Eglises d'Asie

L’Eglise catholique se réjouit du vote d’une loi sur l’égalité des sexes mais s’inquiète de ses éventuels effets négatifs sur la condition féminine

Publié le 18/03/2010




L’Eglise catholique et des ONG catholiques ont bien accueilli le vote d’une loi sur l’égalité des sexes dans le monde du travail mais s’inquiètent quant à son application et les effets négatifs qui pourraient en découler pour les femmes elles-mêmes. Cette loi pour l’égalité entre les sexes sur les lieux de travail comprend 40 dispositions réparties en 7 chapitres. Elle a pris effet le 8 mars dernier, Journée international des femmes, après onze années de pression de la part de groupes féministes et des syndicats pour mettre fin aux inégalités dans les entreprises. La nouvelle loi stipule que les femmes d’une entreprise de plus de 30 salariés ont droit à deux ans de congé de maternité non rétribués et que les sociétés de plus de 250 employés doivent prévoir l’installation d’une crèche. D’autres arrêtés ont été pris pour réprimer le harcèlement sexuel, définir les critères nécessaires pour entamer une procédure en justice pour attitude sexiste et punir les coupables.

Alice Hu Yu-li, du Centre Rerum Novarum, a déclaré : “A Taiwan, voter une nouvelle loi est encore plus difficile que de l’amender. C’est pourquoi il nous en fallait une avant de demander au gouvernement de l’améliorer”. C’est ce qu’elle a expliqué lors d’une conférence de presse tenue dans les locaux du Conseil gouvernemental des affaires du travail, le 6 mars dernier. Le Centre Rerum novarum est l’une des organisations qui a le plus activement œuvré pour obtenir cette loi tout en défendant les droits des travailleurs en général, migrants ou locaux. La directrice du centre, Sœur Stephana Wei Wei, a alors expliqué aux journalistes que pendant quatre ans le Centre avait participé à d’innombrables rencontres, la plupart consacrées aux droits des travailleurs, pendant que d’autres groupes féminins se consacraient à l’aide sociale aux femmes.

Liu Wan-ling, du Centre catholique Ching-jen pour la santé et la sécurité au travail, pense, quant à elle, que la loi ne changera pas véritablement les choses dans le monde du travail étant donné que son application se fera sur une base volontaire, les entreprises n’y adhérant que si elles le souhaitent et n’encourrant pas de pénalités au cas où elles y contreviennent. Au vu des réponses données par les grandes entreprises, elle craint que les femmes, spécialement celles qui sont mariées, ne trouvent plus de travail. Pour elle, la loi sur l’égalité des sexes ne donne pas aux femmes suffisamment de poids pour pouvoir négocier. Une religieuse catholique, Soeur Chow Ching-min, de son côté, explique que ce sont surtout les employées de bureau qui se sont battues pour cette loi alors que les ouvrières se sont senties moins concernées. Hu Yu-li, souligne que, même avec cette loi, beaucoup d’employées de bureau n’ont pas conscience de ce qu’elle leur apporte ; son application dépendra beaucoup de l’action des groupes féminins d’éducation populaire, ajoute-t-elle.

Du côté des responsables d’entreprise et des hommes d’affaires, d’autres inquiétudes se font jour. Ces mesures, qu’il qualifie de sociales, ne vont-t-elles pas réduire les marges commerciales, se demande Wu Wu-shiung, chef d’entreprise catholique, que ses convictions religieuses ont pourtant poussé à promouvoir un certain degré d’égalité entre les sexes dans son entreprise. Ne va-t-elle pas grever le budget des petites et moyennes entreprises, s’inquiète Wan Tao-jung, lui aussi catholique. Un directeur financier de Taipei note que certains employeurs vont éviter de recruter des femmes ou vont embaucher des gens à temps partiel pour minimiser les coûts. “Cette loi risque de nuire aux femmes avant même de leur être bénéfique”, craint-il. Un ingénieur, fonctionnaire d’Etat de Kaohsiung, Yu Tao-lin, fait remarquer que des congés de maternité existent dans la fonction publique mais que, pour bien des raisons, peu de gens les utilisent.

D’après les dernières statistiques, le salaire d’une ouvrière à Taiwan représente 67 % de celui d’un homme. En cette période de récession économique, le taux de chômage des femmes est 1,5 fois supérieur à celui des hommes.