patriarcale -, la Constitution garantit le respect des droits individuels comme le droit à la vie, le droit de propriété, la liberté d’association, la liberté d’expression, mais fait également une place importante à des droits “sociaux”, comme le droit au logement, à la santé et à l’information.

Au sujet du respect de la liberté religieuse, la Constitution garantit l’égalité de traitement entre les groupes religieux, un aspect important tant est prédominante l’Eglise catholique dans le pays. De récents incidents ont indiqué que le Timor-Oriental pouvait connaître là quelques sources de tension. Récemment, dans les districts d’Aileu et d’Atsabe, des heurts ont eu lieu entre des catholiques et des membres d’un groupe évangélique appartenant à l’Assemblée de Dieu. A Atsabe en particulier, de jeunes catholiques ont lancé des pierres contre un groupe de missionnaires évangéliques venus du Brésil et arrivés dans un village à la nuit tombée ; plusieurs de ces missionnaires ont été blessés et l’un d’eux souffre d’une fracture du crâne. A Dili, la capitale, des incidents ont opposé de jeunes catholiques à la petite communauté musulmane de la ville.

Pour Mari Alkatiri, lui-même de confession musulmane, il est nécessaire que les Timorais se montrent vigilants et ne laissent pas dégénérer de telles tensions entre les communautés. Les Timorais ont pu être habitués aux violences extra-judiciaires, mais la République démocratique du Timor-Oriental doit être “fondée sur l’Etat de droit”, a-t-il déclaré.

Selon le témoignage des responsables politiques timorais, la rédaction de la Constitution n’a pas été sans débats, souvent vifs. Tous s’accordent cependant à dire que ces divergences de vue sont un bon signe dans la mesure où à la lutte pour l’indépendance, au cours de laquelle tant de Timorais ont été amenés à se dresser les uns contre les autres, succède maintenant un débat parlementaire où une démocratie pluraliste prend peu à peu racine. Mario Carrascalao, ancien gouverneur du territoire du temps de l’occupation indonésienne, a ainsi promis que son parti, le Parti social-démocrate, tiendra au Parlement le rôle qui a été celui du parti aujourd’hui majoritaire, le Fretilin, du temps où ce dernier animait la lutte armée pour l’indépendance : lutter pour le droit des personnes et fédérer les oppositions au gouvernement.

Elue le 30 août 2001, l’Assemblée constituante ne sera pas dissoute une fois la Constitution promulguée bien qu’elle a rempli la tâche pour laquelle elle avait été élue. Elle se transformera en Assemblée nationale, cœur du pouvoir législatif du bientôt complètement indépendant Timor-Oriental. Sur les 88 sièges qu’elle compte, 55 sont occupés par des députés appartenant au Fretilin, le parti de Mari Alkatiri.