Eglises d'Asie

Le rapatriement des montagnards vietnamiens réfugiés au Cambodge se poursuit en dehors du contrôle des Nations Unies et dans des conditions mal éclairciesPRIVATE

Publié le 18/03/2010




Par un communiqué de presse publié le 21 mars dernier (1) et confirmé le lendemain 22 mars, le département d’Etat américain a protesté contre l’intrusion de plus de 400 individus (sic) dans le camp de réfugiés montagnards situé dans la province de Mondolkiri pour persuader ses pensionnaires de revenir au Vietnam. Les 400 personnes, dont le communiqué affirme qu’elles ont été envoyées par le gouvernement vietnamien, sont arrivées au camp à bord de 12 cars de tourisme et ont été admises à l’intérieur par les autorités cambodgiennes, qui n’ont pas tenu compte des objections des fonctionnaires du Haut Commissariat aux réfugiés. Le communiqué décrit le comportement des envoyés du Vietnam comme agressif et indiscipliné et accuse les deux gouvernements concernés, à savoir le Vietnam et le Cambodge, de n’avoir pas tenu compte du rôle du Haut Commissariat aux réfugiés qui est d’assurer qu’aucune influence, coercition ou intimidation n’est exercée sur les rapatriés. Cependant, le communiqué note que, malgré la tentative d’intimidation, seuls cinq pensionnaires du camp se sont décidés à quitter le camp de leur plein gré après avoir signé une déclaration faisant foi de leur volontariat.

On a appris plus tard par des déclarations des fonctionnaires du Haut Commissariat que, dans le groupe des 400 personnes, 300 étaient des parents des réfugiés du camp. Cent étaient des cadres vietnamiens (2). Quelques-uns des 300 montagnards du groupe d’intrus ont confié sur place qu’ils avaient été forcés de pénétrer au Cambodge par les autorités vietnamiennes.

Le lendemain, le porte-parole des Affaires étrangères du Vietnam, Mme Phan Thuy Thanh a fourni une version passablement différente de l’événement qui avait provoqué l’irritation du département d’Etat américain. Selon elle, les 400 personnes ayant pénétré dans le camp de réfugiés étaient des habitants de certaines localités des Hauts Plateaux, venus au Cambodge pour visiter leurs proches et les encourager au retour. Selon Phan Thuy Thanh, les pensionnaires du camp n’étaient ni des prisonniers, ni des réfugiés et, par conséquent, avaient le droit d’accueillir des visites de leurs proches. Le même jour, un colonel de la police cambodgienne avait confirmé à l’AFP (3) que 400 Vietnamiens avaient pénétré dans le camp de réfugiés. Néanmoins, il avait assuré qu’il n’y avait eu de leur part aucune violence ou intimidation à l’égard des montagnards résidant dans le camp.

Depuis le mois de janvier, date à laquelle a eu lieu l’accord tripartite entre le Vietnam, le Cambodge et les Nations Unies, accord vivement contesté par les Etats-Unis et un certain nombre d’associations humanitaires, seulement 15 pensionnaires des deux camps de réfugiés situés dans les provinces de Mondolkiri et de Rattanakiri ont été rapatriés régulièrement sous le contrôle effectif du Haut Commissariat. Depuis, plusieurs groupes de réfugiés ont regagné le Vietnam, la plupart du temps dans des conditions mal éclaircies, mais vraisemblablement sous l’effet de la contrainte. Le 2 mars, 63 montagnards réfugiés au Cambodge étaient ramenés au Vietnam par la police cambodgienne à l’insu du Haut Commissariat aux réfugiés (4). Dans une lettre envoyée à Hun Sen, l’organe des Nations Unies affirmait que ce type d’intervention du gouvernement cambodgien contrevenait à la Convention sur les réfugiés de 1951. Le 15 mars, un nouveau groupe de 43 personnes, “profitant de la proposition de transport faite par des Cambodgiens”, selon la formule officielle, rejoignait à son tour les Hauts Plateaux vietnamiens. Le lendemain, un nouveau groupe de montagnards réfugiés parvenait dans la Province de Gia Lai, “avec l’aide des autorités de la province cambodgienne de Mondolkiri”, déclarait l’agence de presse officielle du Vietnam, “amenés à la frontière par la police cambodgienne”, précisaient les agences occidentales.

Ainsi, sur le millier de montagnards pensionnaires des deux camps de réfugiés au Cambodge, au total quelque 160 ont été ramenés sur les Hauts Plateaux montagnards, la plus grande partie sous l’effet de la contrainte. Il ne semble pas que les négociations à ce sujet entre les trois parties intéressées aient progressé depuis quelques semaines, malgré leurs déclarations officielles de bonne volonté.