Eglises d'Asie – Philippines
Mindanao : le P. Cirilo Nacorda, curé sur l’île de Basilan, explique les raisons qui font qu’il se déplace désormais armé d’un revolver
Publié le 18/03/2010
Parlant le 13 mars devant un forum de civils et de responsables gouvernementaux, le prêtre a déclaré : “La différence entre ma situation et la vôtre est que nous sommes ici face à des terroristes fanatiques alors que vous, les défenseurs de la paix, ne rencontrez que des groupes armés de principes et de causes légitimes ». Ce forum avait pour thème : “Une nation prise en otage – Terreur et militarisme à Mindanao”. Y assistait une majorité de partisans de la paix, descendus dans un hôtel de Davao. Cette rencontre avait été organisée par le groupe Initiatives pour un dialogue international, qui, en son temps, a défendu la cause du Timor-Oriental.
Selon le P. Nacorda, l’Eglise continue “à tendre la main aux habitants de Basilan mais, malgré tout, nous nous sommes armés pour nous défendre et nous protéger nous-mêmes” (2Beaucoup estiment cependant “que [le fait de s’armer] n’est pas une bonne chose a-t-il reconnu, assurant qu’il était persuadé que “pour stopper la violence, il fallait tendre la main vers la paix”, mais, a-t-il demandé : “Que faire si de l’autre côté on refuse de s’asseoir ?”. Il a rappelé que Basilan “vivait une douloureuse histoire de terrorisme” où Abu Sayyaf kidnappait touristes et paysans, que les extrémistes gagnaient des “millions de dollars de rançon et que de pauvres paysans étaient décapités”. Abu Sayyaf n’épargne pas les religieux comme lui-même, a-t-il rappelé, retenu en otage pendant deux mois en 1994 (3). “J’ai beaucoup souffert. Je leur ai fait la cuisine. J’ai reçu des coups de pied et été maltraité”, a-t-il rappelé, ajoutant que son cas était loin d’être isolé. Les survivants, dont des femmes violées, ont témoigné de leurs souffrances. Un prêtre qui avait été kidnappé en 2000 avec plusieurs écoliers a été tué et ce sont les enfants qui ont raconté les circonstances de sa mort (4).
Avant son intervention au forum, le P. Nacorda avait confié aux journalistes de l’agence Ucanews, qu’il portait une arme de poing mais sans vouloir révéler pour autant le nombre des prêtres, à Basilan, qui sont, comme lui, armés. Il ne porte pas d’arme quand il quitte l’île, mais a confirmé que l’armée avait détaché deux soldats et un policier pour sa sécurité. Le prêtre avait déjà fait part de sa décision de porter une arme au cours de la 30ème assemblée du clergé de Mindanao en février dernier. Certains prêtres l’avaient approuvé. Mgr Fernando Capalla, archevêque de Davao, avait déclaré alors que c’était possible pour un membre du clergé de porter une arme “si cela s’avérait nécessaire dans une situation d’extrême danger”, mais avait rappelé qu’un prêtre “était supposé apporter un message de paix et de réconciliation”.
Le P. Nacorda a exprimé aussi son désappointement devant la promotion du général de brigade Romeo Dominguez au rang de général en chef. Une infirmière est venue certifier devant les parlementaires philippins que Dominguez portait une mallette pleine de billets de banque quand les rebelles d’Abu Sayyaf avaient franchi le cordon militaire pour s’échapper, à Lamitan, en juin 2001. Le prêtre a déclaré également que l’armée, en recommandant sa promotion plutôt que sa mise en examen, avait fait parvenir un message à ses hommes pour leur dire : “Nous sommes là pour vous protéger et personne ne vous touchera”. Le prêtre, pour terminer, a ajouté que ses amis militaires lui avaient recommandé d’être “extrêmement prudent” mais, a-t-il fait remarquer, “j’ai à me déplacer dans la paroisse. La peur ne doit pas m’empêcher de remplir mon ministère”.