Eglises d'Asie

L’indignation est générale après la publication d’une résolution d’un groupe hindou justifiant les massacres du GujaratPRIVATE

Publié le 18/03/2010




Le ton adopté par une résolution votée le 17 mars dernier par l’association de l’extrême droite hindoue, le Rashtriya Swayamsevak Sangh (Corps national des volontaires, RSS) concernant les musulmans, a ému l’opinion publique indienne. Deux jours plus tard, aussi bien la Conférence épiscopale que le Conseil national des Eglises (protestantes) éprouvaient le besoin, dans deux communiqués séparés, d’en appeler aux défenseurs de la laïcité en Inde pour condamner une résolution qui, selon eux, attente à la tradition religieuse pluraliste du pays.

La résolution donnait son interprétation particulière des troubles intercommunautaires qui ont ensanglanté le Gujarat dans les premiers jours du mois de mars. La principale responsabilité des événements incombait aux musulmans qui le 28 février avaient attaqué et incendié un train de militants hindous, près de la gare de Godhra, causant la mort de 58 passagers. Selon la résolution, les troubles qui ont suivi dans l’Etat du Gujarat et les massacres qui les ont accompagnés avec leurs 700 morts, n’ont été qu’une réaction naturelle et spontanée. Dans une conférence de presse tenue un peu plus tard, le vice-secrétaire général du RSS, Madan Das Devi, a commenté la résolution en affirmant que la philosophie de l’hindouisme, “Vivre et laisser vivre”, n’impliquait pas que la communauté devait tolérer les offenses. Le responsable RSS, après avoir rappelé aux musulmans que leur sécurité dépendait de la bonne volonté des hindous, a conclu : “Respectez nous et nous vous respecterons !”

Le secrétaire général de la Conférence épiscopale indienne, Mgr Percival Joseph Fernandes, a répliqué que l’apostrophe lancée par les extrémistes hindous aux musulmans, même en temps normal, était diamétralement opposée à l’esprit séculier prôné par la Constitution indienne. De son côté le pasteur Ipe Joseph, secrétaire du Conseil des Eglises (protestantes), a qualifié la résolution d’“impudente” et rappelé que la sécurité de tous les Indiens dépendait du Parlement et de la Constitution. Le Conseil chrétien panindien a déclaré voir dans l’attitude actuelle des extrémistes hindous les prémisses d’une grave tragédie, car, aucun Indien ne consentira à se plier à une volonté de la majorité imposée par la force, même si cette majorité constitue, comme c’est le cas pour les hindous, 82 % du milliard d’habitants que compte l’Inde.

L’indignation a été ressentie bien au-delà des milieux musulmans et chrétiens. Un juriste hindou, Suresh Hosbet, a fait remarquer que de tels appels ne devraient pas trouver de place dans un pays laïque, démocratique et pluraliste. Dans une mise en garde adressée à tous, il a annoncé que si, l’on ne s’y opposait pas maintenant, le RSS, dans sa tentative de faire de l’Inde une théocratie hindoue, prendrait pour cible d’autres minorités comme les chrétiens et les sikhs. D’autres condamnations sont venues des alliés du BJP dans la coalition au pouvoir. Même Mukhtar Abbas Naqvi, qui est le seul musulman membre du Conseil national du BJP, a exprimé publiquement sa crainte que la population n’interprète la résolution du 17 mars comme un signe du manque de confiance des hindous à l’égard des musulmans. Pour lui, la résolution ne fera que jeter de l’huile sur le feu des conflits déjà existants.